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12 octobre 2006

Peut-on encore critiquer...?

Si, à Libération, on s'interroge doctement sur le thème «Peut-on encore critiquer l'islam», si les plateaux de télévision s'emplissent de sombres experts qui en appellent à Jacques Chirac pour défendre la liberté d'expression (non mais franchement, Jacques Chirac, la liberté d'expression! le ridicule ne tue pas...), d'un autre côté je peine à trouver la moindre ligne appelant à dénoncer le muselage de l'ambassade de France à New York tel qu'il vient de survenir cette semaine.

Comme je ne lis pas toute la presse et que je ne regarde pas toutes les télés, je peux bien sûr être simplement passé à côté. En tout cas, il m'a fallut passer par une dépêche Reuters en anglais pour apprendre cette (pas du tout) étonnante information. J'espère que Jacques Chirac interviendra pour défendre notre liberté d'expression aux États-Unis.

Au passage, ça tombe bien pour ce blog, l'auteur dont il est question, Carmen Callil, a des origines libanaises.

A-t-on encore le droit de critiquer Israël? La réponse est tellement «non» que Libération n'imagine même pas qu'il soit intéressant d'en faire article. (Notez tout de même que l'ambassade de France parvient à se faire enquiquiner alors même qu'elle organise un événement culturel rappelant la collaboration française avec l'occupant nazi et sa responsabilité dans la déportation des juifs. Et ça, il faut être sacrément doué.) J'en suis réduit à vous proposer cette traduction de Haaretz pour évoquer l'autocensure de l'ambassade de France à New York!

Reuters, 10 octobre 2006.

NEW YORK – L'ambassadeur de France a annulé lundi à New York la réception organisée autour d'un livre consacré à la collaboration de la France de Vichy avec l'Allemagne nazie, parce que la postface de l'auteur explique qu'Israël a opprimé les Palestiniens.

Les services culturels des bureaux de l'ambassade de France à New York avaient prévu d'organiser une réception mardi pour fêter la sortie en septembre du livre Bad Faith de l'auteur Carmen Callil, sur Louis Darquier de Pellepoix, le reponsable du gouvernement de Vichy qui a organisé la déportation des juifs français à Auschwitz.

Callil a expliqué à Reuters, lundi, que la fête avait été annulée suite aux plaintes de «fondamentalistes juifs».

Dans un email obtenu par Reuters, l'ambassade a écrit à l'éditeur de Random House, Alfred A. Knopf, «Les services culturels de l'ambassade de France ont décidé d'annuler leur participation à la réception organisée pour Bad Faith de Carmen Callil.

«Bien que l'ambassade de France attendait avec intérêt la présentation d'un travail explorant les heures les plus sombres de l'histoire française, elle ne pouvait pas approuver l'opinion personnelle de l'auteur, telle qu'exprimée dans la postface du livre.»

Une source au bureau de l'ambassade de France à New York a précisé que l'ambassade s'opposait à l'opinion de l'auteur «mettant au même niveau ce qui avait été fait aux juifs de France (sous le régime nazi) et ce qui a été fait au peuple palestinien».

Dans la postface du livre, Callil écrit: «Ce qui m'a angoissé pendant que je traquais Louis Darquier était de vivre de manière si proche avec la terreur et l'abandon des juifs de France, et de voir que les juifs d'Israël étaient en train de le faire subir au peuple palestinien.»

«Comme le reste de l'humanité, les juifs d'Israël “oublient” les Palestiniens. Tout le monde oublie, toute nation oublie.»

Dans un email obtenu par Reuters, envoyé par l'ambassade de France à la maison d'édition Random House, un officiel de l'ambassade disait du livre de Callil, le 22 août: «C'est un chef-d'œuvre».

«L'attaché culturel français l'a lu et en a fait des compliments incroyables», a expliqué Callil, qui est née en Autralie et s'est installée à Londres où elle a fondé la maison d'édition féministe Virago Press, et dirigé Chatto i Windus.

Mais Callil a expliqué que la réception de mardi a été annulée après «une série de lettres de plaintes de plusieurs fondamentalistes juifs. Ils considèrent que personne ne peut dire quoi que ce soit à propos des juifs que ne soit pas, à 100%, un compliment.» Elle n'a pas fourni les noms des auteurs des lettres.

Callil a défendu la postface de son livre.

«Je pense que les gens de Gaza vivent dans la pauvreté, serrées dans un minuscule territoire... parce que des gens n'aiment pas leur gouvernement», a-t-elle déclaré. «Mais si vous persécutez les gens, ils vont se soulever contre vous.»

Lorsqu'on lui a demandé si elle pendait que le gouvernement israélien actuel opprimait les Palestiniens, elle a répondu: «Oui».

«Je veux que les gens tirent les leçons du passé, afin que les mêmes terribles événements n'arrivent pas à nouveau. Si vous opprimés les gens, ils vont vous haïr, et je ne ne veux pas qu'on haïsse Israël», a-t-elle expliqué.

Paul Bogaards, le porte-parole de Random House, a qualifié le livre de Callil d'«important travail historique», ajoutant «nous soutenons ce livre dans son intégralité.» Un porte-parole de l'ambassade de France a confirmé par email l'annulation de la réception mais à refusé de donner d'autres commentaires.
En avril 2006, Pierre Assouline présente l'histoire du livre de Carmen Callil avec beaucoup d'émotion dans le Nouvel Obs. À l'instant, je cherche à nouveau l'expression «Callil» dans les archives du Monde, de Libération, du Figaro et de Google News France: «aucun résultat pour cette recherche».

5 commentaires:

Rémy a dit…

Par contre on peut critiquer la turquie.

Moi je propose un marché.
On les laisse nier le génocide arménien mais qu'ils reconnaissent au moins le rôle positif de la colonisation...

Anonyme a dit…

On a l'habitude du deux poids deux mesures avec les "intelelctuels français", les memes qui lynchaient dieudonné pour un sketch representant un colon Israelien, aujourd'hui defendent bec et ongle l'auteur d'un texte bcp plus violent au nom de la liberté d'expression...
Les memes qui s'indignent à juste titre des agressions anti-semites se moquent des agressions islmaophobes, les memes qui s'indignent de la mort de civils innocents Israeliens ferment les yeux sur le massacre des palestiniens, des libanais...

kingstoune a dit…

ça me rappelle l'épisode d'Edgar Morien antisémite .. :)

Pour avoir dit àpeu pr_ès la même chose.

Ayoub

Anonyme a dit…

Je vient de comprendre que ce n'est pas à la question « Peut-on encore critiquer l’islam ? » que la plupart répondent ! En effet, c'est une question qui n'interesse que les théologiens (ceux qui étudient les religions). Et pourquoi pas dire : peut-on encore critiquer le judaïsme, ou peut-on encore critiquer le christianisme… Non, la plupart du temps c'est pour critiquer des hommes et des femmes.

Sophia a dit…

Nidal,

J'ai écrit un article là-dessus sur mon blog.
Ce qui est intéressant c,est l'échange que j'ai eu dans la section commentaires avec un ardent défenseur de la liberté d'expression.
FurGaia m'a aidé à trouver l'illustration qu'il fallait.