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22 août 2006

Compléments

Je viens de compléter deux des précédents billets de ce blog. Il s'agit d'extraits du livre de Georges Corm, Le Liban contemporain, qui appuient et complètent les informations déjà publiées ici. Comme les billets sont vraiment longs, voici les quatre passages qui y ont été insérés. Évidemment, si vous n'aviez pas encore lu ces deux billets, n'hésitez pas à les consulter dans leur intégralité.

1. Dans le billet sur l'introduction de «L'Ethno-politique au Moyen-Orient», le passage suivant a été introduit vers la fin du texte.

Dans Le Liban contemporain (La Découverte, édition 2005) Georges Corm conclut ainsi un passage consacré à cette question:
Ainsi, la déstabilisation de la région du Proche et du Moyen-Orient sur des bases ethniques et religieuses à l'époque contemporaine trouve bien son origine dans les ambitions des puissances extérieures. Toutefois, il faut attendre la création de l'État d'Israël et l'éviction de la population palestinienne de son territoire en 1948 pour assister à la création du premier État à base confessionnelle exclusive. Toutes les autres avaient lamentablement échoué, y compris celle du XIXe siècle (qui dura quinze ans, de 1845 à 1860) de couper le Mont-Liban en deux cantons (caïmacamats), l'un druze et l'autre maronite, ou celle du XXe siècle de créer en Syrie un État druze et un État alaouite, ou la tentative anglaise en Égypte de couper la minorité copte du mouvement national incarné par le parti Wafd. C'est donc l'émergence de l'État juif qui a constitué le véritable précédent. Dans une région aussi sensible que le Moyen-Orient et aussi riche en communautés diverses, ce précédent devait, par la force des choses, relancer les germes d'une désintégration à base ethnique et religieuse de la région; désintégration sans laquelle la survie isolée d'un État, dont le critère exclusif d'existence et le fonctionnement reposent sur une identité religieuse, peut en effet être difficilement envisageable à long terme.
2. Pour le billet sur le «Coup d'État au Liban», j'ai trouvé les précisions suivantes au sujet de l'article sur la «Stratégie pour Israël dans les années 1980»:
La Revue d'études palestiniennes reproduit le texte à l'automne 1982 sous le titre «Stratégie pour Israël dans les années 1980» (j'ignore si c'est le titre d'origine dans Kivounim), et l'attribue à Odel Yinon, «journaliste et ancien fonctionnaire des Affaires étrangères».
3. Toujours au sujet du même texte, deux réactions israéliennes à la publication de la «Stragégie»:
Georges Corm, dans Le Liban contemporain (La Découverte, édition 2005), présente deux positions qui ont suivi la publication de ce document:
S'agit-il d'un «fantasme aberrant, irrationnel, analphabète, qui remplit la tête des dirigeants israéliens»? C'est ce que pense un bon connaisseur de la réalité israélienne [Ilan Halevi, dans une table ronde sur le Liban dont le texte est publié dans le revue Peuples méditerranéens, n°20, juillet-septembre 1982, p. 5 – numéro sur le thème: «Liban, remises en cause»], qui affirme par ailleurs: «Cet orientalisme israélien officiel, militaire, pense avoir découvert la réalité de la société moyen-orientale; un ordre de paix au Moyen-Orient doit être fondé sur la nature profonde de cette société et non pas sur des formes artificielles, importées de l'Occcident comme le sont les États-nations modernes à bases territoriale; l'idéal de ce nouvel ordre régional dans lequel l'État sioniste d'Israël s'intégrerait comme un poisson dans une colonie de poissons, c'est le démantèlement des États dans leurs frontières actuelles et leur remplacement dans une multitude de mini-États confessionnels.»

De son côté, Israël Shahak, président de la Ligue israélienne des droits de l'homme (non reconnue par le gouvernement israélien), commente le texte «Stratégie pour Israël dans les années 1980», cité ci-dessus, en ces termes [Revue d'études palestiniennes, n°5, automne 1982.]: «Il ne faudrait pas pour autant regarder ce projet comme dénué de toute portée pratique ou irréalisable, au moins à court terme. Le projet reproduit fidèlement les théories “géopolitiques” qui avaient cours en Allemagne dans les années 1890-1933, qui furent adoptées telles quelles par Hitler et le nazisme, et qui guidèrent leur politique en Europe de l'Est. Les objectifs fixés par ces théories, en particulier le démantèlement des États existants, reçurent un début de réalisation de 1939 à 1941, et seule une coalition à l'échelle mondiale en empêcha l'application à long terme.»
4. Toujours pour «Coup d'État au Liban», des avertissements bien avant 1982.
Des avertissements sur les risques d'éclatement des entités nationales au Moyen-Orient apparaissent alors. Georges Corm, dans Le Liban contemporain (La Découverte, édition 2005), le souligne:
Il faut ici rappeler les cris d'alarme de Raymond Eddé, chef du parti politique le Bloc national, qui n'a cessé de dénoncer un «complt américano-sioniste», dont Henry Kissinger serait l'inspirateur, qui aurait commencé avec l'invasion de Chypre par la Turquie en 1974 et la division de facto de l'île entre une zone grecque et une zone turque. Chyprianisation du Liban entre chrétiens et musulmans, balkanisation de l'ensemble de la région: c'est ce qu'a dénoncé avec la plus grande constance depuis 1974 cet homme politique resté au-dessus de la mêlée. «Je continue à soutenir, déclarait-il au journal Le Monde le 16 décembre 1975, que nous sommes en présence d'un plan américain visant à la partition du Liban, laquelle conduirait, à plus ou moins brève échéance, à l'éclatement de la Syrie. L'objectif est la création, aux côtés d'Israël, de plusieurs État à caractère confessionnel, des États tampons, qui contribueraient à la sécurité de l'État juif. Bref, le plan est de balkaniser la région.

De son côté, l'ex-président de la République libanaise durant les années de troubles 1975-1976, Soleiman Frangié, a affirmé dans plusieurs déclarations à la presse, après avoir quitté le pouvoir, que les États-Unis ont cherché à implanter les Palestiniens au Sud du Liban et à évacuer les chrétiens du Liban vers le Canada; puis, devant les obstacles s'opposant à ce dessein, ils ont cherché à créer un État chrétien au Liban à partir de 1978 [Voir, par exemple, ses déclarations à la revue Al Jamhour le 3 mai 1978, et au journal Al Anouar le 27 août 1979, tous deux paraissant à Beyrouth.]. Il n'a d'ailleurs pas été le seul à le dire dans la région. Ainsi, le prince Hassan, frère du roi Hussein de Jordanie, homme lui aussi de réflexion sereine, écrivait le 3 septembre 1982 dans le Times de Londres: «La perspective d'un éclatement de la Grande Syrie entre druzes, maronites et fondamentalismes chiites et sunnites coïncide avec le développement du Grand Israël. Tout cela implique une aggravation de la souffrance des Palestiniens dépossédés dont le respect des droits est inaliénable et crucial pour la paix durable.»

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Georges Corm est effectivement une voix francophone appréciable sur le Liban, et on pourrait y rajouter Walid Charara. Mais que pèsent-ils par rapport aux deux Antoines, Sfeïr et Basbous, abonnés aux médias mainstream, principalement audiovisuels.

Je n'ai pas entendu Ghassan Salamé, lui aussi ancien ministre. Quelqu'un l'aurait-il entendu sur la guerre d'agression israëlienne?