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23 juin 2008

L'agression d'un amateur de poings américains

Bien sûr, l'agression d'une jeune homme en plein Paris est dramatique. Bien sûr, si l'agression est antisémite ou raciste, elle est d'autant plus scandaleuse.

En revanche, le cirque médiatique qui se met en place en quelques heures, l'ouverture des journaux télé sur cette affaire depuis 24 heures, l'intervention immédiate des politiques... tout cela provoque une certaine gêne.

Par exemple, il faut creuser un peu pour trouver cette dépêche de l'AFP reproduite sur le site de Libé:

Le jeune juif, violemment agressé samedi dans le quartier des Buttes-Chaumont, à Paris (XIXe), avait été interpellé «après des incidents à caractère intercommunautaire» avec un autre groupe de jeunes d'origine maghrébine, le 9 décembre 2007. La rixe avait eu lieu en marge d'une manifestation à Bercy, à Paris, pour la Hanouka, la grande fête juive de fin d'année.
L'adolescent avait été placé en garde à vue en compagnie de trois camarades. Lui et ses camarades avaient été trouvés porteurs de poings américains et «autres projectiles de défense». Ils n'avaient pas été écroués.

Une procédure judiciaire avait été ouverte pour ces faits qui est «toujours en cours», a indiqué la même source.
Par ailleurs, selon la même source, les Renseignements généraux (RG) ont fait état dans des notes et rapports, de «plusieurs tensions et vifs incidents à caractère communautaire», depuis 2006, notamment dans quartier des Buttes-Chaumont où le jeune homme a été passé à tabac, à coups de barre de fer.
Voilà qui n'est pas forcément aussi médiatiquement accrocheur que l'affirmation selon laquelle la victime «a été victime d'une agression parce qu'il portait une kippa...». Cette mention de «plusieurs tensions et vifs incidents à caractère communautaire» apparaît également dans une interview du rabin loubavitch Mendel Samara:
La semaine, tout se passe bien. En revanche, le week-end, pendant le shabbat, le quartier des Buttes-Chaumont, et surtout le parc, devient assez difficile. Les regards des différentes bandes organisées se croisent. Cette tension permanente rend les dérapages possibles. D'autant plus qu'il y a une animosité provoquée par les frustrations, les incompréhensions et le manque de dialogue dans ce quartier.
Selon Le Figaro:
Par la voix de son président, Raphaël Haddad, l'UEJF se dit «très préoccupée» par les bagarres à répétition ces dernières semaines entre bandes organisées, notamment au parc des Buttes Chaumont.
Bandes organisées? Un jeune juif déjà arrêté avec un poing américain, passé à tabac non loin des Buttes Chaumont samedi soir, un rabin local indiquant que, pendant le shabbat, dans le quartier, les bandes organisées se défient?

Il faut relire les déclarations des politiques depuis 24 heures, il faut voir l'émotion médiatique, il faut observer ces «envoyés spéciaux» des journaux télés qui sont au chevet du jeune amateur de poing américain (littéralement: ils sont postés devant l'hôpital et nous infoment, heure par heure, de son état de santé). Il faut voir cela, et comparer: avec l'occultation quasi totale de la possibilité des conséquences d'affrontements entre une bande organisée juive (genre Betar, LDJ...) et d'autres bandes organisées (conséquence même indirecte: si un groupuscule type Betar ou LDJ sévit dans le quartier, malheureusement tout juif devient une cible pour les tarés d'en face), ou encore avec l'absence de réaction (ou cirque médiatique) suite à d'autres agressions dans Paris (l'indignation médiatique à deux vitesses étant certainement un élément aggravant à ce type de tensions, chacun se rêvant en «ligue de défense» communataire).

