La Syrie empêche les Libanais de picoler
Allez, encore un petit pour la route. Un copain m'a signalé qu'on trouvait tout de même de l'information dans L'Orient-Le Jour en m'indiquant le papier qui suit; je ne peux pas m'empêcher de vous en faire un petit papier rigolard.
N'y voyez pas plus sérieux de nécessaire. J'écris à côté d'une ch'tite mousse au bistrot du coin, et cet article m'a fait copieusement rigoler.
Comme L'Orient-Le Jour semble croire qu'on va lui acheter ses archives dès le lendemain (et ferme donc ses archives toutes les 24 heures), voici l'article en question:
Consommation - La vodka nouvelle idole des jeunes, l’arak toujours en chute librePour ne pas changer, la fainéantise des journalistes libanais est très exactement équivalente à celle des journalistes français: recopie scrupuleuse du dossier de presse remis par les industriels locaux et, pour ajouter un peu de vie, interview d'un des principaux industriels du secteur.
Le marché de l’alcool au Liban n’échappe pas aux effets de la crise L'article de Sahar AL-ATTAR
Il y a encore un an, l’alcool coulait à flots dans les pubs, les restaurants, les plages et les boîtes de nuit bondées du pays. Depuis, les temps ont bien changé. La récente vague des attentats ambulants a eu raison de l’esprit de la fête légendaire des Libanais. Même si quelques établissements, qui misent sur un environnement ultrasécurisé, tirent leurs épingles du jeu.
Globalement, l’activité tourne au ralenti dans les lieux traditionnels de consommation d’alcool, et les distributeurs s’attendent désormais à un rétrécissement du marché en 2007.
On pourrait pourtant croire que les temps difficiles incitent les consommateurs à multiplier les évasions éthyliques. «Il arrive en effet que les ventes de certains alcools décollent en supermarché en période de stress. C’est notamment le cas du whisky, vendu à près de 92% en supermarché. Mais globalement la consommation d’alcool reste liée à l’esprit de la fête et souffre de la baisse de fréquentation des lieux de festivités», explique Anthony Massoud, responsable de EAM (Ets Antoine Massoud SAL), qui détiennent un grand nombre de marques d’alcool et figurent parmi les cinq premiers distributeurs au Liban.
En février déjà, une étude réalisée par un cabinet basé à Londres, IWSR, prévoyait une baisse de la consommation d’alcool en 2007 de près de 1,75 % à 639 350 caisses de neuf litres par an pour les alcools forts (whisky, vodka, gin, tequila, rhum, liqueurs, arak, eaux-de-vie…). La consommation de vins devrait également baisser de 0,2 %, à 242 550 caisses de 9 litres par an, ainsi que celle de la bière qui devrait reculer de près de 1,27 % à 155 000 hectolitres par an. Ces prévisions avaient toutefois été faites «avec extrême prudence», avec l’hypothèse de la poursuite d’une «paix difficile», et donc sans compter la terreur semée récemment dans les régions libanaises.
Cet éventuel recul est évidemment une mauvaise nouvelle, surtout pour le marché des alcools forts (les spiritueux) en baisse de plus de 13% entre 1997 et 2006. D’autant que cette consommation était en voie de rétablissement depuis 2005, une année marquée par l’assassinat de Rafic Hariri, où les ventes avaient drastiquement chuté. Toujours selon l’étude britannique, en 2006 le marché était en pleine expansion jusqu’en juin, avec une croissance de l’ordre de 20%, avant que la guerre de juillet n’éclate. Finalement, en 2006, la consommation de spiritueux a augmenté de 4,6% par rapport à 2005 et celle des vins a crû de 1,8%, (les importations ne représentant que 18,9% de cette consommation).
Bouleversement des habitudes
Ces tendances générales masquent toutefois des inégalités entre les différents alcools, marquées par le bouleversement des habitudes de consommation depuis 1997.
Par exemple, la baisse des droits de douane sur les importations, de 70 à 15% en 2001, a dopé la consommation de whisky, ainsi que la contrebande vers les pays voisins. La hausse de la consommation locale de whisky, aujourd’hui l’alcool le plus bu au Liban, s’est toutefois largement faite aux dépens de celle de l’arak, en chute libre depuis.
«La consommation d’arak est en baisse de près de 50 % depuis 97. En 2006, elle a encore reculé de 2,5 %. L’arak souffre un peu de son image, mais il restera toujours la boisson traditionnelle au Liban», estime M. Massoud.
Le vin connaît également de beaux jours, sa consommation est en hausse continue, de plus de 45% depuis 1997, et de 2,3% entre 2005 et 2006.
La bière, en revanche, qui a souffert de l’introduction de nouvelles boissons faiblement alcoolisées, à base de rhum ou de vodka, puis de la guerre de juillet, a vu sa consommation pratiquement stagner en dix ans.
Aujourd’hui, la boisson à plus fort potentiel de croissance est la vodka, l’alcool le plus vendu au monde. «La tendance mondiale a tardé à arriver au Liban. Mais, en peu de temps, la vodka a largement remplacé le whisky dans les boîtes de nuit, devenant la boisson favorite des jeunes», explique M. Massoud.
Selon lui, la consommation de cet alcool, qui a pour principal avantage sa capacité à être mélangé, a presque doublé en cinq ans. Son marché représente désormais un chiffre d’affaires de près de 5,5 millions de dollars. Les établissements Massoud n’ont d’ailleurs pas tardé à surfer sur la vague, en lançant la « Russian standard vodka », une marque qui mise sur son origine purement russe pour trouver sa place sur le marché. « D’ici à trois ans, nous visons une part de marché de 10 %. Pour moi il ne fait aucun doute, la vodka est l’alcool du futur au Liban », conclut M. Massoud.
