Un vieux rêve israélien : «Fût-ce un simple major...»
En complément de l'article «Coup d'État au Liban», voici l'article publié par Le Monde diplomatique en septembre 1982. Lire aussi l'article de Yaacov Sharett, de décembre 1983: «L'État juif et l'intégrité du Liban».
Le gouvernement israélien proclame qu'il n'a pas de visées territoriales sur le Liban et que son but est d'installer un «État fort» à Beyrouth. Mais, à en croire le journal de Moshe Sharett(1), ancien ministre des affaires étrangères, des projets israéliens de démembrement du Liban existent depuis longtemps, au moins depuis 1954. Sharett proclame d'ailleurs dans ses Mémoires sa violente opposition à ce qu'il appelle «une folle aventure».
Le 27 février 1954, Sharett rendait compte d'une réunion avec Ben Gourion, Dayan et Lavon :
«C'est le moment pour les maronites dans ce pays, dit Ben Gourion, de proclamer un État chrétien. Je répondis que c'était insensé. Car un Liban chrétien devrait abandonner Tyr, Tripoli, la Békaa et il n'y a pas de force au monde qui puisse ramener le Liban à ses dimensions d'avant la première guerre mondiale, surtout parce qu'il perdrait alors sa raison d'être économique.»Le même jour, Ben Gourion précisait dans une lettre à Sharett que «le Liban était le maillon le plus faible de la Ligue arabe» et que «les chrétiens formaient la majorité de la population dans le Liban historique, une majorité ayant une tradition et une culture différentes de celles des autres membres de la Ligue». Il ajoutait :
«Dans ses frontières élargies (la France a commis la plus grave erreur en étendant les frontières du Liban), les musulmans ne sont pas libres d'agir comme ils le veulent, même s'ils avaient la majorité, par peur des chrétiens. La création d'un État chrétien est par conséquent un acte naturel ; elle a des racines historiques (...) En temps normal, ce serait pratiquement impossible (...) Mais dans les moments de confusion, de révolution ou de guerre civile, la situation change et même les faibles se proclament héros. C'est peut-être le moment de créer un État chrétien dans notre voisinage. Cela signifie que, cette fois, toute l'énergie et tous les moyens doivent être employés dans ce but et que nous devons agir dans toutes les directions pour provoquer un changement radical au Liban.»Le 16 mai 1954, à la suite d'une réunion des responsables de la défense et des affaires étrangères, Sharett écrivait, parlant du chef d'état-major, Moshe Dayan :
«Notre but ne sera pas atteint sans une redéfinition des frontières du Liban. Mais si nous pouvions trouver au Liban des hommes ou des émigrés libanais qui puissent mobiliser (la population) pour la création d'un État maronite, des frontières élargies et une importante population musulmane ne leur seraient plus utiles.»
«Selon lui, il serait seulement nécessaire de trouver un officier, fût-ce un simple major. Nous pourrions gagner sa sympathie ou l'acheter pour l'inciter à se proclamer sauveur des maronites. Alors, l'armée israélienne entrerait au Liban, occuperait le territoire nécessaire et installerait un régime chrétien qui s'allierait à Israël. Les territoires au sud du Litani seraient totalement annexés par Israël et tout irait pour le mieux.»Le 28 mai 1954, Sharett écrivait :
«Le chef d'état-major a soutenu un plan visant à soudoyer un officier (libanais) qui accepterait de servir de marionnette afin que l'armée israélienne paraisse répondre à un appel pour la libération du Liban de ses oppresseurs musulmans.»-----
(1) Moshe Sharett, Journal (huit tomes), éditions Maariv, Tel-Aviv 1978 ; extraits cités par Livia Rikach dans Israel's Sacred Terrorism, préface de Noam Chomsky
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