[Ajout lundi soir 23 heures] Signalé par un participant au forum, cette dépêche de l'AFP:
Le patron d'un bar-tabac situé près du lieu de l'agression a évoqué lundi sur RTL un "règlement de comptes entre petites bandes" plutôt qu'une agression antisémite. "Aux alentours de 18H00-18H30, il y a un groupe de jeunes juifs qui sont arrivés, ils étaient approximativement une vingtaine qui se sont dirigés vers le square au niveau de la rue Petit et qui sont allés directement agresser des jeunes et puis après, il s'en est suivi une altercation assez violente", a déclaré l'homme, qui n'a pas donné son nom mais qui affirme avoir été témoin direct de la scène.

"Il y a eu des jets d'objets, moi, j'étais là en train de baisser mes rideaux métalliques de peur que ma vitrine soit endommagée, ils se sont tous sauvés, à priori ils auraient laissé un de leur amis à terre" a-t-il ajouté.
Publié à peu près au même moment (22 heures), un billet de Reuters suggère que l'emballement médiatique est en train de se retourner: «Incertitudes après l'agression d'un jeune juif à Paris».

[Ajout mardi matin, 10h] Brève du Figaro: la «manifestation pour la Hanouka» n'est plus exactement une célébration religieuse:
Le 9 décembre dernier, Rudy avait participé à une manifestation dans le parc de Bercy à Paris en soutien aux trois soldats israéliens enlevés par le Hezbollah. À l'issue de ce rassemblement, il a été interpellé pour «violences volontaires avec arme par destination» et placé en garde à vue. Il ferait l'objet d'un contrôle judiciaire.
Casser du bougnoule après une manifestation contre le Hezbollah, ça n'est pas exactement mon idée de la fête, mais bon... le Figaro précise:
Selon des sources informées, il est proche de la Ligue de défense juive comme du Betar, ce dont se défendent ces mouvements.

13 juin 2008

Encore des histoires d'arabes

Encore des histoires d'arabes qui, visiblement, n'intéressent pas les médias français.

– La démocratie israélienne et ses collaborateurs

La cour martiale israélienne d'Ofer a condamné le correspondant de la chaîne satellitaire Aqsa TV, Mohammed Ezzat Al-Halayka, à une peine d'un an de prison en l'accusant de travailler pour une chaîne de télévision «ennemie». La court a également condamné Halayka, 25 ans, qui vient de la ville d'Al-Khalil en Cisjordanie, à une amende de 1200 dollars.

Halayka a été arrêté par les troupes israéliennes en décembre dernier, et accusé de «travailler pour une chaîne appartement au Hamas». Le journaliste palestinien avait auparavant été arrêté par les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne sous le commandement de Mahmoud Abbas, et a été humilié par les services de renseignement de l'Autorité palestinienne avant son arrestation par les israéliens.
Le calme règne au Maroc
Les habitants d'une ville marocaine où la police a fait usage de la force pour mettre fin à un blocus qui durait depuis une semaine se sont plaints des méthodes très violentes et déclarent que des manifestants sont toujours cachés dans les collines avoisinantes.

Le gouvernement a nié les allégations de plusieurs témoins selon lesquelles des manifestants ont été tués et des douzaines blessés quand la police est intervenue samedi pour mettre fin aux manifestations à Sidi Ifni par des jeunes qui protestaient contre la pauvreté et le chômage.
Le calme règne en Tunisie
La police a tiré dans la foule pour disperser des centaines de jeunes manifestant contre le chômage et le coût de la vie dans le sud-ouest de la Tunisie, faisant un mort et plusieurs blessés, ont déclaré des officiels du gouvernement et du syndicat vendredi.
À la Une de Reporters sans frontières: «100 photos de Bettina Rheims» (sortez la carte bleue). Seul Le Monde a consacré un article au sujet: «Troubles sociaux meurtriers au Maroc et en Tunisie», par Florence Beaugé. Le Figaro s'est contenté de passer une dépêche AFP sur son site Web. Au même moment, tout ce qu'avait à raconter Libération, c'est «Le Maghreb, terreau de choix pour Al-Qaeda».