De fait, l'article regrette visiblement que les jeunes Libanais ne se bourrent pas plus la gueule et ne meurent pas plus dans des accidents de voiture (pourtant un fléau absolu au Liban; je n'ai pas les chiffres, mais d'expérience je sais que c'est déjà un beau massacre).
Au Liban comme ailleurs, le dimanche, les jeunes libanais se regroupent, impriment des photographies de leur copain mort la veille, pleurent beaucoup. Et L'Orient-Le Jour regrette que les ventes d'alcool baissent.
Mais peut-on en vouloir à L'Orient-Le Jour, alors que l'association libanaise YASA n'a pas grand chose à dire sur le sujet, à part un texte qui parle de l'alcool au volant... des Étatsuniens.
En France, le Figaro fait preuve du même enthousiasme publicitaire imbécile pour le petit jaune.
En revanche, ce qui est très amusant, c'est le besoin des articles de ce quotidien à toujours lier n'importe quoi avec «les événements».
Ainsi le titre: «Le marché de l’alcool au Liban n’échappe pas aux effets de la crise».
Ainsi ce passage que je trouve assez énigmatique:
Ces prévisions avaient toutefois été faites «avec extrême prudence», avec l’hypothèse de la poursuite d’une «paix difficile», et donc sans compter la terreur semée récemment dans les régions libanaises.Encore plus étonnant:
D’autant que cette consommation était en voie de rétablissement depuis 2005, une année marquée par l’assassinat de Rafic Hariri, où les ventes avaient drastiquement chuté.J'ai vu beaucoup de photographies de Rafic Hariri en posture de prière. C'est donc une révélation: à lui seul, notre Saint homme éclusait-il suffisamment pour que sa mort provoque un tel manque à gagner?
Et puis:
Toujours selon l’étude britannique, en 2006 le marché était en pleine expansion jusqu’en juin, avec une croissance de l’ordre de 20 %, avant que la guerre de juillet n’éclate.Hum...
Le lecteur libanais fasciné par l'exemple français aurait sans doute été intéressé d'apprendre que l'évolution de la consommation d'alcool par tête de pipe en France est aussi en forte baisse depuis les année 70. Voici le tableau fourni par l'INSEE:
Et non, la France n'a pas subi d'attaques islamo-palestino-syriano-irano-hezbollesques sur son territoire sur toute cette période.
Heureusement, nous, on a Nicolas Sarkozy qui, à l'instar de feu Rafic Hariri, est capable d'assurer à lui seul le redémarrage de l'industrie des spiritueux.
4 commentaires:
Merci à toi Nidal.
Avant toute chose je souhaiterai te remercier pour ton blog absolument SUBLIME.
J'adore cette lucidité d'esprit typiquement francaise( quoi que ça se perd) , bien que je sois libanais né en France.
Porter MOT pour MOT toutes les idées que véhiculent ton blog m'a fait perdre énormément d'amis libanais mais je m'en fous.
Chaque article est rempli de bon sens et j'admire ton travail journalistique.
J'ai toujours revé de tenir un journal comme le tien, tu l'as fait pour moi .
Chapeau bas.
Depuis des années j'essaie de prouver aux libanais moyens que la sécurité routière au Liban est un fléau absolu pour ne pas dire un massacre. Demandez à n'importe quelle infirmière de L'AUB.
Malheureusement, je n'ai JAMAIS trouvé les chiffres mais ça doit etre effrayant.
Quand je pense que j'ai plein d'amis libanais vivant en France qui attendent sagement que leur permis International en provenance du Liban ( acheté 500 $) leur tombent dans la boite aux lettres, en ayant bien sur jamais touché une voiture, ça fait froid dans le dos.
Mais c'est ainsi.
Mille Merci Nidal.
Les mots me manquent face à TANT de justesse et de précision.
Jadoz
Oui Nidal,
Faudrait vraiment qu'on fasse un billet sur ce Tabou absolu qu'est la sécurité routière au Liban ...
Ca te tente ?
Je suis prêt à t'aider dans tes recherches.
Ca s'inscrit parfaitement dans la logique de ton blog qui remet la vérité à sa place.
Cordialement.
Et la magistrature?
Et le Conseil constitutionnel?
Et l'absence de loi financière depuis trois ans?
Et la vénalité du vote, celui du citoyen, mais celui de l'élu également?
M'enfin. C'est la Suisse du Proche Orient. À ce qu'on dit, du moins.
À titre d'illustration de mon dernier message, voici un des gros titres du site tayyar d'aujourd'hui 21 juin (traduction personnelle) :
«Beyrouth - Le juge des référés, Jocelyn Tabet, a décidé l'interruption du processus électoral à la Fédération Générale Ouvrière, à la demande de milieux proches de la majorité gouvernementale.»
Dans le corps de l'article on apprend que
1- les demandeurs étaient assistés de l'avocat personnel de Saadeddine Hariri
2- que des observateurs arabes délégués par leurs centrales syndicales ont été offusqués par cette intervention indue
3- que les fonctionnaires du ministère du travail qui supervisaient les opérations du scrutin ont décidé de poursuivre les opérations de vote, n'ayant pas été notifiés du jugement.
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