a

01 juillet 2013

Loubnan ya Loubnan est désormais sur Seenthis

Ami lecteur,

Mes activités se poursuivent (à un rythme beaucoup plus soutenu que sur ce blog) sous forme de revue de presse sur la plateforme Seenthis

J'ai également écrit un long article consacré au Cablegate au Liban, publié sur le blog d'Alain Gresh, puis en arabe sur le site du quotidien libanais Al-Akhbar.


07 juin 2010

La flottille et l'escamotage de la question nucléaire

Selon un principe énoncé par Chomsky, les faits importants ne sont pas «cachés», en ce sens qu'en cherchant, on les trouve dans la presse internationale. En revanche, ils sont minorés par la place qu'ils occupent dans l'espace médiatique: le commentaire est soit totalement orienté et/ou farfelu soit, pour les sujets vraiments importants, le commentaire est totalement absent. L'idée est que les décideurs (politiques et, surtout, économiques) ont besoin d'être informés pour prendre les «bonnes» décisions (selon leurs propres critères); l'info est donc largement publique et accessible. En revanche, pour éloigner les citoyens de décisions qui les concernent pourtant directement, cette information doit être diluée et traitée comme si elle n'avait aucun intérêt.

Concernant l'attaque par Israël de la flottille internationale, il est donc intéressant de s'attacher au fait brut et, surtout, de rechercher les sujets qui sont totalement occultés. Chercher des faits ayant un rapport qui sont apparus dans la presse, mais qui ne sont pas commentés et ne sont pas réapparus depuis.

On peut s'aider en repérant l'aspect aberrant de certains commentaires, qui abordent le sujet selon un certain axe délirant. Se demander pourquoi le sujet est abordé sous cet axe, mais pourquoi le traitement et la conclusion sont aussi farfelus. L'axe général permet de détecter qu'il y a bien  là une préoccupation profonde de l'auteur, et l'aspect aberrant permet de suspecter qu'on tente de s'éloigner du fond du problème (effet «nuage de fumée»).

Parmi les commentaires «bizarres» du moment, il y a cette prétention régulière selon laquelle l'action israélienne «profite aux extrémistes des deux camps», que le Hamas et le gouvernement israélien sont des alliers objectifs dans cette affaire, dans le but d'éloigner autant que possible la possibilité d'aboutir à la paix.

C'est exactement l'objet du communiqué des fumistes de JCall: «Arraisonnement de la flottille à Gaza : une crise qui ne profite qu’aux extrémistes des deux bords». C'est le sujet fréquent de bon nombre de commentaires en ce moment.

Pourtant, il est évident que la logique même de cette assertion est inepte. Ça n'est pas mon sujet ici, je ne vais pas développer ce qui me semble relever de l'évidence. Ce qui est intéressant:

  • pourquoi aborder le sujet sous l'angle des «négociations» (qui, en la matière, sont inexistantes et seraient basées sur des présupposés israéliens illégaux et inadmissibles – dont, notamment, la poursuite du blocus de Gaza et de la colonisation),
  • pourquoi présenter cette idée qu'un quelconque «processus» a été interrompu ou compromis par l'action israélienne contre la flottille?

Et là, si l'on cherche du côté des «processus» et des «négociations», qui concernent et préoccupent Israël et les fondements de sa «sécurité nationale», on a justement deux événements survenus quelques jours à peine avant la décision de transformer l'arraissonnement de bateaux civils en bain de sang dans les eaux internationales. Deux événements énormes, aux conséquences vitales, événements connus mais qui ont désormais totalement disparu de l'ensemble des commentaires. Si j'étais la «mouvance pro-palestinienne» (voir mon billet précédent), je me concentrerais actuellement sur ces sujets.

Le premier événement est énorme, et on a déjà vu le déploiement de la mauvaise foi occidentale pour tenter d'en contourner les conséquences. Le 21 mai, Alain Gresh l'analysait sur son blog: «Iran, vers “une communauté internationale” post-occidentale?»
«Finalement, tout s’est arrangé : M. Recep Erdogan a fait le déplacement à Téhéran et il a scellé, le 17 mai, son entente avec le président Lula da Silva et Mahmoud Ahmadinejad sur un texte en dix points qui trace une voie pour résoudre la crise sur le nucléaire iranien.»
Alain Gresh décrit les manœuvres occidentales pour enterrer un accord qui, pourtant, correspond point par point aux exigences de l'AIEA formalisée en octobre 2009, accord qui devait, alors, marquer l'arrêt du processus de sanctions et permettre l'ouverture de nouvelles négociations:
«Que dit le texte signé sous leur égide ? D’abord que, conformément au TNP, l’Iran a droit à l’enrichissement ; ensuite, que le pays accepte l’échange de 1 200 kilos d’uranium faiblement enrichi (UFE) contre 120 kilos d’uranium enrichi (UE) à 20%, indispensables au fonctionnement de son réacteur de recherche ; que les 1200 kilos d’UFE seraient stockés en Turquie, le temps que l’Iran reçoive ces 120 kilos d’UE ; que l’Iran transmettrait à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), dans la semaine suivant le 17 mai, une lettre officielle formalisant son accord. En renonçant à une partie importante de son uranium, Téhéran limite sérieusement ses capacités à produire une bombe.»
Ban Ki-moon a salué l'accord:

«Le secrétaire général de l'ONU “salue l'initiative du président brésilien Lula et du Premier ministre turc (Recep Tayyip Erdogan)”, a indiqué le porte-parole de M. Ban, Martin Nesirky.
“Cela souligne que transparence et ouverture sont les clefs pour répondre aux préoccupations exceptionnelles que suscite le programme nucléaire iranien”, a-t-il ajouté.
“L'accord peut être une avancée positive (...) s'il est suivi d'une coopération plus étendue de Téhéran avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et la communauté internationale”, a dit le porte-parole.

La lettre officielle prévue dans l'accord a bien été remise par l'Iran à l'AIEA la semaine suivante:
«Lundi, l'Iran a remis la lettre de notification de l'accord tripartite signée par le chef de l'Organisation de l'énergie atomique iranienne (AIEA), Ali Akbar Salehi, au cours d'une réunion à la résidence du directeur général de l'AIEA à Vienne.»
Nous avons un accord, à l'initiative de la Turquie et du Brésil, signé par l'Iran, correspondant aux exigences d'octobre dernier. Il est salué par le secrétaire général de l'ONU, et l'Iran signale formellement l'accord à l'AIEA.

Pourtant, avant-hier, on nous annonce avec joie que, suite à la rencontre entre Angela Merkel et Dimitri Medvedev, des santions pourraient être prises contre l'Iran. Cette dépêche de l'AP, à l'image de l'ensemble des commentaires médiatiques sur cette rencontre, n'évoque à aucun moment l'accord signé il y a deux semaines.

Et, il y a à peine une heure, le Monde nous informe des conclusions d'une nouvelle réunion de l'AIEA. L'accord turc-brésilien-iranien est totalement occulté, et seul le sujet des «sanctions» est abordé.  On ne saura pas pourquoi l'accord n'a aucune «importance», et rigoureusement rien ne permet au lecteur de se poser la question.

Un autre accord international doit être rappelé. Le 28 mai (trois jours avant l'attaque contre la flottille), un accord du TNP appelle à un Moyen-Orient dénucléarisé.
«C'est un accord crucial auquel sont arrivés, vendredi 28 mai, les 189 pays signataires du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) en adoptant par consensus un document qui propose de débattre sur l'interdiction totale des armes de destruction massive dans tout le Moyen-Orient. Il s'agit du premier accord de révision du TNP en dix ans. Il évoque également d'autres volets de la non-prolifération, comme le désarmement, la vérification des programmes nucléaires nationaux pour assurer qu'ils sont pacifiques, et l'usage pacifique de l'énergie atomique.»
[...]
«Cette conférence implique donc la présence de l'Iran et d'Israël. Une "zone dénucléarisée" au Moyen-Orient aurait plusieurs conséquences, en premier lieu obliger Israël à signer le TNP, qui date de 1970, et à renoncer à son arsenal atomique, dont il n'a jamais reconnu ni démenti l'existence. Israël serait également tenu de placer ses installations nucléaires sous surveillance de l'Agence internationale de l'énergie atomique.»
Une mise en cause du nucléaire israélien dans une grande instance internationale, voilà qui n'est pas commun. Qui plus est, rompre l'approche unilatérale du «nucléaire iranien» en liant cette question à l'ensemble de la région, on sent le danger pour les israéliens (on ne doute évidemment pas que les Iraniens utiliseraient cet argument, avec cette fois la légitimité d'une déclaration du TNP).