Vive la liberté de la presse.

08 juin 2008

Sarkozy aime les Libanais, comme il aime les Cochinchinois, les Malgaches, les Sénégalais et les Marocains

«En montant cette union sacrée, pour le Liban, de la République dont la majuscule est l’objet de la fierté des Français, des francophones, des démocrates.»
Mahmoud Harb
Alors, tu es content, Mahmoud? L'Homme blanc (avec un grand H) est venu t'apporter les Lumières (avec un grand L) de la République (avec un grand R)? C'est dommage qu'il ne soit pas venu avec son grand ami Johnny, qui t'aurait en même temps appris l'amour avec un petit Q.

Est-ce que ça n'est pas le plus beau jour de la vie de ton joli pays, Mahmoud? Ton mignon petit pays que la France éternelle, dans son incommensurable grandeur, a choisi d'aimer. Oui Mahmoud, Saïd Sarkozy aime ton petit pays et ses joyeuses peuplades folkloriques. Et tous les Français aiment aussi ta riante petite contrée et ses tribus bariolées.

C'est pour cela que Saïd Sarkozy, il est venu chez toi (et comme ta peuplade est très hospitalière, il a tout de suite compris qu'il était chez toi chez lui; mais ne va pas t'imaginer que tu serais chez toi chez nous sans visa, notre grandeur d'âme a tout de même des limites). Il est venu chez toi non pas avec quelques milliards d'aide au développement, ni avec des annonces de mesures économiques pour aider ton petit pays, il n'est même pas venu pour t'annoncer que notre politique inepte à l'encontre de ton pays allait changer (au contraire, avec Saïd Hollande, il est venu répéter que la politique de la France au Liban ne changerait pas, et ça, ça valait bien la peine de se déplacer).

Non, Saïd Sarkozy aime tellement ton pays, Mahmoud, qu'il est venu pour t'offrir sa seule présence. Et celle des autres saïd français. Comme ça, tu as pu approcher la République avec un grand R, et rêver à la Liberté, à l'Égalité et à la Fraternité (avec un grand LEF). Et même, Mahmoud, il a accepté de se faire prendre en photo avec toi. Tu sais, c'est une photo de toi avec le représentant sur Terre de la philosophie des Lumières, tu penseras bien à la mettre dans un cadre avec autour une guirlande qui clignote.

Mahmoud, je sais que la politique internationale de notre grand et beau pays dont le R majuscule nous rend si fiers est un peu compliquée pour toi. Je m'en vais donc te livrer cette citation d'un grand film philosophique de chez nous, et tu vas tout comprendre:
«C'est notre Raïs à nous, c'est monsieur René Coty. Un grand homme, il marquera l'histoire. Il aime les Cochinchinois, les Malgaches, les Sénégalais, les Marocains... C'est donc ton ami. Ce sera ton porte-bonheur.»
OSS 117 – le film
À peine arrivée à Beyrouth, Carla Bruni est vendue aux enchères, nue, chez Christie's. Saad Hariri en aurait proposé plus de 200 chameaux.
Et maintenant, Mahmoud, je ne résiste pas au bonheur de reproduire (intégralement) ce que tu as écris dans ton journal, L'Orient-Le Jour (grand L, grand O, grand L, grand J), à la suite de la visite du Président Coty Sarkozy. C'est à mon avis le plus bel hommage que tu pouvais rendre aux scénaristes d'OSS 117. J'apprécie aussi le fait que ce soit qualifié, par ton journal, d'«ANALYSE» (en majuscules).
ANALYSE
De l’union sacrée tricolore pour le Liban
L'article de Mahmoud HARB

