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05 novembre 2006

L'assassinat sous forme de tableau Excel

La lecture de l'article de Patrick O'Connor, «Israel's Large-Scale Killing of Palestinians Passes Unreported», sur Electronic Intifada, est terrifiante. O'Connor souligne l'augmentation de la disproportion entre le nombre de Palestiniens tués par rapport au nombre d'Israéliens tués, absolument insensée depuis le dernier trimestre.

Il fournit une courbe de cette évolution:
Alors que, depuis le début de l'intifada, le nombre de Palestiniens tués pour chaque Israélien tué se situe entre 2,5 et 7,6, sur l'année 2006 ce ratio passe à 22. Sur le troisième trimestre 2006, il passe à 71 Palestiniens tués pour chaque Israélien tué. O'Connor indique qu'on peut certainement voir là une rupture complète des pratiques israéliennes, et s'indigne que les médias occidentaux continuent à parler d'un «conflit israélo-palestinien», alors que la disproportion des morts interdit d'utiliser un terme («conflit») qui suggère un équilibre entre deux parties en guerre.

Ayant l'esprit matheux, j'ai pensé que la création de courbes pourrait donner une certaine impression de l'évolution actuelle. J'ai donc recopié les chiffres fournis par l'ONG israélienne B'Tselem dans un grand tableau, et j'en ai tiré les courbes suivantes. Il me semble que ces courbes sont très parlantes.

Ces deux tableaux illustrent la disproportion du nombre de morts de chaque côté. Je n'ai retenu, dans les chiffres de B'Tselem, que les personnes tuées par l'autre camp. Le premier tableau est constitué des chiffres bruts du nombre de morts, par trimestres (en haut-bleu: les morts palestiniens; en bas-rouge; les morts israéliens).

Le second tableau, très impressionnant, est le même que celui d'O'Connor: c'est le nombre de Palestiniens tués pour chaque Israélien tué. La différence est que, dans ma présentation, je fais apparaître chaque trimestre. L'évolution sur 2006, jusqu'à 71 morts palestiniens pour 1 mort israélien, interdit effectivement de parler de «conflit». «Tir au pigeon» serait plus fidèle à la réalité.


Ce tableau illustre la notion d'«armée la plus morale du monde»: c'est le pourcentage de mineurs parmi les tués. En haut les Palestiniens; en bas les Israéliens. Par exemple, sur l'année 2005, 26% des Palestiniens tués sont des mineurs; et 12% des Israéliens tués sont des mineurs. En 2006, ces pourcentages de mineurs passent à 22% pour les Palestiniens, et 5% pour les Israéliens.

Dans le témoignage receuilli par Sylvia Cattori, on lit: «Les soldats ont l'ordre de tirer sur le haut du corps: ils visent la poitrine, près du cœur, la tête». Au début de l'intifada, parmi les Palestiniens, on compte 32 blessés pour un mort; le trimestre suivant, 24 blessés pour un mort. Au troisième trimestre 2006, on ne compte plus que 2 blessés pour un mort. Les nouvelles bombes tuent beaucoup mieux, semble-t-il.

Le tableau ci-dessus ne prend en compte que le nombre de blessés par balle ramené au nombre de morts. Là encore, l'«efficacité» mortelle des soldats israéliens est spectaculaire. Resté longtemps autour de 1,5 blessé par balle pour un mort, depuis le milieu de l'année 2005, le nombre de morts est supérieur au nombre de blessés par balle. Sur le dernier trimestre, nouvelle évolution: le nombre de blessés par balle est de 0,4 fois le nombre de tués. Shoot to kill.

Ajout du mardi 7 novembre. Le graphique ci-dessus indique la répartition des morts palestiniens (en bas-bleu), du nombre de blessés par balle (live ammunition, en rouge), du nombre de blessés par armes de bombardements (en jaune, «injuries mostly due to bomb fragments and shrapnel») et le nombre de blessés par armes non-léthales (en vert, total de «rubber/plastic bullet» et de «tear gas»).

La part des dégâts dus à des armes non-léthales est passé de 67% en 2000 à 29% en 2006, selon une évolution plutôt régulière. Sur le troisième trimestre 2006, on atteint le pourcentage extrême de 6% de dégâts dus à des armes non-léthales.

[Mise-à-jour du 10 novembre] L'association B'Tselem vient de publier les chiffres macabres pour le mois d'octobre complet. Les chiffres de ce mois ne modifient les courbes ci-dessus que de manière très faible.

Noter que, au mois d'octobre, il n'y a aucun mort israélien recensé, pour 59 palestiniens tués. Cela me semble important: voici le nombre d'Israéliens tués par des Palestiniens ces derniers mois: mai 1, juin 3, juillet 2, août 1, septembre 1, octobre 0. Ces chiffres peinent à prouver qu'Israël est en train de lutter pour sa survie.