Enfin, pour vraiment se rendre compte du danger: l'ami américain n'a pas mis son véto, ni fait de déclaration suggérant que le machin serait rapidement enterré. Au contraire:
«Washington s'est engagé à œuvrer au succès d'une telle conférence en "créant les conditions" nécessaires, selon Ellen Tauscher, sous-secrétaire d'Etat chargée du contrôle des armements et de la sécurité internationale. Peu après l'accord, le président Obama s'est réjoui de cette avancée. "Cet accord comporte des étapes équilibrées et réalistes qui feront avancer la non-prolifération, le désarmement nucléaire et l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire, qui sont des piliers importants du régime global de non-prolifération". Toutefois, M. Obama s'est dit "fortement" en désaccord avec le fait que la conférence ait singularisé Israël.»
Et trois jour plus tard, l'intervention héroïque de l'armée israélienne dans les eaux internationales avait pour effet, non de retarder un inexistant «processus de paix» israélo-palestinien, mais de faire totalement disparaître de l'agenda international et des commentaires publics ces deux événements portant sur le nucléaire iranien et sur le nucléaire israélien.

On lit beaucoup de commentaires sur l'effet désastreux de l'attaque sur un hypothétique processus. Question totalement saugrenue. En revanche, l'effet spectaculaire de l'intervention israélienne, c'est l'escamotage pur et simple du calendrier politique et médiatique des avancées sur le nucléaire iranien et  de sa mise en perspective officielle avec le nucléaire israélien.

Vraiment, si j'étais la «mouvance», je consacrerais toute l'énergie possible à remettre ces deux événements au centre du commentaire public. Car au-delà du martyre intolérable de Gaza, c'est la sécurité globale de la région et la possibilité d'une nouvelle guerre régionale qui sont en jeu.

05 juin 2010

La «mouvance pro-palestinienne»

Hier, Gilles Paris, rédacteur en chef adjoint du service International du Monde, répondait à cette grave question (que personne ne se pose pourtant): «Qui sont les Français pro-palestiniens?».

Poser ainsi la question, c'est introduire l'idée d'un oxymore, comme si «Français» et «pro-palestiniens» étaient deux termes contradictoires. L'image accompagnant l'article montre d'ailleurs une jeune femme au teint très mat et aux cheveux noirs, le visage masqué par sa pancarte, et dont on ne voit que les yeux très maquillés. Genre orientale. Et le résumé de l'article, tel qu'il est passé dans le flux RSS, explique:

«La mouvance pro-palestinienne en France repose essentiellement sur la gauche, l’extrême gauche et les écologistes, ainsi que sur un réseau dense d’associations et d’organisations.»
Ce résumé est détaillé dans l'article et se termine par la mention d'une association «interdite aux États-Unis»:
«La composante politique de la mouvance pro-palestinienne se double d’un réseau dense d’associations et d’organisations, qu’il s’agisse de mouvements de défense des droits de l’homme (Ligue des droits de l’homme), d’associations de collectivités locales (Association des villes françaises jumelés avec des camps de réfugiés palestiniens) ou d’ONG comme le Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens (CBSP), dont sont membres la majorité des Français présents dans la flottille de Gaza. Le CBSP, qui a son siège en France, est interdit aux Etats-Unis pour ses liens supposés avec le Hamas.»
«Mouvance» n'est évidemment pas un terme neutre, puisqu'il désigne un groupuscule ultra-minoritaire suspecté d'activités dangereuses sur la base d'opinions politiques extrémistes. Je n'ai jamais entendu parler, par exemple, de «mouvance pro-israélienne». Pourtant, ce sont bien les «pro-israéliens» qui sont ultra-minoritaires (ce qu'on va voir dans la suite), qui mènent des activités dangereuses et sont motivés par des opinions politiques extrémistes.

Les motivations des partis politiques «pro-palestiniens», tels qu'exposées, sont assez navrantes:
«Sur cette question, la position de l’extrême-gauche (Lutte ouvrière et Nouveau parti anticapitaliste) est assez similaire, avec la dénonciation de l’axe diplomatique entre Israël et les Etats-Unis.»
Quant aux Verts, c'est encore pire:
«C’est en grande partie du fait de leur ancrage historique à gauche, du moins pour une partie d’entre eux, que les Verts prennent également position en faveur du mouvement national palestinien.»
Pour ne reprendre que des événements extrêmement récents, la destruction du Liban et de Gaza en 2006 et leur lot de crimes, les violations constantes des résolutions internationales, le racisme israélien (gouvernement d'extrême-droite, sondages montrant la montée des opinions racistes...), le bombardement en Syrie en 2007, les crimes de guerre à Gaza en 2009, l'assassinat à Dubaï avec des passeports européens en 2010 et le récent meurtre des militants de la flottille humanitaire internationale, tout cela n'a aucune raison de constituer des motifs. Non, ce qui motive la «mouvance», c'est la dénonciation de l'axe israélo-américain pour des raisons idéologiques (archaïques) et, pour les Verts, c'est du suivisme lié à leur positionnement «à gauche».

Plus généralement, cela renvoie aux très nombreux articles qui s'interrogent sur la dégradation de l'«image» d'Israël. Quand ça ne concerne pas directement des Occidentaux, les articles s'inquiètent de la «colère» dans le Monde arabe (manière de désamorcer le sujet: Israël assassine à Dubaï avec des passeports européens, mais la seul conséquence serait une baisse de l'image dans le monde arabe, comme si les citoyens occidentaux n'avaient aucune raison d'être en colère).

Ces très nombreux articles sur l'«image» d'Israël sont eux-mêmes, en réalité, des opérations de communication. Ils suggèrent que c'est seulement à la suite de quelques épisodes spécifiques, et seulement à l'intérieur d'une très restreinte «mouvance pro-palestinienne», ou dans la «rue arabe», qu'il y aurait une «mauvaise image» d'Israël.

Ce qui permet ensuite à nos politiques de poursuivre les partenariats économiques, politiques et militaires avec Israël, et de ne jamais rien faire pour forcer Israël à respecter un droit international minimal.

Au point que, chaque fois qu'on discute entre copains de la «mouvance» (hé hé), il y a toujours quelqu'un pour se demander comment «on pourrait informer les gens», «faire comprendre la situation»... C'est-à-dire que même au sein de la «mouvance», les gens ont tendance à se croire/sentir minoritaires. Ce qui, à mon avis, produit de la perte de temps, de l'inefficacité et une grande «timidité».

Pourtant, et ça me semble important, les seules questions légitimes seraient aujourd'hui:
  • Qui sont (encore et malgré tous les crimes israéliens) les Français pro-israéliens?
  • Qu'est-ce qui constitue la mouvance pro-israélienne? Quelles sont ses motivations?
  • Pourquoi autant de politiciens européens soutiennent-ils Israël et proclament leur «amitié» pour cet État, alors que les populations qui les élisent sont aussi majoritairement critiques envers Israël?
Parce que c'est le point aveugle de toute cette communication: occulter le fait que toutes les statistiques démontrent de manière constante que l'«image» d'Israël est catastrophique depuis des années dans les opinions publiques occidentales.

Toutes ces statistiques démontrent que les gouvernants occidentaux adoptent, concernant Israël, des positions opposées à leurs opinions publiques. Elle expliquent également que la «guerre de communication» menée par Israël, qui peut sembler d'une nullité ahurissante, ne vise pas réellement l'opinion publique occidentale, mais bien avant tout l'opinion publique israélienne. Parce que les opinions occidentales, malgré ce que croient beaucoup de «pro-palestiniens», sont largement au courant, et particulièrement sceptiques concernant la grande «démocratie» israélienne et la moralité de son armée.