Nicolas Sarkozy, président «d’ouverture», aime à citer Jean Jaurès et le fait bien plus que les éléphants du parti de la rose rouge. Il est quasiment impossible aujourd’hui de résister à la tentation de contourner les failles de l’anachronisme, pour suivre son exemple en saluant l’union sacrée – expression chère au leader de la SFIO – des dirigeants français pour le Liban. En saluant la visite à une Beyrouth martyrisée par ceux-là qui prétendent la défendre, de cette colossale délégation des plus hauts responsables de l’État français. En reconnaissant que si Nicolas Sarkozy est – et doit être – quelque part gêné aux entournures par l’échec de sa diplomatie à obtenir ce que le petit Qatar a réussi, par le piège dans lequel Bernard Kouchner a poussé le patriarche Sfeir, il s’est très bien rattrapé hier, sans même avoir à battre sa coulpe. En montant cette union sacrée, pour le Liban, de la République dont la majuscule est l’objet de la fierté des Français, des francophones, des démocrates.

En France, Nicolas Sarkozy est souvent accusé de verser dans la communication volubile plutôt que dans l’action efficace. Sa visite au Liban serait-elle pour autant un coup de com’ d’un président en quête de cote de popularité, d’une hausse dans les sondages, d’une petite place sur la scène internationale ? La réalité semble être tout le contraire. Car si le président B.C.B.G. voulait faire dans la publicité, il se serait probablement contenté de se faire accompagner par les ténors de son parti ou par les gardes rapprochés de sa «task force» ministérielle.

Bien au contraire, Nicolas Sarkozy a tenu à associer à sa démarche «toute la France, pour dire que le Liban a le droit de penser à l’avenir». À commencer par son Premier ministre François Fillon, même si les relations entre les deux hommes seraient houleuses, même s’il n’est pas coutume que le président de la Ve République voyage avec le chef de son gouvernement. Et puis François Hollande, même si le PS et l’UMP sont deux formations adversaires. Et encore François Bayrou, même si son Modem rachitique tente désespérément de chasser sur le territoire du parti de la majorité présidentielle. Sans oublier la secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, ni le président des Radicaux de gauche, Jean-Michel Baylet. Ni Marie-Georges Buffet, même si la présence de cette dernière n’a ravi que Khaled Hdadé, chef du Parti communiste – fantôme – libanais, même si le PCF continue de soutenir des positions tiers-mondistes anachroniques et des résistances souvent obscurantistes, comme s’il incombait aux seuls habitants du tiers-monde de combattre le «Léviathan» de la mondialisation, sans pouvoir aspirer à la démocratie républicaine. Et certainement pas «populaire».

Et si tous ces dirigeants de l’opposition ont bien voulu se ranger sous la houlette de Nicolas Sarkozy, si le président français a enfreint aux coutumes protocolaires de la République, c’est parce que la France nous a très bien compris, comme aurait dit le général de Gaulle. C’est dire que Paris a réalisé que «la partie qui se joue actuellement au Liban intéresse de près tous les Européens», selon les mots de Régis Debray. Et il est vrai que, sur ces modestes 10 452 kilomètres carrés morcelés en périmètres de sécurité, se joue une lutte féroce entre les Lumières et l’obscurantisme, la pluralité éclairée et l’homogénéisation totalitaire, entre la nahda et l’inhitat, entre la parole et le kalachnikov, entre la démocratie confessionnelle bariolée et la théocratie monochrome, entre la croissance durable – même si souvent inéquitable – et la révolution permanente, le massacre perpétuel.

«Il n’y aura pas de paix et de stabilité dans la région s’il n’y en a pas au Liban.» Sarkozy l’a souligné fort à propos. Si la liberté perd la bataille au Liban, les Barbares – au sens où l’entendaient les historiens antiques, c’est-à-dire ceux qui se trouvent ou se placent à l’extérieur du règne de la civilisation de l’époque – viendront frapper aux portes des Romes modernes. D’où l’importance cruciale de l’union sacrée de la France – et des puissances démocratiques – pour le Liban.

