La justice est trop laxiste...
Comme, la semaine dernière, cette information est passée relativement inaperçue parmi mes compatriotes français, voici la traduction d'un article du Guardian du mercredi 20 septembre. [Note: rien à voir, évidemment, avec la dénonciation du laxisme du tribunal de Bobigny par un certain ministre de chez nous; rien à voir avec la joie de Georges Bush d'annoncer devant l'ONU les progrès de la démocratie partout où sont intervenus les bombardiers américains; rien à voir non plus avec le rêve d'un tribunal international au Liban.]
Le procès de Saddam Hussein a tourné à la farce hier quand le président du tribunal a été renvoyé après que le gouvernement iraquien a prétendu qu'il avait perdu sa neutralité en déclarant en audience que Saddam n'était pas un dictateur.[Note : remarquez que «Saddam» est le seul à être systématiquement dénommé par son seul prénom. Tous les autres sont désignés par leur nom de famille.]
Ce dernier rebondissement dans un processus légal qui a été marqué par des meurtres, des démissions, des accusations d'intimidation et d'ingérence politique, a fait suite à des remarques émises la semaine dernière par le président du tribunal Abdullah al-Amari.
Il a été remplacé, à la tête du groupe de cinq juges, par Mohammed al-Uraibiy, qui était son adjoint, selon une source au tribunal.
L'accusation avait demandé le remplacement de al-Amiri la semaine dernière, après qu'il avait autorisé Saddam à s'en prendre à un témoin kurde, et avait provoqué une controverse en déclarant à l'ancien président: «vous n'étiez pas un dictateur».
Le tribunal juge Saddam, son cousin Ali Hassan al-Majeed, surnommé Ali le Chimiste [Chemical Ali], et cinq autres accusés, pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, pour leur rôle dans la campagne d'Anfal de 1998 contre les Kurdes.
Saddam et Majeed sont de plus accusés de génocide.
Le différend entre le président du tribunal et le chef de l'accusation, Minqith al-Faroon, a éclaté mercredi dernier lorsque al-Faroon s'est plaint que le président avait autorisé Saddam a accuser un témoin kurde d'être un «agent de l'Iran et du sionisme» et avait menacé d'«écraser la tête» de ses accusateurs.
«Vous avez permis que le tribunal devienne une estrade politique pour les accusés», a déclaré al-Faroon à al-Amiri. «L'action de la court penche en faveur des accusés. C'est pourquoi je demande à votre honneur de se récuser.» Al-Amiri avait alors refusé.
Le lendemain, durant le contre-interrogatoire d'un témoin kurde, Saddam a déclaré: «Je me demande pourquoi cet homme voulait me rencontrer, si j'étais un dictateur?»
C'est alors qu'al-Amiri est intervenu, dans un aparté amical à l'adresse de Saddam: «Vous n'étiez pas un dictateur. Les gens autour de vous ont fait passer pour un dictateur.»
«Merci», a répondu Saddam, inclinant la tête.
Ce n'est pas la première crise que traverse le tribunal. Un juge dans un procès séparé contre Saddam pour l'assassinat de 150 chiites dans le village de Al-Dujaul dans les années 1980 s'est retiré plus tôt cette année, arguant d'ingérences politiques de la part du gouvernement.
Si le tribunal a initialement été constitué par les forces d'occupation américaines pour poursuivre Saddam pour les crimes commis sous son autorité, il est maintenant dirigé par des Iraqiens, bien que des Américains interviennent comme conseillers.
Depuis le début du procès, trois membres de l'équipe juridique de la défense ont été tués. Saadoun Sughaiyer al-Janabi et Adel al-Zubeidi sont morts dans des fusillades différentes à l'automne dernier et Khamis al-Obeidi a été enlevé et tué en juin 2006 par plusieurs hommes portant des uniformes de la police.
Le procès a été lourdement critiqué, le plus récemment par Amnesty International, qui a réclamé des changements pour assurer que le procès réponde aux critères internationaux.
Il a attiré l'attention sur le manque de garde-fous garantissant l'intépendance juridique du tribunal; la sécurité des avocats, des témoins et de tous ceux impliqués dans le procès; les droits de la défense; et le processus légal nécessaire.
The premier verdict devrait être rendu le 16 octobre 2006.
Je complète cet article d'une dépêche de Reuters sur la reprise de l'audience.
Saddam Hussein a été évacué de la salle d'audience par le nouveau président du tribunal qui remplace Abdallah al Amiri, et les avocats de la défense ont quitté la salle dès l'ouverture de la séance pour protester contre ce changement de magistrats.
Saddam a accusé le nouveau président, Mohamed al Oureïbi, d'être le fils d'un ancien espion du gouvernement avant l'invasion américaine en 2003.
«Votre père était un agent de sécurité. Je le connaissais. Il s'était fait opérer ici», a lancé Saddam en désignant son abdomen.
«Je vous mets au défi de le prouver au public», a répliqué Oureïbi d'un ton sans appel, en ordonnant le renvoi de l'accusé.
Le prédécesseur du nouveau juge a été révoqué mardi à la demande du gouvernement irakien qui n'a pas admis qu'Amiri ait dit la semaine dernière à Saddam Hussein qu'il n'était pas un dictateur.
Me Wadood Fawzi, l'avocat de Saddam et d'un de ses coaccusés, son cousin Ali Hassan al Madjid, a protesté contre les pressions exercées par le gouvernement.
«Le licenciement de ce juge a confirmé nos craintes, à savoir que cette cour est dépourvue des conditions permettant de mener un procès équitable», a-t-il affirmé.
Les avocats de la défense ont finalement quitté la séance.
Oureïbi a ordonné que les accusés soient défendus par des avocats désignés par la cour, puis a poursuivi les auditions.
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