On pourrait les reprendre systématiquement, mais je vais me contenter de quelques exemples qui rappellent que la «mouvance pro-palestinienne» désigne en réalité la majorité des citoyens occidentaux, et que c'est bien la «mouvance pro-israélienne» qui constitue une minorité spécifique et isolée, mais agissante, efficace et sur-valorisée médiatiquement et politiquement.

Une enquête menée deux jours après l'attaque contre la flottille humanitaire indique que 40% des Norvégiens sont partisans d'un boycott des produits israéliens. Ça n'est pas qu'une «opinion négative», c'est une volonté d'agir: or, mobiliser les opinions publiques pour les amener à «agir», même a minima, est quelque chose de très difficile à obtenir.

Gilles Paris, qui s'interroge sur l'identité de la «mouvance pro-palestinienne», avait pourtant signalé quelques semaines plus tôt (avant l'attaque israélienne), un sondage réalisé par la BBC:
«Un sondage de la BBC publié le 19 avril témoigne de la mauvaise image d’Israël dans le monde. Dans un échantillon de 28 pays, l’Etat juif est rangé dans le peloton des pays mal vus, avec la Corée du Nord, le Pakistan et l’Iran, le plus mal classé.»
En France, seulement 20% des répondants ont une image «plutôt positive» d'Israël, et 57% une image «plutôt négative» de l'influence d'Israël. En Allemagne, ça monte à 13% d'image positive et 68% d'image négative. En Grande-Bretagne, 17% d'image positive, 50% d'image négative. Vraiment, il faudrait se poser la question: «Qui est cette mouvance pro-israélienne ultra-minoritaire qui peine à atteindre les 20% dans les pays européens?» Quand nombre de nos politiciens proclament leur «amitié» pour Israël, ils parlent pour qui?

Même aux États-Unis, seul pays où l'image d'Israël est plus positive que négative (et où le discours politique est orienté à sens unique d'une manière stupéfiante), les chiffres ne sont pas si bons: certes 40% d'image positive, mais tout de même 31% d'image négative. Au Canada, seulement 23% d'image positive et 38% d'image négative.

L'un des sondages les plus spectaculaires a été publié à l'initiative de la Commission européenne (qui n'est pas, à ma connaissance, membre de la «mouvance pro-palestinienne») en octobre 2003. C'est-à-dire bien avant les guerres de 2006 et les massacres qui se sont succédés depuis.

À la question: «Pour chacun des pays suivants, dites-moi si, selon vous, il représente ou non une menace pour la paix dans le monde?», c'est Israël qui a obtenu le plus mauvais score: 59% des Européens interrogés (55% des Français) estiment qu'Israël représente une menace pour la paix dans le monde. Aucun autre pays proposé n'obtient un aussi mauvais score (même l'Iran, même la Corée du Nord, même les États-Unis de Bush).

Plus précisément: Israël représente-il une menace pour la paix dans le monde?
  • 18% Oui, tout à fait
  • 41% Oui, plutôt
  • 24% Non, plutôt pas
  • 13% Non, pas du tout.
J'insiste: la question est très spécifique. Elle ne demande pas si les gens ont une image «plutôt négative» d'Israël, mais si Israël constitue une «menace pour la paix dans le monde». C'est donc un résultat particulièrement spectaculaire à une question extrêmement forte.

À noter:
  • Même chez ceux qui, à l'époque, trouvent l'intervention en Irak justifiée, 57% considèrent qu'Israël est une menace; peu de différence avec ceux qui trouvent l'intervention non justifiée. 
  • Plus le niveau d'éducation augmente, et plus Israël est considéré comme une menace (passant de 50% à 66%). 
Ces derniers points sont assez remarquables. Contrairement à l'image très répandue, d'une «élite» pro-israélienne, représentant l'opinion majoritaire, opposée à une «mouvance» populiste et jouant sur un antisémitisme inavoué, plus les gens sont instruits, plus ils considèrent qu'Israël est un danger pour la paix.

Par ailleurs, contrairement à la présentation de Gilles Paris (une mouvance politiquement motivée contre l'axe américano-israélien), on obtient quasiment le même jugement négatif à l'encontre d'Israël chez ceux qui soutiennent l'intervention en Irak et ceux qui s'y opposent. Si les «Français pro-palestiniens» étaient bien cette mouvance qu'il décrit (axe gauchiste anti-américain), on aurait une forte adéquation entre méfiance envers Israël et condamnation de l'intervention américaine en Irak; adéquation qu'on ne retrouve que marginalement dans les chiffres.

J'aimerais savoir, Gilles Paris, si ces 59% d'Européens qui considèrent qu'Israël menace la paix dans le monde (aucun pays n'obtient un aussi mauvais score) constituent ce que vous appelez «la mouvance pro-palestinienne»? Pourriez-vous enquêter sur les motifs de cette minorité de seulement 37% d'Européens qui pensent qu'Israël ne constitue pas une menace contre la paix, ces seulement 20% qui en ont une opinion «plutôt positive»? Sont-ils une mouvance, ont-ils un agenda politique inavouable, dans quelle mesure recoupent-ils les opinions racistes et islamophobes en Europe?

31 mai 2010

L'OCDE salue le développement économique de Gaza

Évidemment, après le nouvel acte de barbarie israélien, nous allons avoir droit aux déclarations d'indignation de façade de nos gouvernants. Et, tout aussi évidemment, aucun acte ne viendra jamais sanctionner Israël.


Pour rappel, il y a quatre jours, l'OCDE était fière de nous annoncer qu'elle accueillait désormais dans ses rangs la grande démocratie israélienne:



Lors d'une cérémonie qui s'est tenue le 27 mai 2010, le Premier ministre italien, Silvio Berlusconi, a invité formellement les Premiers ministres des trois nouveaux membres à adhérer à l'Organisation: Andrus Ansip pour l'Estonie , Benjamin Netanyahu pour Israel, Borut Pahor pour la Slovenie. Durant une conférence de presse qui a eu lieu après la cérémonie, M. Berlusconi et le Secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurría, ont été rejoints par les trois premiers ministres et par le ministre chilien des finances, Felipe Larrain.
 Or, comme le rappelle l'OCDE:
L’OCDE regroupe les gouvernements attachés aux principes de la démocratie et de l’économie de marché en vue de :
  • Soutenir une croissance économique durable
  • Développer l’emploi
  • Elever le niveau de vie
  • Maintenir la stabilité financière
  • Aider les autres pays à développer leur économie
  • Contribuer à la croissance du commerce mondial
Les habitants de Gaza apprécieront le soutien à leur économie et à l'élévation de leur niveau de vie apporté par le nouveau membre de l'OCDE.

24 décembre 2009

Grâce à Copé, la paix au Liban (ou pas)

Amis libanais, tremblez:

Le patron du groupe UMP de l'Assemblée [Jean-François Copé] essaie, aussi, de lancer lors de chacun de ses déplacements une initiative «interparlementaire». Au Liban, il a monté avec Fouad Siniora un groupe de travail pour réfléchir aux questions «culturelles et identitaires», qui, il en est persuadé, sont appelées à prendre une importance grandissante.
Le gouvernement qui, déjà, applique le programme de Bachir Gemayel en France ainsi que le chef du parti qui nous a donné Hadopi pour la culture, les caméras de surveillance, le débat sur l'«identité nationale» et l'interdiction de la burqa, vont donc aider le Liban à «réfléchir aux questions “culturelles et identitaires”». Bon courage.

Au passage, j'aimerais bien savoir dans combien d'anciens pays colonisés la France se rend pour donner des conseils sur leur identité nationale. Madagascar, Algérie, Vietnam, etc., faites appel aux Français pour vous dire ce qui constitue votre culture et votre identité nationale, vous n'allez pas être déçus.