Ces Libanais désunis n’ont pas de comptes à demander à une France à laquelle ils doivent déjà beaucoup. Néanmoins, au nom des valeurs tricolores de la liberté, de l’égalité et de la fraternité desquelles «procède l’attachement particulier du Liban à la France», comme l’a merveilleusement affirmé le président de la République Michel Sleiman, il est des inquiétudes libanaises que Paris devrait lever. Et notamment en ce qui concerne «cette nouvelle page (qui) est peut-être en train de s’ouvrir avec la Syrie».

Nicolas Sarkozy a déjà lancé quelques signes réconfortants à cet égard, en se situant dans la continuité de la politique libanaise de Jacques Chirac et en conditionnant l’amorce de la normalisation des relations entre Paris et Damas à l’ouverture d’une ambassade syrienne à Beyrouth et au respect de la paix civile et de la stabilité au Liban. Mais les Libanais ont vécu beaucoup trop de déceptions pour savoir qu’un petit accord entre l’Occident et les Assad entraîne souvent une grande hécatombe au Liban. Il incombe à la France qui partage avec le Liban «les grandes valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés publiques» – encore une excellente expression de Michel Sleiman – de briser cette règle assassine de l’histoire de la région. En attendant une union sacrée des Libanais, pour le Liban…

04 juin 2008

L'AIPAC crie, Obama aboie

Obama à l'AIPAC...

Les bêtises américaines habituelles. L'intégralité de son discours est disponible sur le site du Washington Post, c'est atterrant de bout en bout.

Mais quelques détails dépassent le «consensus» habituel américain. Il n'y a pas une phrase décente dans toute cette intervention, et je ne vais pas me cogner la traduction intégrale de ce genre de divagations; je me contente de reproduire ici quelques éléments qui, même dans l'ambiance politique américaine particulièrement «biaisée», dépassent ce qui, même là-bas, est communément admis.

But any agreement with the Palestinian people must preserve Israel's identity as a Jewish state, with secure, recognized, defensible borders.
(«Mais tout accord avec le peuple palestinien doit préserver l'identité d'Israël en tant qu'État juif, avec des frontières sûres, reconnues et défendables.»)
And Jerusalem will remain the capital of Israel, and it must remain undivided.
(«Et Jérusalem doit demeurer la capitale d'Israël, et doit rester unifiée.») Pour rappel, l'ONU refuse que Jérusalem soit la capitale d'Israël, et considère que Jérusalem Est est un territoire occupé.
The threats to Israel start close to home, but they do not end there. Syria continues its support for terror and meddling in Lebanon, and Syria has taken dangerous steps in pursuit of weapons of mass destruction, which is why Israeli action was entirely justified to end that threat.
Nous avons donc, selon Obama, la tentative de développer des armes de destruction massive par la Syrie. Mais Obama n'étant pas Bush, on est donc prié, cette fois-ci, d'y croire.

Ne pas rire, Obama évoque de grands prédécesseurs pour sa manière de gérer la «menace» que représente, selon lui, l'Iran:
They forget the example of Truman, and Kennedy, and Reagan. These presidents understood that diplomacy, backed by real leverage, was a fundamental tool of statecraft.
Reagan, le même Reagan que dans l'Irangate?

02 juin 2008

Les États-Unis réinventent les pontons

Pour ceux qui ne savent pas ce qu'est un ponton, direction Wikipedia et Prison.eu.org. Et c'est aujourd'hui (2 juin 2008) dans le Guardian: «Les États-Unis accusés de détenir des suspects de terrorisme sur des bateaux-prisons», par Duncan Campbell et Richard Norton-Taylor. Voici la traduction maison des deux premiers tiers de cet article.

Les États-Unis utilisent des «prisons flottantes» pour détenir les individus arrêtés dans sa guerre contre la terreur, selon des avocats des droits de l'homme, qui dénoncent une tentative de dissimuler le nombre et les lieux des détentions.