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Terrifiant ... une mise aux normes de la modernité informatique de la barbarie, puisque ce qui ne se met pas en "tableaux" n'existe pas ...
les chiffres sont effrayants, mais la cécité de nos sociétés face à cette barbarie l'est encore plus ...
Tout devient légitime semble t'il ...

AbMoul a dit…

Bravo, par une idée si simple tu mets en lumiére une réalité si terrible..à la décharge des médias occidentaux (si on peut dire)notons que la terminologie en vigueur dans les médias israéliens, américains ou européens ont été désormais adopté par presque tous les médias arabes. On parle d'affrontements israélo-palestiniens, d'attentats suicides voir terroristes..

Anonyme a dit…

le choix est de tourner la tête en feignant d'ignorer cette tragédie planifiée par ce régime criminel et fasciste sinon le moindre début de critique, d'analyse ou de position se verra taxer de dangereux antisémitisme complice du fascislamisme. BHL, klarsfeld et autre finkelkraut guettent et rodent !

Anonyme a dit…

Un mort est un mort quel que soit son "côté" et l'assassinat d'une famille suite au bombardement de sa maison ou suite à l'explosion d'un bus est autant à gerber.

Il faut arrêter cette escalade; il faut que ces deux peuples cohabitent en paix.

Unknown a dit…

Aucune info sur la nature des cibles visées.

Ces statistiques me semblent partiales.

Elles n'oeuvrent pas vraiment en faveur de la paix.

Nidal a dit…

@Samuël: Merci de me donner l'occasion de souligner ce point, que je n'ai pas mentionné dans l'article: le site de B'Tselem, vers lequel je fais bien le lien dans l'article, donne les noms de toutes les personnes tuées, ainsi que les circonstances de leur mort.

Je peux aussi souligner que les statistiques fournies par le Croissant rouge palestinien sont très précises. Celles fournies par l'armée israélienne sont totalement imprécises; je suppose que c'est ce qu'on pourrait qualifier de statistiques «qui œuvrent vraiment en faveur de la paix».

Anonyme a dit…

Le conflit Israëlo Palestinien ça fait entre autres vendre du papier des images et des armes, et c'est sans doute une des multiples raisons pour lesquelles ça n'est pas prêt de s'arreter.

Alors qu'aujourd'hui la mort soit mise en équation avec un tableur et des graphiques à mon sens ça ne change rien à un problème qui dure depuis trop longtemps.

A mon sens le premier mort d'un conflit est de toutes manières un mort de trop. et ce "graphique excel à l'appui ou pas".

A mon sens la souffrance ne se met pas en équation...

Il faut "espérer" que le le jour on la mort ne fera plus recette le monde pourra vivre en paix...

Anonyme a dit…

Nidal, tu fais un grand travail.
La barbarie Israélienne est sans commune mesure, dans la durée et les méthodes, avec aucun autre conflit actuel.
Cette guerre coloniale nuit énormément à l'Europe. Comme si, en cette époque de mondialisation, il n'y avait que les marchandises qui s'exportent. Les conflits aussi s'exportent. Quand comprendrons nous que si nous ne les stoppons pas, ce conflit s'installera partout.

Sophia a dit…

J'aimerai bien savoir quelle est la proportion d'hommes jeunes là-dedans. A mon avis le dernier ras-le-bol des femmes de Beit hanoun a à voir avec le fait que les Palestiniens sont en train de perdre massivement leurs hommes car israel vise spécialement les hommes en âge de combattre à partir de 14 ans.
J'ai mis sur mon blog il y a quelques temps les stats, fournies par les Israéliens du sexe et de l'aâge des personnes tuées. L'article est dans mes liens permanents à la fin sous la rubrique: My selection of articles on this blog et le titre 'A shocking allegation...'

Nidal, j'ai mis un lien sur mon blog vers ton article.

nawa a dit…

excellent article, je vais faire un lien vers ton blog

Anonyme a dit…

C'est très pertinent de ne pas utiliser le mot "guerre", et même de dénoncer l'utilisation inadaptée et donc abusive du mot "conflit"

Ce drame né du fanatisme sioniste des années 1900-1948 et plus c'est une légitime résistance plus ou moins active de volés occupés face aux successeurs de terroristes (Stern, Shamir, Ben Gourion Rabin, Begin etc..) et leur clientèle , meurtriers spoliateurs, expulseurs et menteurs qui ne veulent même pas une trève sur des bases territoriales forcément injustes

On ne fait pas la paix avec des voleurs tant qu'ils ne veulent pas rendre l'intégralité de ce qu'ils ont volé. Mais on peut signer au plus vite un traité de non agression.