22 décembre 2009

Le vol d'organes sur des Palestiniens, c'était donc vrai

La méthode est désormais classique:

  • un journaliste occidental publie un article très gênant pour Israël; l'article passe quasiment inaperçu;
  • les réseaux sionistes repèrent l'article et montent un énorme scandale; l'article est immédiatement taxé d'antisémitisme, les autorités israéliennes en font des montagnes (exigeant une condamnation par le pays où est publié le journal);
  • les médias occidentaux évoquent alors l'affaire, mais uniquement sous l'angle de l'accusation d'antisémitisme et des «tensions» entre Israël et un pays occidental;
  • fin du premier épisode. Personne ne s'intéresse, évidemment, au contenu «gênant» de l'article d'origine, n'enquête sur les révélations, et se contente au mieux d'enquêter sur la personnalité du journaliste et sur ses «réseaux» (du genre: son texte a été repris sur les sites «conspirationnistes» sur Internet, donc le journaliste est bien quelqu'un de louche);
  • puis on apprend, quelques mois après, que l'information gênante était vraie (généralement, parce qu'un média israélien l'a vérifiée; si Al Jazeera valide une telle information, ça n'a évidemment aucun intérêt); réaction des médias occidentaux: au pire (situation française), quasiment aucune reprise; au mieux, on évoque rapidement l'information, mais on essaie de circonscrire l'effet de cette info à «la colère du monde arabo-musulman».
L'histoire qui m'intéresse aujourd'hui, c'est celle du vol d'organes sur des Palestiniens tués par l'armée israélienne.

Pour les médias, l'affaire commence avec l'article de Donal Boström dans le journal suédois Aftonbladet. L'article a été traduit en français par le réseau Tlaxcala.
Les familles en Cisjordanie et à Gaza étaient sûres de ce qui était arrivé à leurs fils : «Nos fils sont utilisés comme donneurs d'organes involontaires», m’a dit un proche de Khaled de Naplouse, de même que la mère de Raed de Jénine et les oncles de Mahmoud et Nafes dans la bande de Gaza, qui ont tous disparu pendant un certain nombre de jours avant de revenir de nuit, morts et autopsiés.

«Pourquoi sinon garder les corps pendant au moins cinq jours avant de nous laisser les enterrer? Qu'est-il arrivé aux corps pendant cette période? Pourquoi effectuent-ils une autopsie, contre notre volonté, lorsque la cause du décès est évidente? Pourquoi les corps sont-ils rendus de nuit? Pourquoi avec une escorte militaire? Pourquoi la zone est-elle bouclée pendant l'enterrement? Pourquoi l'électricité est-elle coupée?» L’oncle de Nafe était bouleversé, et il avait beaucoup de questions.
L'article ne devient une «affaire» que lorsque le gouvernement israélien réagit avec une exagération proprement sidérante. Le traitement médiatique ne concerne alors jamais le fond de l'article (l'accusation du vol d'organe par les Israéliens sur des Palestiniens tués par l'armée israélienne), mais unique les «tensions» entre Israël et la Suède. On compte des dizaines de reprises dans les médias français. Par exemple sur le Point: «Israël hausse le ton contre la Suède après un article jugé antisémite»; sur le fond de l'article, comme tous les journaux, il est seulement indiqué «Aftonbladet n'apporte toutefois aucune preuve, le rédacteur en chef expliquant avoir autorisé la publication car l'affaire “pose un nombre de questions pertinentes”.»
«Nous ne demandons pas des excuses du gouvernement suédois, nous voulons de sa part une condamnation (de l'article)», a déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahu lors du conseil des ministres hebdomadaire, selon une source officielle.

En Israël, des centaines d'Israéliens ont signé une pétition en ligne contre le géant du meuble suédois Ikea, selon Haaretz.

«La crise perdurera tant que le gouvernement suédois n'aura pas changé d'attitude à propos de cet article antisémite. Celui qui ne le condamne pas n'est pas forcément le bienvenu en Israël», a déclaré aux journalistes le ministre des Finances Youval Steinitz.

«Le gouvernement suédois ne peut plus se taire. Au Moyen-Age, on répandait des diffamations accusant les juifs de préparer le pain azyme de Pâques avec du sang d'enfants chrétiens, et aujourd'hui ce sont les soldats de Tsahal (l'armée israélienne) qui sont accusés de tuer des Palestiniens pour prélever leurs organes», a accusé le ministre.

Ces tensions diplomatiques tombent au plus mal, alors que le chef de la diplomatie suédoise Carl Bildt est attendu en visite officielle en Israël dans dix jours. La Suède exerce la présidence tournante de l'Union européenne.

[...]

Le chef de la diplomatie israélienne, Avigdor Lieberman, a carrément comparé l'attitude de la Suède dans cette affaire à la politique de neutralité qu'elle adopta durant la Seconde Guerre mondiale. «A l'époque aussi, la Suède refusait d'intervenir» contre le génocide nazi, a-t-il reproché.
On peut rechercher dans les archives autour de cet article, on ne trouvera aucun média français pour aller plus loin que cette phrase «Aftonbladet n'apporte toutefois aucune preuve». Des témoignages de Palestiniens ne sont, évidemment, jamais des preuves.

L'affaire est close.

Pourtant, selon Romandie, «Aftonbladet revient sur les trafic d'organes de Palestiniens» le 23 août:

Deux de ses journalistes ont interrogé cette semaine dans le village cisjordanien d'Imatten la mère et le frère de Bilal Achmad Ghanem, qui, selon le journal suédois, est un jeune de 19 ans tué par des soldats israéliens il y a 17 ans, soupçonné d'avoir été un meneur dans la première Intifada.

Saadega Ghanem, la mère de Bilal, affirme que le 13 mai 1992, après l'avoir tué, les soldats ont transporté le corps de son fils par hélicoptère en Israël. Rendu quelques jours plus tard à la famille, la mère précise alors que «Bilal était étendu dans un sac noir. Il n'avait plus aucune dent. Le corps avait été ouvert de la gorge jusqu'au ventre puis très mal recousu».

Le journal écrit que le frère cadet de Bilal, Jalal Achmad Ghanem, 32 ans, «croit que les organes ont été volés».
Pourtant, CNN publie un reportage le 2 septembre: «Donor says he got thousands for his kidney»:
According to Scheper-Hughes, who is in the final stages of writing a book on organ trafficking, much of the world's illicit traffic in kidneys can be traced to Israel.

«Israel is the top,» she said. «It has tentacles reaching out worldwide.»
Certes, l'enquête ne concerne pas un «vol» d'organes, uniquement la vente illégale d'organes.  Mais on a bien un trafic dont «Israël est le sommet».

