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01 septembre 2006

Les Croisades, c'est la faute aux Musulmans

Dans un épatant commentaire de livre, signalé par Angry Arab, le Times (britannique) du 19 août 2006 nous offre une rafraîchissante et nouvelle analyse historique des Croisades.

Comme l'a remarqué Angry Arab, selon cet article, à l'origine, les Croisades ont commencé comme un simple développement touristique – tout à fait pacifique – des Chrétiens en terre d'Islam:

The crusading movement started as an outgrowth from peaceful pilgrimage. Increasingly in the 10th and 11th centuries, Christians made the difficult journey to Jerusalem — and a few other holy destinations — as an act of penance. Because of disorder in the Islamic world and the selective persecution of Christians, Holy Land pilgrimages became armed expeditions.
Oui, vous lisez bien. À l'origine, de simples pélerinages pacifiques. Mais, «à cause des désordres du monde islamique et des persécutions ponctuelles des chrétiens», les Croisades sont devenues des expéditions armées. Déjà, donc, c'est la faute aux musulmans...

Mais c'est bien plus grave. C'est «guerre sainte» des chrétiens, ça n'est jamais qu'un héritage de la culture islamique:
Simultaneously, Christians began to adopt what had formerly been a Muslim notion — holy war.
Les Croisades, c'est donc une réponse aux désordres du monde islamique, et dans la forme c'est une notion elle-même empruntée aux musulmans.

On peut déjà ricaner (ou pleurer) de ce révisionnisme historique. Mais la suite permet de comprendre l'intérêt d'une telle relecture de l'histoire. Parce que, au cas où vous l'auriez oublié: nous en sommes en plein choc des civilisations! C'est la guerre, ici en Europe! Invoquons donc les Croisades comme une préfiguration de ce choc.

Tenez-vous bien:
Their efforts were only, at most, a feeble precedent for conflict between civilisations.
On a même cette supposition assez épatante:
Crusading fervour contributed as much, perhaps, to growing hostility between Christians and Jews as between Christians and Muslims. Islam, meanwhile, as Tyerman says, “was only marginally inconvenienced”.
Donc, ce prémisse du choc des civilisations, dû aux désordres de l'Islam, a par ailleurs au moins autant nuit aux relations entre les chrétiens et les juifs, qu'entre les chrétiens et les musulmans. L'Islam, lui, a été «marginalement dérangé» par les Croisades. Puisque, de notoriété publique, lorsque les relations entre les juifs et les chrétiens se dégradent, ce ne sont pas les chrétiens qui sont persécutés, il faut donc comprendre que les véritables victimes des Croisades, ce furent les juifs, et non les musulmans.

La raison de cela est claire:
The big conflict of the era was not between crusaders and Muslims but between Sunni and Shia.
Ça ne vous rappelle rien? Allez, je vous aide un peu... (vous allez voir, le Times n'a pas peur du grotesque):
In the mid-12th-century, Zangi — a Turkish chief who dubbed himself “pillar of the faith” — saw the opportunity to build an empire. Like Osama bin Laden, he proclaimed jihad against infidels and Shia Muslims alike. The strategy worked.
Comme «Osama bin Laden»!

Il est difficile de percevoir, dans l'article, si ce ramassis d'affabulations débiles (et pourtant bien répugnantes) est dans le livre historique lui-même, ou si c'est une déduction du journaliste qui le commente.

Journaliste qui s'autorise en dernière phrase cette nouvelle analogie, ou comment résumer en deux phrases les enseignements, tirés d'événements vieux d'un millénaire, pour les appliquer au monde contemporain:
This is a pity, as there are some genuine parallels for our time. The most obvious for Muslims is: heal your divisions. The most obvious for the West is: stay out of the Middle East.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

En effet chapeau bas! C'est riche en clichés, léger en justification.

En des justifications aussi mysthiques que ça, c'est l'argumentaire de ceaux qui prônent la guerre sainte.

Enfin, moi qui suis originaire de quelque part entre Salon de Provence et Saint Rémy de Provence, je voudrais en profiter pour faire de la pub pour un de nos prophètes locaux. Nostradamus.

Je suis sûr qu'il avait tout prévu.

De Charles Martel à Georges Bush. Je suis sûr qu'il savait tout.

Ah ces arabes, on sait pas si c'est parce qu'ils sont musulmans, où qu'ils se débrouillent que pour soit ramasser les poubelles, soit faire des doctorats en Europe qu'on les ne les aime pas, où simplement si c'est une peu irraisonnée...

Anonyme a dit…

ça semble en effet surprenant comme analyse. Mais quels contre-arguments ont été opposés à cet auteur?

Anonyme a dit…

les croisades ont commences lorsque les mammelouks ont interdits l'acces de la terre 'sainte' aux pelerins chretiens (si ma memoire est bonne, a reverifier)

Anonyme a dit…

Dans la meme rétorique
Si il y a de l'anti-semitisme c'est de la faute aux Juifs.
On partirai de l'epoque des pharaons j usqu à nos jour.
On trouverait facilement des exemples pour expliquer leurs responsabilitees de leurs persecutions depuit la nuit des temps à nos jours. Choc des civilisations
Denis
Vouillez c'est stupide.
Et je suis sur; les noir, les vrais! en replongean dans leur histoire on trouverait ...choc des civilisations.
Choc de la betise contre choc de la betise, on trouvera toujours de belles phrases pour justifier sa haine bien pensante

Nidal a dit…

Ouh là! Je n'ai rigoureusement aucune intention de faire semblant de posséder un savoir encyclopédique sur le sujet, mais tout de même je doute que René Grousset évoque «Ousama bin Laden» et recommande, sur la base d'un raccourci historique fulgurant, aux musulmans d'aujourd'hui de résoudre leurs problèmes et aux occidentaux de se tenir à l'écart du Moyen-Orient!