Des informations sur les navires où les détenus ont été retenus et sur les sites qui auraient été utilisés dans différents pays à travers le monde ont été compilées à mesure que le débat sur la détention sans procès s'intensifie des deux côtés de l'Atlantique. Le gouvernement américain a été exhorté hier à fournir la liste des noms et des lieux de ceux qui ont été détenus.

L'information quant à l'existence de bateaux-prison est sortie par un certain nombre de sources, dont des déclarations de l'armée américaine, le Conseil de l'Europe et les instances parlementaires, et les témoignages de prisonniers.

Le rapport, qui doit être publié cette année par l'organisation de défense des droits de l'Homme Reprieve, affirme également qu'il y a eu plus de 200 nouveaux cas de déportation (rendition) depuis 2006, quand le président George Bush a déclaré que cette pratique avait cessé.

C'est l'utilisation de navires pour détenir des prisonniers, cependant, qui soulève de nouvelles préoccupations et des demandes d'enquêtes en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

D'après les recherches effectuées par Reprieve, les États-Unis auraient utilisé pas moins de 17 navires comme «prisons flottantes» depuis 2001. Les détenus sont interrogés à bord des navires et ensuite déportés dans d'autres lieux, souvent non divulgués, selon ce rapport.

Les navires identifiés comme lieux de détention de prisonniers sont notamment l'USS Bataan et l'USS Peleliu. 15 autres navires sont soupçonnés d'avoir été utilisés autour du territoire britannique de Diego Garcia dans l'océan Indien, qui a été utilisé comme base militaire par le Royaume-Uni et les Américains.

Reprieve sera s'alarme particulièrement quant aux activités de l'USS Ashland et le temps qu'il a passé au large de la Somalie au début de 2007, quand il menait des opérations de sécurité maritime dans le but de capturer des terroristes d'al-Qaida.

À cette époque de nombreuses personnes ont été enlevées par les forces de la Somalie, du Kenya et de l'Éthiopie, lors d'une opération systématique impliquant des interrogatoires réguliers par des personnes soupçonnées d'être membres du FBI et la CIA. En fin de compte plus de 100 personnes ont «disparu» vers des prisons dans des lieux incluant le Kenya, la Somalie, l'Éthiopie, Djibouti et à Guantánamo Bay.

Reprieve pense que des prisonniers pourraient également avoir été retenus pour interrogation sur l'USS Ashland et d'autres navires dans le golfe d'Aden au cours de cette période.

Le rapport de Reprieve inclut le témoignage d'un prisonnier libéré de Guantánamo Bay, qui décrit l'histoire d'un autre détenu sur sa détention sur un navire d'assaut amphibie. «Un des prisonniers détenus avec moi à Guantánamo a été en mer sur un navire américain avec environ 50 autres détenus avant de venir à Guantanamo... il était dans la cage à côté de moi. Il m'a dit qu'il y avait environ 50 autres personnes à bord du navire. Ils ont tous été fermés dans le fond du navire. Le prisonnier m'a dit que ressemblerait à quelque chose que vous voyez à la télévision. Les personnes détenues à bord du navire ont été frappées encore plus sévèrement qu'à Guantánamo.»

Clive Stafford Smith, le directeur juridique de Reprieve, a déclaré: «Ils choisissent des navires pour tenter de dissimuler leur faute dans la mesure du possible des regards indiscrets des médias et des avocats. Nous finirons par rendre leurs droits légaux à ces prisonniers fantômes.

«De son propre aveu, le gouvernement américain détient actuellement au moins 26000 personnes sans procès dans des prisons secrètes, et des informations donnent à penser que jusqu'à 80000 sont passées “par ce système” depuis 2001. Le gouvernement américain doit faire la preuve de son engagement pour droits fondamentaux et d'humanité, en révélant immédiatement qui sont ces gens qui, où ils sont et ce qui leur a été fait.»

[...]
La suite présente des déclarations de politiques suite à cette révélation.