Incidemment, on apprend qu'on ne parle pas ici de petites sommes. Des pots-de-vin entre 5000 et 10000 dollars, l'achat auprès des donneurs entre 5000 et 25000 dollars pour un rein, et, finalement:
A federal complaint against Itzhak-Levy Rosenbaum said he had offered to provide a new kidney for a relative of an undercover FBI agent for about $160,000.
Surtout, Kawther Salam publie un article soutenant et complétant l'article d'Aftonbladet: «The Body Snatchers of Israel», traduit en français par le réseau Tlaxcala («Les détrousseurs de cadavres d'Israël»).
Je pense que le gouvernement israélien et tous ceux soupçonnés d'être complices se doivent de répondre à quelques questions difficiles, avant de se plaindre d'un rapport bien écrit paru dans un journal suédois et qui parle d'un seul cas parmi des milliers:
  • Où sont les corps des deux frères Imad et Adel Awad Allah d'Al-Bireh, du district de Ramallah, assassinés le 10 Septembre 1998 dans la ferme d’Akram Maswadeh près -d'Hébron?
  • Où sont les corps de Hani Ahmad Kharboush et Adel Mohammad Hadaideh assassinés le 6 Juin 2003 à "Ateel", une ville au nord de Tulkarem en Cisjordanie?
  • Où est le corps de Borhan Sarhan, qui a été assassiné le 4 Octobre 2003 dans le camp de réfugiés de Tulkarem?
  • Où est le corps de Hassan Issa Abbas, assassiné le 9 Octobre 1994, à Jérusalem?
  • Où est le corps de Hisham Hamad, assassiné dans la bande de Gaza, le 11 Novembre 1993?
  • Où est le corps de Salah Jad Allah Salem, assassiné le 14 Octobre 1994?
  • Où sont les corps des deux ressortissants japonais qui ont été assassinés en 1972?
  • Israël est-il à même de prouver que les organes de ces gens, et ceux des centaines, voire des milliers de Palestiniens enterrés dans des tombes numérotées de l'armée israélienne, n'ont pas été volés?
  • Pourquoi Israël enterre-il les victimes de son occupation en secret, dans des tombes numérotées, s’il n’y a pas eu vol de leurs organes ?
Ce billet, en particulier, met en cause un certain docteur Yehuda Hiis: « Le Docteur Yehuda Hiss a charcuté trois adolescents de Gaza»:
Le patron du département de pathologie d’Abou Kabir (du soi-disant Institut médico-légal), le docteur Yehuda Hiss, affirma qu’il avait reçu ces enfants sans connaître leurs noms, et qu’on les avait tous trouvés tués par des clous que l’on trouve dans les munitions des tanks ( les fléchettes).
Hiss enfreignait la loi israélienne quand il a accepté les corps des enfants sans savoir qui ils étaient et à l'insu de leurs familles, mais ce n'était pas son souci. Les trois corps furent donnés à l'Autorité palestinienne plusieurs jours après leur meurtre, bourrés de coton.
Mais en quelques jours, il était déjà trop tard. L'affaire n'avait déjà plus aucune autre importance que les «tensions» entre Israël et la Suède. Le grand show à base d'imputation d'antisémitisme orchestré par Israël avait parfaitement réussi: personne ne s'intéressera aux allégations de l'article, c'est-à-dire le vol d'organes sur des Palestiniens tués par l'armée israélienne, et sa possible connexion avec un trafic international d'organes dont Israël serait «le sommet».

Coup de théatre: hier (le 21 décembre), la révélation vient d'un reportage d'une télévision israëlienne: le docteur Hiss reconnaît le prélèvement illégal d'organes sur des Palestiniens, l'armée aussi, tout en précisant que la pratique aurait cessé.

Tout aussi spectaculaire: aucun journal français ne reprend l'information. Je n'en trouve trace ni sur le Figaro, ni sur le Monde, ni sur Libération. Seule une dépêche non signée de l'AP est passée sur le fil info du Nouvel Obs: «Israël: des organes ont été prélevés sur des Palestiniens». Et l'on retrouve des noms qu'on avait déjà croisés dans l'enquête de CNN et dans le billet de Kawther Salam.
Israël a reconnu que dans les années 1990, ses médecins légistes avaient collectés les organes de corps morts, notamment sur des Palestiniens, sans autorisation des familles.

[...]

L'auteur de l'entretien, Nancy Scheper-Hugues, professeur à Berkeley, a décidé de publier l'interview en réponse à la controverse soulevée par l'article du journal, qui avait créé des tensions diplomatiques. Pour cette anthropologue, la pratique symbolique de prendre la peau de l'ennemi a été reconsidérée. Pour le ministère de la santé israélien, les directives à l'époque n'étaient pas claires.
Les médias anglosaxons en parlent un peu plus mais, à l'image du Guardian, le traitement se limite au «damage control». Ainsi, dans l'article «Doctor admits Israeli pathologists harvested organs without consent» (déjà, le titre est un bel «understatement»), on peut lire:
The revelation, in a television documentary, is likely to generate anger in the Arab and Muslim world and reinforce sinister stereotypes of Israel and its attitude to Palestinians. Iran's state-run Press TV tonight reported the story, illustrated with photographs of dead or badly injured Palestinians.
Deux phrases, deux saloperies. La crainte n'est pas que l'information soit affreusement grave et qu'Israël ait, à nouveau, battu ses records de bassesse, mais que cela «génère de la colère dans le monde arabo-musulman et que cela renforce les stéréotypes contre Israël». C'est pourtant bien Israël qui a lancé le thème de l'antisémitisme sur le sujet et établit le lien suivant: «Au Moyen-Age, on répandait des diffamations accusant les juifs de préparer le pain azyme de Pâques avec du sang d'enfants chrétiens». Le sujet n'est clairement pas un stéréotype antisémite propre aux arabes, c'est bien un acte d'une bassesse inimaginable commis par les israéliens. Et ensuite, la mention du fait que ça a été repris par la télévision iranienne permet d'insister sur l'aspect «louche» de ces stéréotypes «antisémites»; alors que c'est bien une télévision israélienne qui a diffusé cette information.

À ce stade, ça devient grandiose. Quasiment aucun média français ne reprend l'information (produite par une télévision israélienne), mais la télévision iranienne y consacre un reportage, et ce serait l'honneur de nos médias de ne pas diffuser ces «stéréotypes contre Israël»? On a là un crime qui doit choquer n'importe quel être humain, mais ça ne risque de «générer de la colère» que dans le monde arabo-musulman? Les «occidentaux» ne seraient donc plus capables de la moindre indignation?

Déjà, le courageux journaliste irakien qui a fait de la prison pour avoir jeté ses chaussures à la face du criminel de guerre Georges Bush nous a été présenté comme «un héros du monde arabe». Après le vote raciste suisse contre les minarets, la seule conséquence pratique que l'on agitait était des sanctions de la part des investisseurs arabes. Quant à la Grande-Bretagne, elle s'excuse parce que sa justice a émis un mandat d'arrêt contre une criminelle de guerre israélienne. Il y aurait donc des héros et une colère exclusivement arabes; les européens, eux, n'auraient que des excuses.

Dans cette histoire, le grand cirque de l'imputation d'antisémitisme, agitée initialement par le gouvernement israélien, continue à être efficace. L'info «sent mauvais» et plus personne ne veut y toucher.

Il y a trois jours, le Point était parvenu à nous informer qu'en Israël, «Les donneurs d'organes seront receveurs prioritaires» (comme quoi, la bassesse n'interdit pas le ridicule). Et, autant on a habituellement droit au détail des interdits religieux musulmans jugés aberrants, autant sur ce coup là, on évitera de faire le lien avec un interdit religieux juif:
Mais en même temps, la loi juive interdit la profanation d’un cadavre (nivoul hameth). Le corps d’une personne décédée, étant donné qu’il a accueilli une âme sainte, doit être traité avec un respect extrême.

[...]

Compte tenu de l’interdiction de profaner le corps humain, il est interdit de faire un don à une « banque d’organes », là où il n’y a pas de receveur spécifique et immédiat.

Il est également interdit de faire don d’un organe pour la recherche médicale ou pour permettre aux étudiants en médecine de se livrer à des dissections.
Le député arabe israélien qui explique que le scandale du vol d'organes est un nouveau signe du racisme de la société israélienne («inherent racism plaguing the Israeli Jewish society»), n'est donc pas cité. Pourtant, c'est assez transparent: il y a un déficit de donneurs en Israël, sans doute lié à un interdit religieux qui proclame «l'interdiction de profaner le corps humain», mais on s'y livre sur des cadavres palestiniens.

Alors quoi, une enquête européenne sur ce nouveau crime israélien, le vol d'organe sur des Palestiniens tués par l'armée israélienne, c'est totalement inimaginable? Est-ce que les échanges commerciaux «privilégiés» avec les États extra-européens ne sont pas conditionnés au respect minimum des droits de l'Homme?

En conclusion, citons le député arabe israélien Ahmed Teibi:
S'ils admettent cela, imaginez l'ampleur de ce qu'ils dissimulent.

09 novembre 2009

François Cluzet parle de Salah Hamouri

France 2, journal de 13 heures, dimanche 8 septembre 2009.



N'est-ce pas mignon: Jean-François Coppé et Laurent Delahousse prétendent ne pas savoir qui est Salah Hamouri.