Sur les Croisades, on trouve de nombreuses versions contradictoires. Comme toujours, tout est dans le détail. Il y a ceux qui pensent que Pierre l'Ermite était simplement «quelque peu fanatique», il y a ceux qui expliquent qu'il mentait carrément (6 pélerinages entre 1085 et 1092 alors qu'il prétendait au blocage complet). Il y a ceux qui évoquent tous les 2 paragraphes le statut des chrétiens vivant sous le joug musulman, et ceux qui expliquent que la lettre d'Alexis Comnène de 1095 décrivant un joug extrême était un faux. Et je passe sur la vision que les Arabes ont des Croisades.

Je supposerai seulement que l'ouvrage commenté par le Times propose des informations et des documents enrichissant notre savoir historique collectif et tout le toutim et que cela est bon. Mais ça n'est le sujet de mon billet.

Un article décrivant une querelle d'historiens, je n'aurais pas relevé. Je n'ai pas lu le livre évoqué dans l'article (ce que j'indique dans mon billet), et c'est bien de l'article du Times que je parle: le 19 août 2006, sortir un article sur les Croisades avec un traitement pareil, et en insistant jusqu'à la dernière phrase sur l'analogie avec le prétendu «choc des civilisations» d'aujourd'hui, c'est proprement scandaleux et irresponsable.

Anonyme a dit…

Salut Nidal,
Je suis une libanaise qui te remercie pour ton amour pour le Liban ( permets moi de te tutoyer)! Je suis intriguée par le fait qu'un non libanais porte un tel amour pour le Liban .Peut etre cela s'explique par ta haine pour l'injustice! Qui es-tu? Je ne te pose pas la question pour que tu répondes, mais seulement par besoin de la poser.

Anonyme a dit…

C'est vrai que le sac de Constantinople en 1204 n'est jamais qu'un différend à propos de l'addition d'un aubergiste qui a mal tourné.

On se demande bien pourquoi les chrétiens d'Orient en veulent tellement aux catholiques romains ?

Allez ! si le pape se réconcilie avec toutes les obédiences de la religion prétendument réformée, puis le résultat avec la religion orthodoxe qui aura entretemps regroupé tous les patriarcats alors l'ensemble pourra heureusement se rapprocher de l'islam dans la communauté duquel se seront réconciliés les sunnites, les chiites, mais aussi les alaouites, les ismaïlites, ... et pour achever tout ce petit monde accueillera chaleureusement les communautés juives. (désolé, j'en ai oublié plein...)

Alors Jérusalem sera une ville où il fait bon vivre et où tous les êtres humains (y compris les laïcs, soyons magnanimes) cohabiteront dans la joie, la bonne humeur et la tolérance.

Et l'étrange notion de "guerre sainte" retombera dans les oubliettes de l'histoire sans même que l'on se préoccupe de savoir quel étrange individu a pu inventer le concept.

Peut être faudra-t-il aussi annexer à cet envoi à la poubelle quelques notions du genre "terre sainte" ?

Anonyme a dit…

bjr
juste une remarque: le discour dit est en anglais dommage qu'il ne soit en français( pour le francofones), le commentaire est superbe

Anonyme a dit…

Après avoir lu le billet de l'Arabe en colère, j'ai cliqué sur le lien qui renvoyait à l'article du Times on Line "Fighting a-not-so-good fight" qui rend compte d'un livre de Christopher Tyerman, God's War. Une lecture rapide peut faire croire qu'en effet les croisades, c'est la faute des arabes. Mais on y apprend que Christopher Tyerman parle également des croisades qui ont eu lieu en Europe ; les arabes ne peuvent être à l'origine des croisades qui ont eu lieu dans le Sud de la France et dans la région de la Baltique puisque les mécréants de ces contrées n'étaient pas musulmans. J'ai donc cherché sur Amazon les références de God's War. En plus du résumé qui n'a rien à voir avec l'article du Times on Line, j'ai découvert que monsieur Tyerman , professeur d'histoire à Oxford, avait publié de nombreux livres sur l'histoire du Moyen Age. A l'adresse < http://www.npr.org/programs/wesun/transcripts/2005/feb/050227.tyerman.html > , j'ai trouvé une interview accordée par ce spécialiste du Moyen Age à une certaine Sheilah Kast à propos de son livre . Rien à voir avec la critique de Felipe Fernández-Armesto, homme de medias et spécialiste - lui- d'histoire moderne comme on le découvre très vite en entrant son nom dans Google. Il va sortir une Histoire Globale du Monde à partir de 1300. Moins "Globaliste" Christopher Tyerman semble plutôt s'intéresser à la période précédente puisqu'il a publié un "Qui est qui dans l'Angleterre Médiévale de 1066 à 1272". Et voilà comment une possible rivalité entre deux universitaires britanniques fâche des arabes et provoque de vertueuses réactions sur le net. Quelle blogue! Mieux vaut lire Les Croisades vues par les Arabes d'Amin Maalouf.
Obodas

Cesco a dit…

A propos de Pierre l’Ermite, Guillaume de Tyr relate dans son Histoire des croisades, la première visite de Pierre en Terre sainte et son entrevue avec le patriarche de Jérusalem qui réclame de l’aide pour pallier les déficiences de la protection des Byzantins. C’est à la suite de cette prise de conscience que Pierre,une fois revenu en Occident, va prêcher la Croisade. Plus de détails ici :

http://www.villemagne.net/site_fr/jerusalem-pierre-l-ermite.php