07 octobre 2009

Corruption, incompétence, collaboration, ou les trois?

Le scandale de la reddition en rase campagne de Mahmoud Abbas quant au rapport Goldstone provoque une crise profonde. Après mon billet d'hier (la traduction d'un billet d'Electronic Ali), il me semble intéressant de vous présenter d'autres commentaires sur cette affaire.

En particulier, un billet remarquable de Saree Makdisi offre trois explications possibles:
Corruption; incompetence; collaboration: ah, the agony of choice.
Comme il le dit simplement, la trahison est grave:
On peut difficilement attendre d'autres États qu'ils résistent à la pression étasunienne et soutiennent une résolution en faveur des droits des Palestiniens que la délégation palestinienne elle-même renonce à soutenir – pourquoi le Venezuela, le Nigeria ou le Pakistan devraient être plus Palestiniens que les Palestiniens?
Concernant la corruption de l'Autorité palestinienne, Saree Makdisi reprend essentiellement les informations déjà présentes dans le billet d'Electronic Intifada que j'ai traduit ici hier: l'implication directe de la clique Abbas dans une entreprise téléphonique financée par des hommes d'affaire du Golfe, et le chantage israélien pour «libérer» la bande de fréquences nécessaire au lancement de ce réseau téléphonique.

Je voudrais faire ici un aparté.

La question de la corruption en Palestine m'a toujours paru problématique: c'est typiquement un sujet exploité par les Israéliens pour déligitimer leurs interlocuteurs et pouvoir prétendre qu'ils n'ont aucun «partenaire» pour négocier (en faisant, évidemment, l'économie de leurs propres problèmes de corruption). En gros: Arafat est corrompu, on peut pas négocier avec lui; les organisations de résistance, elles, sont «islamiques», «antisémites», «terroristes», on ne peut pas non plus négocier avec elles. Situation confortable pour qui ne cherche pas la paix («nous n'avons pas d'interlocuteur pour la paix»...).

Surtout, peut-on sérieusement s'étonner de l'existence de la corruption en Palestine? Soixante ans d'occupation, des enjeux de pouvoir permanents (puisque, dans un non-État, le pouvoir ne peut évidemment pas avoir de légitimité purement démocratique, mais être uniquement le fruit d'enjeux, de négociations, d'«équilibres» diplomatiques, de l'histoire de la lutte armée... au point que, lorsqu'une légitimité démocratique émerge enfin après des élections, elle est immédiatement noyée sous les bombes et le blocus), le besoin permanent de graisser des pattes (en Palestine occupée et à l'étranger), la fréquentation continue d'officines de sécurité recourant elles-mêmes à la corruption, la longue fréquentation du système libanais (hé hé), le besoin de financer une tripotée de trucs occultes (armes, communication), l'obligation d'ailleurs de mettre en place des structures occultes pour ne pas servir de cible aux interventions israéliennes, de l'argent légal déversé dans un non-État sans structures de contrôle ni contre-pouvoirs, et des financements occultes de la part de tous ceux qui interviennent en Palestine pour promouvoir leurs intérêts ou leur idée de la «paix» (le «Quartet», Israël, les pays du Golfe, etc.). Le système politique israélien, qui se présente comme une démocratie moderne dotée de contre-pouvoirs, est totalement vérolé par la corruption. Comment imaginer que la Palestine, qui n'a aucune des caractéristiques d'un État, puisse échapper à la corruption? Corruption qui, dans cette situation, me semble à la fois inévitable et, pour une part, indispensable.

Bref, le système Arafat a toujours été corrompu et a toujours fait usage de la corruption. Mais le problème est qu'il est très difficile d'utiliser cet unique argument pour nier sa légitimité. Il y a une foule d'autres aspects pour critiquer l'épopée Arafat, mais le problème de la corruption m'apparaît naïf et (trop) facilement utilisé par les israéliens pour refuser toute négociation.

Cependant, avec Abbas et «la jeune garde» symbolisée par Dahlan, il n'est pas impossible de considérer que la corruption est devenue l'unique moteur de l'Autorité palestinienne, l'aspect central expliquant les deux autres aspects évoqués par Saree Makdisi, l'incompétence et la collaboration.

La seconde explication possible, selon Makdisi, est l'incompétence.
L'une des explications est, simplement, l'incompétence: qu'Abbas et ses associés manquent tellement d'intelligence, d'imagination et compétences politiques qu'ils aient simplement raté toute l'affaire. Cela n'est certainement pas hors de question: Abbas lui-même est un homme extraordinairement fade et profondément compromis, et son cercle d'intimes – dont des hommes comme Mohammad Dahlan et Saeb Ereikat – inspire encore moins confiance qu'Abbas lui-même. En dehors de leur profond dédain pour les souffrances palestiniennes à Gaza (obtenir réparation de ces souffrances devrait être leur principale priorité), il devrait être clair qu'un participant à une négociation qui jette volontairement par la fenêtre une de ses rares cartes maîtresses tout en essayant (ou en prétendant) négocier n'est, c'est un euphémisme, pas qualifié pour négocier dès le départ, et encore moins pour prétendre «mener» un peuple rebelle et invaincu comme les Palestiniens. Si la direction de Ramallah est aussi désespérément incompétente selon ce scénario, c'est une raison suffisante pour leur retirer leur mandat, sinon pour dissoudre l'Autorité palestinienne elle-même. (Il est difficile, cependant, de «retirer son mandat» à quelqu'un comme Abbas, qui n'a de toute façon pas de «mandat» [...].)
L'option de l'incompétence est celle soutenue par Rami G. Khoury dans un billet du Daily Star:
The total emptiness in the Palestinian presidential chair is a problem that has a solution; in one move Abbas can help rebuild the credibility of the Palestinian presidency while simultaneously strengthening overall Palestinian national unity and political cohesion.

He should simply call early elections for the Palestine Authority presidency, not stand as a candidate, and instead devote time to using his other position as head of the Palestinian Liberation Organization’s Executive Committee to achieve a critical need absent from Palestinian life for decades: namely, building a national consensus by giving voice to all groups of Palestinians and especially to refugees living in camps throughout the Middle East.
Mais l'aspect le plus intéressant de l'article de Saree Makdisi est, à mon avis, sa troisième option: il explique le pourquoi du comment de l'Autorité palestinienne elle-même, et en quoi cette Autorité n'a qu'une seule fonction: la collaboration.
Une autre possibilité – que je trouve plus plausible – est qu'Abbas, l'Autorité palestinienne et l'essentiellement défunte OLP ne sont pas (et n'ont jamais été, au moins depuis la mort de Yasser Arafat) intéressés par de véritables négociations avec Israël qui auraient pu mener à la création d'un véritable État palestinien dans les territoires occupés. Après tout, une des principales critiques des accords d'Oslo de 1993-1995 qui ont donné naissance à l'Autorité palestinienne est que, loin de mettre un terme à l'occupation israélienne du territoire palestinien, ils ont surtout servi à transférer la charge et le coût quotidiens que représente l'occupation à l'AP nouvellement fondée, tout en permettant à Israël de continuer à démolir des maisons palestiniennes, à exproprier des terres palestiniennes et à construire des colonies juives en territoires occupés en contravention avec la loi internationale. Oslo a formellement divisé en trois parties le territoire palestinien qu'Israël occupe depuis 1967 (Gaza, la Cisjordanie et Jerusalem Est), séparées les unes des autres et du monde extérieur et, de plus, a divisé la Cisjordanie elle-même en trois Zones A, B et C. C'est seulement dans la Zone A (environ 18% du total) que l'Autorité palestinienne a une quelconque présence réelle sur le terrain, et dans la Zone C (60% de la Cisjordanie), l'AP n'a ni rôle ni aucune présence – et c'est là qu'Israël s'est consacré (et le fait toujours) à démolir, exproprier et construire. Oslo et l'Autorité palestinienne, en d'autres termes, loin de mettre un terme à l'occupation et de jeter les bases pour la création d'un État palestinien indépendant, ont en fait permis à Israël de consolider son occupation et de renforcer sa mainmise sur de terres palestiniennes. C'est exactement pour cela que la population de colons juifs en Cisjordanie et à Jerusalem Est a doublé pendant l'époque d'Oslo et a continué à augmenter depuis – jusqu'à atteindre aujourd'hui un demi-million de personnes.

Comme le récent épisode le démontre amplement, l'Autorité palestinienne sert Israël en facilitant l'occupation – ce pour quoi Israël l'a inventé à l'origine, de la même façon que, historiquement, les puissances coloniales ont toujours tenté de créer ou d'exploiter des élites locales pour les aider à gérer une large population: une approche joliment résumée par Macaulay dans sa Minute on Indian Education de 1835 («Nous devons à présent faire de notre mieux pour former une classe qui nous serve d'interprètes entre nous et les millions que nous gouvernons; une classe d'individus, Indiens par le sang et la couleur, mais Anglais par le goût, l'opinion, la morale et l'intellect»). Pourquoi l'Autorité palestinienne voudrait-elle la fin d'un système dont elle bénéficie? Comme l'intellectuel français Régis Debray le fait remarquer, le status quo founit aux élites de l'AP à Ramallah «un mode de vie, un statut, une dignité et une raison d'être», et probablement (par exemple, si toutes les rumeurs sur le contrat de téléphonie mobile sont avérées) bien plus par le biais d'émoluments afférents.

Même si l'on voulait donner à l'Autorité palestinienne, à Abbas et à ses associés le bénéfice du doute, et affirmer qu'ils mettent vraiment le meilleur intérêt de leur peuple au centre de leurs préoccupations, il reste dans tous les cas le fait que l'Autorité, même dans le scénario le plus optimiste, ne peut prétendre représenter qu'une minorité du peuple palestinien, puisque seule une minorité des palestiniens vit dans les territoires occupés: la majorité vit soit dans un exil qui leur a été imposé par la force lors de la création d'Israël en 1948, ou (dans le cas de ces Palestiniens qui ont survécu à l'épuration ethnique de cette année là et sont restés chez eux) en tant que citoyens de seconde classe dans un État qui se voudrait juif et qui les discrimine systématiquement parce qu'ils ne sont pas juifs.
C'est un point particulièrement intéressant et important, en ce qu'il questionne l'existence même de l'Autorité palestinienne, mise en place uniquement pour permettre à Israël de se débarrasser de la gestion d'une minorité des Palestiniens occupés (Ramallah n'ayant, en pratique, la gestion que d'une infime minorité du peuple palestinien). De fait, l'objet même de l'Autorité palestinienne est d'être une structure de collaboration, «auquel cas il n'est pas moins collaborationniste que le “gouvernement” de Vichy dans la France occupée par les nazis des années 1940».

Comme l'indique Yves Gonzalez-Quijano dans son court billet du jour, une autre rumeur, alimentée par le quotidienne israélien Maariv, circule. Reproduite par des médias palestiniens (même s'il est, pour le coup, particulièrement nécessaire de la prendre au conditionnel), on ne peut douter qu'elle aura un impact important), elle alimente également la critique d'un «régime de collaboration»:
La presse palestinienne (http://www.arabs48.com) relaie en arabe des infos «données» (?) par le quotidien israélien Maariv selon lesquelles les responsables de Tel-Aviv menaceraient Abou Mazen de rendre public une vidéo où on le voit plaider avec la toute dernière énergie devant le ministre de la Défense, Ehoud Barak, en faveur d’une intensification des bombardements sur Gaza. Ce serait - on souligne le conditionnel - la divulgation de ces images auprès de certaines délégations des Nations unies qui aurait entraîné la position palestinienne…
Angry Arab, lui, voit d'ailleurs déjà se profiler une tentative de sortie de crise (ce qui, d'ailleurs, irait dans la logique du billet du Daily Star): mettre tout sur le dos d'Abbas et le faire remplacer par un de ses plus proches collaborateurs (notamment Dahlan):
Il semble que les États-Unis et Israël soient en train de monter quelque chose: l'expression de l'opposition à Abou Mazen (Abbas) par de gens tels que Muhammad Dahlan et Nabil `Amr pourrait indiquer un plan pour se débarrasser d'Abou Mazen dans le but de sauver l'équipe collaborationniste du Fatah. Le gouvernement égyptien vient juste d'annoncer une date pour la signature d'un traité de réconciliation entre le Fatah et le hamas le 25 octobre. Le Hamas devrait être blâmé pour le sauvetage d'Abou Mazen.

06 octobre 2009

Abbas aide Israël à enterrer ses crimes de Gaza

L'information n'a, à nouveau, pas fait la Une de nos médias: l'autorité palestinienne a accepté de reporter de plusieurs mois une demande officielle de faire transmettre au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU les conclusions du rapport Goldstone.

Yves Gonzalez-Quijano a évoqué cette affaire dans un billet récent:
On en parle (encore ?) peu dans la presse non-arabe, mais le report, pour mars prochain au plus tôt, du vote par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur le rapport rédigé par le juge Richard Goldstone à propos de la guerre de Gaza, faute d’un soutien de la part des officiels palestiniens, n’a pas fini de susciter des réactions. Certes, l’Autorité palestinienne affirme qu’il s’agit d’un repli tactique pour arriver à un plus grand consensus; elle explique aussi qu’elle a subi d’énormes pressions américaines et que la menace d’un vote pèse désormais, telle l’épée de Damoclès, au-dessus de la tête du gouvernement israélien qu’on imagine terrifié par cette éventualité…

Abou Mazen et consorts auront néanmoins beaucoup de mal à faire accepter leur décision par les organisations internationales qui, à l’image de Human Right Watch, se sont battues pour tenter de faire condamner par la «communauté internationale» les crimes de guerre commis à Gaza.

Et c’est peu dire qu’une telle position donne des arguments à tous ceux qui, en Palestine, considèrent qu’ils sont représentés par des marionnettes dignes des Guignols de l’info.
Alain Gresh revient lui aussi sur cette affaire dans son blog du Diplo et cite une dépêche de l'AFP qui indique:
Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas est la cible de vives critiques, y compris dans son propre camp, à la suite du report controversé du vote sur le rapport de l’ONU fustigeant l’attitude d’Israël pendant la guerre de Gaza. Cette crise risque d’affaiblir M. Abbas au moment où les Etats-Unis tentent de relancer les négociations de paix avec Israël, relèvent les observateurs. A Ramallah, siège de l’Autorité, des centaines de Palestiniens ont dénoncé lundi le soutien de leur direction à ce report, tandis que d’autres à Jérusalem parlaient de «coup de poignard dans le dos et le cœur de tous les martyrs». «Nous voulons que le président Abbas présente des excuses et si le gouvernement a quoi que ce soit à voir avec cette décision, nous voulons qu’il démissionne», a déclaré Mohammed Jadallah, le leader d’une coalition d’ONG palestiniennes.
Pour intéressants qu'ils soient, ces deux billets ne donnent malheureusement pas réellement de pistes pour comprendre la décision de Mahmoud Abbas, et la colère des Palestiniens et de ceux qui les soutiennent. Il faut consulter ce très intéressant article d'Ali Abunimah («Electronic Ali») pour comprendre la gravité de la situation. Pour As'ad Aboukhalil («Angry Arab»), c'est un nouveau record de bassesse que vient de battre le régime de Ramallah.

Je vous livre donc une traduction personnelle de l'article d'Electronic Intifada. Que ses conclusions soient justes (je pense qu'elles le sont) ou erronées, c'est un article important de toute façon: quand Abbas et Dahlan passeront la frontière israélienne en slip au milieu de la nuit (sort réservé par Israël à ses propres collaborateurs), quand ils seront mitraillés, émiettés ou pendus (sorts auxquels n'échappe quasiment aucune marionnette des occidentaux), quand les palestiniens persisteront à voter de manière prétendument «irrationnelle», c'est ce genre d'accusations, largement connues là-bas, ignorées ici, qui permettront de comprendre.

Abbas aide Israël à enterrer ses crimes de Gaza
Ali Abunimah, The Electronic Intifada, 2 octobre 2009

Alors qu'il semblait que l'Autorité palestinienne (AP) de Ramallah et son chef Mahmoud Abbas ne pourraient pas descendre plus bas dans leur complicité avec l'occupation israélienne de la Cisjordanie et le blocus meurtrier de Gaza, Ramallah vient d'infliger un nouveau coup de massue au peuple palestinien.

La délégation Abbas aux Nations unies à Genève (qui représente officiellement une Organisation de Libération de la Palestine moribonde) a renoncé à une résolution demandant au Conseil des droits de l'Homme de transmettre le rapport du juge Richard Goldstone sur les crimes de guerre à Gaza au Conseil de sécurité de l'ONU pour obtenir des sanctions. Bien que l'AP a agi sous la pression américaine, il existe de fortes présomptions que les intérêts commerciaux de palestiniens et d'hommes d'affaires du Golfe étroitement liés à M. Abbas ont également joué un rôle.

Le rapport Goldstone présente en 575 pages les preuves de crimes de guerre israéliens choquants et de crimes contre l'humanité commis pendant l'agression de l'hiver dernier contre la bande de Gaza, qui a tué 1400 palestiniens, en grande majorité des non-combattants, et des centaines d'enfants. Le rapport accuse également le mouvement de résistance palestinien Hamas de crimes de guerre pour avoir tiré de roquettes sur Israël qui ont tué trois civils.

Le rapport Goldstone a été salué comme un tournant par les Palestiniens et les partisans, dans le monde entier, de la primauté du droit; il a demandé que des suspects soient tenus responsables devant les tribunaux internationaux si Israël échoue à les poursuivre. Or Israël n'a jamais, dans son histoire, tenu ses dirigeants politiques et militaires juridiquement responsables de crimes de guerre contre les Palestiniens.

À juste titre, Israël a été terrifié par le rapport, mobilisant toutes ses ressources diplomatiques et politiques pour le discréditer. Ces derniers jours, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a affirmé que si le rapport était suivi d'effets, il serait «un coup sérieux porté à la guerre contre le terrorisme», et «porterait un coup fatal au processus de paix, car Israël ne serait plus en mesure de prendre des mesures supplémentaires et de prendre des risques pour la paix si son droit à l'autodéfense lui était refusé.»

Sans surprise, un des premiers alliés dans la campagne israélienne pour l'impunité a été l'administration Obama, dont l'ambassadeur à l'ONU, Susan Rice, a exprimé «de très graves inquiétudes» concernant le rapport et a dénoncé le mandat Goldstone comme «déséquilibré, unilatéral et fondamentalement inacceptable.» (Rice a respecté fidèlement sa parole: en avril, elle avait déclaré au journal Politico que l'une des principales raisons qui avait motivé l'administration Obama à adhérer au Conseil des droits de l'homme de l'ONU était de lutter contre ce qu'elle appelait «la merde anti-israélienne»).

Goldstone, que sa fille a publiquement décrit comme un sioniste aimant Israël, est un ancien juge de la Cour suprême sud-africaine, et un juriste international hautement respecté. Il était le procureur en chef des tribunaux des crimes de guerre des Nations unies pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie.

Que le rapport Goldstone soit un coup sévère à la capacité d'Israël à commettre en toute impunité de futurs crimes de guerre ne fait aucun doute; cette semaine, s'appuyant sur le rapport, des avocats du Royaume-Uni ont demandé à un tribunal de délivrer un mandat d'arrêt contre le ministre israélien de la Défense en visite, Ehud Barak. Cette action n'a pas réussi, mais le gouvernement israélien a pris des mesures extraordinaires ces derniers mois pour essayer de protéger ses fonctionnaires contre les poursuites, craignant que la survenue d'arrestations ne soit plus qu'une question de temps. Parallèlement à la campagne internationale grandissante de boycott, désinvestissement et sanctions, la crainte de se retrouver à La Haye semble être la seule chose qui puisse pousser le gouvernement israélien et sa société à reconsidérer leur aventure destructrice.

On pourrait penser, alors, que les représentants auto-proclamés du peuple palestinien ne négligeraient pas une telle arme. Et pourtant, selon l'ambassadeur Ibrahim Abbas Khraishi, l'Autorité palestinienne à Ramallah a abandonné son action à la demande des Américains, au motif que «nous ne voulons pas créer un obstacle pour eux.»

L'excuse de Khraishi selon laquelle la résolution a simplement été reportée jusqu'au printemps ne convainc pas. Si aucune mesure n'est prise aujourd'hui, le rapport Goldstone sera enterré d'ici là et les preuves des crimes d'Israël – nécessaire à des poursuites – pourraient être plus difficiles à collecter.

Cette dernière reddition intervient moins de deux semaines après que M. Abbas est apparu à un sommet à New York avec le président américain Barack Obama et Netanyahu, malgré l'abandon de son exigence qu'Israël arrête la construction de colonies exclusivement juives sur des terres palestiniennes occupées. Déjà sous la pression américaine, l'AP a abandonné sa promesse de ne pas reprendre les négociations sans l'arrêt de la colonisation, et a accepté de participer à des «discussions de paix» avec Israël sous médiation américaine à Washington cette semaine. Israël, pendant ce temps, a annoncé des plans pour la construction de la plus grande colonie en Cisjordanie depuis 1967.

Ce qui est encore plus exaspérant, c'est la réelle possibilité que la PA soit en train d'aider Israël à se laver les mains du sang qu'il a déversé dans la bande de Gaza, pour des motifs aussi bas que l'intérêt financier d'hommes d'affaires étroitement liés à M. Abbas.

The Independent (Royaume-Uni) a signalé le 1er octobre:

«Shalom Kital, un assistant du ministre de la Défense Ehud Barak, a déclaré aujourd'hui qu'Israël ne libérera pas la part du spectre radioélectrique qui a longtemps été demandée par l'Autorité palestinienne pour permettre le lancement d'une deuxième société de télécommunications mobiles, à moins que l'Autorité palestinienne n'abandonne ses efforts pour mettre en cause les soldats et officiers israéliens au sujet de l'opération israélienne». («Les Palestiniens dénoncent le “chantage” d'Israël contre le service téléphonique», The Independent, 1er octobre).

Kital a ajouté que le fait que l'AP abandonne ses efforts pour faire avancer le rapport Goldstone constituait une «condition» spécifique. La compagnie de téléphone, Wataniya, a été décrite en avril dernier par l'agence Reuters comme «une société soutenue par Abbas» qui est une joint-venture entre des investisseurs du Qatar, du Koweït et le Fonds d'investissement palestinien dans lequel l'un des fils d'Abbas est étroitement impliqué. En outre, Reuters a révélé que la compagnie naissance ne souffrait apparemment pas d'une pénurie de capitaux grâce aux investisseurs du Golfe, recevant des millions de dollars de «l'aide des Etats-Unis sous la forme de garanties de prêts destinés aux agriculteurs palestiniens et d'autres petites et moyennes entreprises» (voir «L'aide américaine va à la société téléphonique soutenue par Abbas», Reuters, 24 avril 2009).

Un jour seulement avant que la délégation Abbas retire sa résolution à Genève, Nabil Shaath, le «ministre des Affaires étrangères» de l'AP a dénoncé les menaces israéliennes au sujet de Wataniya comme un «chantage» et a promis que les Palestiniens ne céderaient pas.

La trahison du peuple palestinien par l'AP au sujet du rapport Goldstone, ainsi que la poursuite de sa «coordination de sécurité» avec Israël pour réprimer la résistance et l'activité politique en Cisjordanie, doivent nous faire comprendre sans l'ombre d'un doute qu'il s'agit d'un bras actif de l'occupation israélienne, agissant de manière tangible et de plus en plus contre le peuple palestinien et sa juste cause.

22 juillet 2009

À la recherche du trou du cul du Web

C'est trop beau pour être vrai. Si vous cherchez (à l'instant), l'expression «trou du cul du web» dans Google.fr, vous obtenez: