Robert Fisk saute sur Bikfaya
Le 6 août, Robert Fisk livre l’une de ses chroniques libanaises les plus honteuses. Si, depuis la mort de Rafic Hariri, on a l’habitude qu’il reproduise, comme des paroles d’Évangile, les élucubrations de Walid Joumblat et professe son admiration pour la famille Hariri [1], il a écrit au sujet de l’élection du Metn son analyse la plus parfaitement phalangiste. «Orienté» est en effet insuffisant pour décrire un tel article; l’analyse, les préoccupations et les rappels historiques sont ici uniquement ceux des militants phalangistes. La compromission d’un tel éditorial est d’autant plus remarquable que Robert Fisk est, notoirement, très éloigné de la pensée phalangiste.
Les élections démocratiques, nouvelle arme contre les chrétiens?
La phrase d’introduction fixe les strictes limites de l’analyse: «When, oh when, will the Lebanese Christians stop destroying each other?» («Quand, mais quand, les Chrétiens du Liban cesseront-ils de se détruire mutuellement?»).
D’abord, on pourra s’étonner qu’un observateur occidental qualifie une élection démocratique au Liban de «destruction» entre chrétiens. Quand les Européens et les Américains votent, personne n’y voit une autodestruction de l’«Occident chrétien»… Dans le Metn, c’est en revanche un des thèmes de campagne d’Amine Gemayel: lui opposer démocratiquement un candidat reviendrait à accentuer les divisions entre chrétiens.
Cette logique de prétendre élire Gemayel pour éviter la «division» dans le Metn est pourtant immédiatement retournable: actuellement, tous les députés du Metn sont aounistes, seul Pierre Gemayel s’était vu laisser une place lors des élections de 2005. S’il faut éviter la division, ne serait-il pas plus logique de compléter le cheptel de députés aounistes pour que le Metn «parle d’une seule voix». L’argument est évidemment absurde.
Surtout, quiconque a des amis dans le Metn, disons pro-phalange, pro-PSNS ou pro-Aoun, sait qu’une telle considération (la «destruction» inter-chrétienne) relève d’une réduction de l’analyse politique à une simple préoccupation confessionnelle et, dans le Metn, cette réduction est typiquement phalangiste.
Prenons un aoumié du PSNS. Sa culture politique est fondamentalement laïque reposant sur un corpus théorique riche. Les choix politiques, les alliances, que ce soit avant la guerre milicienne, pendant la guerre et depuis la fin de la guerre, y compris les coups d’État et le recours à la violence armée, sont objectivés par des principes politiques qui excluent systématiquement la logique confessionnelle.
Un militant communiste libanais adopte une logique aconfessionnelle similaire, même si l’idéologie politique, elle aussi fondée sur un corpus théorique riche, est différente.
Un aouniste adopte lui aussi une logique politique aconfessionnelle. La laïcité est certainement moins fondamentale dans ce cas (ne serait-ce que parce que, dans les faits, la base électorale du Tayyar est moins diversifiée que les deux précédents partis), mais la logique reste celle d’une analyse politique, nationaliste, qui dépasse le confessionnalisme.
En revanche, la logique phalangiste est nettement confessionnelle chrétienne. (Il y a aussi une large part de nationalisme dans le discours phalangiste, on ne peut évidemment pas totalement réduire l’idéologie du parti, ni les préoccupations de ses électeurs, à un simple confessionnalisme obtus.)
Pendant la guerre milicienne, le Metn, région à très large majorité chrétienne, a subi des combats terribles. Sur toute la durée de la guerre, les phalanges (et leur milice des Forces libanaises) et le PSNS se sont affrontés. Le fief historique des Phalanges, Bikfaya, et un village historique du PSNS, Dhour-Choueir, ne sont séparés que d’une poignée de kilomètres. Pour un militant du PSNS, ces combats relèvent d’une logique politique d’où la logique confessionnelle est absente (il ne se bat pas «en tant que chrétien»). Pour un militant phalangiste, c’est proprement incompréhensible: il peut difficilement comprendre comment des chrétiens ont pu combattre d’autres chrétiens. Sauf erreur, les principaux combats opposant le PSNS et les Forces libanaises se sont essentiellement déroulés dans le nord du pays (près de Bcharré, fief de Samir Geagea), plus que dans le Metn. À la fin de la guerre, la suicidaire guerre de reconquête lancée par Aoun oppose à nouveau des chrétiens à d’autres chrétiens. Les bombardements sont terribles, il s’agit d’une des périodes les plus sanglantes de la guerre. Encore une fois, pour un phalangiste, un tel affrontement inter-chrétien, alors que la logique du parti est très largement la défense confessionnelle, est quasiment incompréhensible. Dit autrement: les Phalanges ont affronté à peu près tout le monde au Liban, cependant les combats inter-chrétiens restent le souvenir le plus «pénible» qui est régulièrement rappelé.
Cela dit, il ne faut évidemment pas minorer la spécificité des affrontements inter-chrétiens. La réalité fut affreuse: quand vos proches sont tués par des gens de votre village, que vous connaissez depuis l’enfance, évidemment les conséquences sont particulièrement douloureuses et dévastratrices. Mais les luttes intra-confessionnelles n'ont pas touché que les chrétiens, les violences «entre» confessions différentes ont parfois eu aussi pour caractéristique que les gens ont été tués par des gens qu'ils fréquentaient depuis longtemps, et enfin la violence milicienne s'est très souvent retournée contre les membres de la communauté que la milice prétendait «défendre».
En revanche, la multitude de commentaires dans la presse occidentale qui se préoccupent des «divisions» de la «communauté chrétienne» au Liban adoptent, assez curieusement, le point de vue le plus confessionnel, c’est-à-dire, ici, phalangiste. Pour, au minimum, la moitié des acteurs politiques et la très vaste majorité des électeurs, la préoccupation confessionnelle n’a pourtant qu’un intérêt marginal, et ce sont les questions politiques, voire géopolitiques, qui sont les principaux enjeux. Encore une fois, les aoumiés du PSNS, les militants communistes, etc., et les militants aounistes qui ont soutenu le candidat de l’opposition le font autour d’un discours nettement laïc, et ont des motivations politiques qui dépassent le Metn et cette histoire de «divisions entre les chrétiens». Et je doute même que l’ensemble de ceux qui ont voté pour Gemayel, représentant du 14 Mars, aient effectué uniquement ou principalement un calcul confessionnel chrétien au moment de voter.
Quand un Libanais, aujourd’hui, vous explique sa préoccupation des «divisions entre les chrétiens», vous avez déjà un petite idée de ces options politiques. Mais Robert Fisk en fait une généralité des metniotes.
Nous ou les assassins de Pierre
À la fin du premier paragraphe, Fisk se livre à l’une de ses tournures préférées: l’allusion vaguement diffamatoire que les Occidentaux vont comprendre d’une certaine façon, et que les Libanais vont prendre d’une autre, et tout le monde va finalement penser que «Fisk l’a dit»: «…Pierre, murdered - by Syrians? By rival Christians? You name it - last year.» («…Pierre [Gemayel], assassiné – par des Syriens? Par des rivaux chrétiens? Faites votre choix – l’année dernière.»).
Pour certains Libanais, le terme «des rivaux chrétiens» renvoie à une des théories qui circulent autour de la mort de Pierre Gemayel, et la cible de cette rumeur est Samir Geagea. Une autre rumeur, pour les lecteurs de L'Orient-Le Jour, vise les aoumiés du PSNS (découverte d'une cache d'armes). Pour un Occidental qui n’a jamais entendu parler de ces rumeurs, évidemment, «des rivaux chrétiens» est bien énigmatique, et très certainement, il imaginera plutôt que Fisk évoque ici les rivaux politiques «officiels» des Gemayel, au risque de comprendre que «certains pensent» au Liban que le député phalangiste a été assassiné par les aounistes. De manière subtile, «il l’a dit» pour les Libanais, et les Occidentaux auront compris exactement le contraire.
Pourquoi ne nommer que les «usual suspects» syriens et de bien mystérieux «rivaux chrétiens»? Si l’on veut faire mine de relayer les différentes théories libanaises, il faudrait au minimum écrire: «Pierre, assassiné – par des Syriens? par Samir Geaga? par des jihadistes sunnites proches des saoudiens? par le PSNS? par les services israéliens? par des mercenaires américains? par absolument n’importe qui manipulé par absolument n’importe quel service secret? – faites votre choix…»
Nous ou les assassins de Bachir
Plus loin, Fisk rappelle que le candidat aouniste à l’élection du Metn est soutenu par Ali Qanso du PSNS. En ne rappelant que cette alliance, il reprend le cri d’horreur phalangiste des dernières élections: «les Aounistes sont alliés aux assassins de Bachir!» (cette histoire d’«assassins de Bachir», c’est une invocation fréquente sur l'internet proche des Forces libanaises). Mais si l’on va par là, pour prétendre expliquer les motivations des électeurs du Metn, il faudrait aussi rappeler les alliances passées et actuelles des Phalanges (dont la plus notoire fut, tout de même, la nomination des frères Gemayel à la Présidence du Liban à l’ombre des baïonnettes israéliennes et la collaboration des Forces libanaises avec l’occupant israélien ou, aujourd'hui l'alliance avec le «tueur de chrétiens» Walid Joumblat ou avec un gouvernement mou du genou dans sa «résistance» à Israël et sa politique de dédommagement des différents déplacés).
Martyrs à sens unique
La même logique s’applique au rappel des «martyrs». Chaque groupe militant au Liban a, c’est légitime, ses propres martyrs. Les martyrs des adversaires sont plus ou moins occultés. Ce constat n’est pas un jugement de valeur de ma part; je ne vois là rien de choquant à la sortie d'une guerre aussi sanglante.
Cependant, pour un commentateur extérieur, il me semble difficilement justifiable d’évoquer les martyrs des uns sans évoquer les martyrs des autres. Fisk rappelle la mort du fils du candidat Amine Gemayel, Pierre. Dans l’article suivant, il rappelle que son frère Bachir a été assassiné pendant la guerre. (Et encore Fisk est-il très incomplet dans son rappel, puisque «Cheikh Amine a rappelé comment ses neveux Amine Assouad et Manuel Gemayel, ainsi que sa nièce Maya, son frère Béchir et aujourd’hui son fils Pierre sont morts pour une cause, l’indépendance du Liban.») Amine Gemayel est donc un homme courageux dont la famille a été massacrée.
D’accord. Mais alors, si la martyrologie était la motivation politique dans les élections de ce week-end dans le Metn, pourquoi occulter celle des autres militants? L’opposition a elle aussi son lot de martyrs, y compris dans les familles des leaders politiques. Certaines familles politiques chrétiennes influentes ont notoirement été massacrées par les Forces libanaises lors de l’«unification du fusil chrétien». Pourquoi diable les médias occidentaux rappellent-ils systématiquement, lorsqu’ils évoquent Amine Gemayel ou Saad Hariri, les «martyrs» de leur famille, alors que, pour eux, Sleimane Frangié et Omar Karamé ne sont jamais présentés que comme «pro-syriens»?
Même en s’alignant sur une stricte martyrologie «phalangiste», on peut se souvenir qu’il y a au Metn beaucoup de chrétiens qui ont dû fuir les massacres perpétrés contre les chrétiens du Chouf (par un Walid Joumblatt qui est désormais l’allié fort médiatisé de Gemayel et du gouvernement). Bref, ne rappeler dans le Metn que la mort des membres de la famille Gemayel n’a aucune pertinence: pour un observateur étranger elle est scandaleuse; pour un habitant du Metn, elle n’a pas grand intérêt, puisque chacun a sa galerie personnelle d’êtres chers disparus, bombardés, massacrés et qu’au final tous ces martyrs pris dans leur ensemble peuvent justifier absolument n’importe quel choix politique.
Nous ou les assassins des Arméniens
Fisk a aussi un message pour les électeurs d’origine arménienne: «What, on earth, has Aoun ever done to acknowledge the 1915 genocide of one and a half million Armenians by the Ottoman Turks?» («Mais qu’a donc fait Aoun pour reconnaître le génocide de 1915 d’un million et demi d’Arméniens par les Turques ottomans?») Une telle question, de la part d’un journaliste occidental qui prétend témoigner d’élections dans le Metn libanais, ne vous sidère pas? Je n’avais pas compris que la reconnaissance du génocide des Arméniens en 1915 était le grand sujet qui divisait les Libanais en ce moment, et que l’alliance de toute l’opposition autour du Hezbollah s’était cristallisée autour de cette question. Je ne sais pas trop ce qu’a dit Aoun sur le Darfour, mais à mon avis, si j’étais un électeur du Metn, je creuserais le sujet.
Fisk sait parfaitement qu’il se moque du monde, avec une référence qui parlera très différemment aux Occidentaux et aux Libanais. Les Occidentaux ne pourront qu’y lire une vague imputation de négationnisme à l’encontre d’Aoun. Les Libanais, eux, savent qu’en 1916 leur pays a été ravagé par une terrible famine et qu’évoquer le massacre des uns sans parler de la famine des autres est, au Liban, relativement scandaleuse puisque les deux processus y sont liés. Le Turc Enver Pacha expliquait en 1916, alors qu’il était à Aley: «Le gouvernement ne pourra regagner sa liberté et son honneur que lorsque l’Empire turc aura été nettoyé des Arméniens et des Libanais. Nous avons détruit les premiers par le glaive, nous détruirons les seconds par la faim.»
(Note: Gibran a écrit un texte sublime sur cette famine, que j’avais reproduit ici pendant la guerre.)
Toutes ces élucubrations partisanes sont ainsi dénoncées dans un texte aouniste publié le 24 juillet dernier:
Les ténors de la coalition au pouvoir ont recommencé à répéter bêtement les mêmes refrains des élections de 2005, mettant les électeurs devant un fait accompli avec des slogans hallucinants comme « Zay ma hyyé » ou « Nous ou les assassins ». Dans cette logique, le vote pour le candidat du pouvoir serait un acte vers la souveraineté, la liberté et l’indépendance du Liban. Le vote pour le candidat de l’opposition serait par contre un vote pour le terrorisme, pour le crime, pour l’axe syro iranien et pour les assassins des martyrs de la révolution des cèdres. Très belle logique et passionnante comparaison !«Les habitants de ces montagnes»
La réduction stéréotypée du Metn se retrouve encore dans la phrase suivante: «The people of these hills - where his son is in the family crypt in Bikfaya - knew the ex-general was "dragging them to a battle they did not want'' and the electoral battle was "dancing over the blood of martyrs''.» («Les gens de ces montagnes – où son fils est enterré dans la crypte de la famille à Bikfaya – savaient que l’ex-général «les entraînait dans une bataille qu’ils ne pouvaient pas gagner» et que la bataille électorale «dansait sur le sang des martyrs.»)
Or, même à Bikfaya, le fief historique des Phalanges, tout le monde n’est pas Kataëb (phalangiste), et «les gens de ces montagnes» le sont encore moins. Aux précédentes élections, les Kataëb avaient été purement et simplement balayées par l’alliance Murr-Aoun, et Pierre Gemayel n’avait pu être élu que parce qu’Aoun et Murr n’avaient pas présenté de candidat face à lui. Le village qui surplombe Bikfaya, Dhour (c’est-à-dire également des «gens de ces montages») est le fief historique du PSNS. Et, surtout, dans tous les villages du Metn, on trouvera des gens aux convictions politiques de tous bords. Le fait que 95% des habitants du Metn soient chrétiens n'autorise pas à en conclure qu'ils ont tous les mêmes opinions politiques.
Écrire une phrase telle que «les gens de ces montagnes savaient que…» ne correspond donc à aucune réalité, mais simplement à une invocation partisane. L’utilisation du verbe «savaient», qui renvoie à une réalité avérée, relève de la même logique. On ne «sait» pas une opinion politique. Comme partout dans le monde, dans le Metn, certains «pensent» ou «croient» que… et tous les autres pensent ou croient autre chose. Et chacun est capable de justifier et d'objectiver ses orientations politiques.
D’ailleurs, en utilisant le terme «savaient», Fisk oublie une spécificité libanaise: il n’y a pas de réalité avérée. En Occident et dans les médias occidentaux, il y a, au minimum, un large consensus social sur la réalité des faits: les analyses et les commentaires peuvent diverger, mais le socle factuel dont débattent ces analyses est, peu ou prou, le même pour tous. Les faits historiques et l’actualité, au Liban, font l’objet eux-mêmes de débats; non seulement les analyses et les commentaires peuvent être radicalement opposés, mais l’exposé des faits eux-mêmes ne fait généralement l’objet d’aucun consensus social (pour exemple: prenez un attentat politique relativement ancien, et cherchez sur l’internet à savoir «qui a tué Untel»; vous trouverez des dizaines d’explications totalement contradictoires qui, toutes, adoptent la tournure: «tout le monde sait que ce sont les XXX qui l’ont tué», les «XXX» n’étant jamais le même groupe selon la personne qui expose cette «réalité»; si par ailleurs vous cherchez à savoir «pourquoi il a été tué», vous serez confronté à une réalité de plus en plus mouvante).
Enfin, si les guerres lancées par Aoun furent suicidaires, pourquoi ne pas rappeler que celles lancées par les Phalanges furent non moins suicidaires?
La preuve que la plupart des gens «pensent» ou «croient» autre chose que ce qu’a écrit Robert Fisk, c’est bien qu’Amine Gemayel a perdu l’élection. Ce qui nous vaut un second article de Robert Fisk, au lendemain des élections, où il exprime son incompréhension totale du résultat: «One begins to wonder, in Lebanon, whether the election results are more surprising than the means by which MPs are liquidated.» («On commence à se demander si, au Liban, les résultats des élections ne sont pas plus surprenants que les moyens avec lesquels un député est assassiné.»). Ne pas voter pour Amine Gemayel, voter pour l’opposition, serait donc pour Robert Fisk un acte irrationnel proprement incompréhensible.
Rappelons enfin quelques éléments
– Amine «Brushing» Gemayel n’a tout de même jamais pu se prévaloir ni d’une grande légitimité, ni d’une grande popularité, ni d’une reconnaissance politique forte: ses rapports avec le parti Kataëb furent souvent houleux (même s’il en est aujourd’hui le chef à vie), et ses rapports avec l’allié chrétien du gouvernement Samir Geagea sont loin d’être cordiaux. La période où il fut Président de la République fut l'une des plus violentes de la guerre; on trouvera difficilement un Président plus contesté du temps de son règne.
– Au rayon «division des chrétiens», les aounistes ont eu beau jeu de rappeler que, à la mort de Pierre, Amine Gemayel avait spectaculairement refusé de recevoir Michel Aoun, geste très fort dans un pays où la tradition des condoléances est toujours forte (la famille du défunt reçoit pendant plus jours les visiteurs venus présenter leurs condoléances).
– Le discours laïcisant d'Aoun atteint souvent ses limites. Par exemple, le rôle politique du patriache maronite est encore largement accepté par le Tayyar (les maronites dépendant de Rome, le patriache est donc une sorte de sous-pape). Le Tayyar aurait tendance à refuser le rôle politique du patriache lorsque celui fait une déclaration qui lui est hostile, et à mettre en avant toute déclaration qui lui serait favorable.
Par ailleurs, il me semble qu'il y a, chez les militants aounistes, une perception très paradoxale de la laïcité comme ressortant essentiellement d'une volonté des chrétiens: la laïcité perçue comme défendue principalement par les chrétiens au Liban. Ce qui introduit une contradiction assez difficile à gérer à long terme. Les militants communistes et PSNS n'ont pas, au contraire, ce genre de considérations.
– Je l’ai écrit ci-dessus: aux précédentes élections, les phalanges avaient été balayées par l’alliance autour du Tayyar d’Aoun. Aoun n’était pas, alors, allié du Hezbollah, beaucoup ont donc prétendu que l’alliance avec le Hezbollah qui avait suivi avait totalement détruit la popularité du «gé-né-ral» parmi les chrétiens [2]. Cette prophétie faisait l’impasse sur le fait que, déjà, dans une logique phalangiste, ses alliances pour l’élection suffisaient pourtant à le qualifier de «traître», sans attendre son alliance avec le Hezbollah (alliance avec un Murr «pro-syrien» et avec le PSNS «pro-syrien» et, surtout, «assassin de Bachir»), ce qui ne l’avait pas empêché de remporter tous les sièges à l’exception de celui où il n’avait pas présenté de candidat. Certes, Aoun recule dans le Metn (il remporte l’élection de 400 voix), mais son discours laïcisant et ses nouvelles alliances lui apportent une légitimité qui dépasse le Metn, où il a tout de même remporté l’élection.
Dans son article, Fisk regrette que cette élection permette de rendre «à nouveau» légitime le terme «pro-Syrien». Or, lors de l’élection précédente, ses alliances avec des «pro-Syriens» soit-disant délégitimés ne l’avaient pas empêcher de remporter tous les sièges et de totalement balayer les Phalanges qui, selon Fisk, représentent «les gens de ces montagnes». Et plus généralement, la diabolisation des «pro-Syriens» par Fisk n’a tout de même qu’un intérêt limité au Liban, où c’est avec un certain cynisme que l’on se souvient de qui a toujours été super-pro-syrien avant de devenir, récemment, super-anti-syrien.
– Dispose-t-on de sondages analysant la répartition sociologique du vote? Par exemple par tranche d'âge, revenus, niveau d'étude? Les militants des différents partis évoquent souvent ce genre de considérations, mais j'ignore jusqu'à quel point elles ont été vérifiées autrement que par les stéréotypes que chacun attribue aux partis adverses.
– Au rayon des mystères de l’Orient compliqué… pourquoi Amine Gemayel avait-il quitté le Liban? Et était-il parti, comme je l’ai entendu, avec ce qu'il restait des caisses de l’État? Ce genre de considération est-il plus, ou moins, important pour les électeurs libanais que le supposé silence de Michel Aoun sur les massacres des Arméniens en 1915?
– Un épisode qui n’a pas intéressé la presse occidentale: en juin de cette année (c’est-à-dire quelques semaines avant l’élection du Metn), le gouvernement Saniora a tenté d’imposer que le Vendredi Saint ne soit plus un jour férié. Le scandale a été énorme, évidemment, dans la communauté chrétienne. Les chrétiens religieux ont été choqués. Et même les chrétiens de l’opposition ont dénoncé la manœuvre, y voyant une tentative de provoquer un petit «choc des religions» à l’intérieur du Liban.
Les Phalanges et les Forces libanaises, les partis qui incarnent les intérêts confessionnalistes des chrétiens, sont dans le gouvernement Saniora. Et, de fait, c’est le mouvement aouniste, au discours officiel nettement laïc, qui monte au créneau, et dénonce la décision du Premier ministre.
Dans une élection qui s’est joué à 400 voix, je me demande ce qu’a pu peser cet épisode. Surtout si, comme Robert Fisk, on met des considérations confessionnelles au cœur du scrutin.
[1] Exemple parmi tant d'autres. Dans un entretien à El Watan du 24 juin, il explique: «C’était [Rafic Hariri] un grand homme pour le Liban. Peut-être trop pour un si petit pays. Avec son argent, il l’a reconstruit. Certes, il avait aussi des défauts, mais Hariri a su fédérer toutes les communautés. Son absence se fait cruellement sentir.» J'ai déjà entendu beaucoup de bien de Rafic Hariri, et énormément de mal, mais jamais qu'il avait reconstruit le Liban «avec son argent» et qu'il avait fédéré «toutes» les communautés!
[2] Une anecdote que je trouve assez amusante: pendant la période «Aoun» de la guerre, un de ses partisans en voiture klaxonnait un certain rythme, et un autre aouniste répondait de trois coups de klaxon signifiant: «Gé-né-ral!». Ce qui donne: «Tût-tu-tu-tût... Tût! Tût! Tût!».
17 commentaires:
la traduction française de l'article de Robert Fisk:
http://questionscritiques.free.fr/edito/Independent/Robert_Fisk/Liban_Aoun_Gemayel_060807.htm
Vous attribuez beaucoup trop d'arrières pensées malsaines à Fisk.
C'est un reporter de guerre courageux. Il a vécu beaucoup de drames et il lui arrive de boire un peu trop, de se répéter, de rabâcher les vieux clichés et de bâcler certains articles.
Ca ne fait pas de lui un "esprit confessionnel" et il demeure un journaliste très respectable, et souvent héroïque. Le courage dont il a fait preuve à maintes reprises est admirable.
Il y a suffisamment de crapules au Liban pour qu'on ne perde pas son temps à faire des procès d'intention à Robert Fisk, sur la base de quelques bouts de phrases mal interprétées.
Cordialement
@lou: Merci, je n'avais pas vu passer cette traduction. Traduction particulièrement mauvaise, m'enfin c'est toujours mieux que rien (premier paragraphe: MP = member of the Parlement, c'est-à-dire député; Pierre Gemayel n'a jamais été PM = Premier ministre...)
@alia: Je l'écris en introduction: Fisk est, je le pense aussi, très éloigné de l'esprit phalangiste. Cependant, «articles bâclés» de la part d'un reporter alcoolique ne me semble pas une excuse ni suffisante, ni valable pour cette fois: il y a tout de même deux articles successifs sur le même sujet, les deux sont aussi exécrables l'un que l'autre. (Quoi, une biture qui a duré 48 heures, alors? Dans un état pareil, moi, je ne parviens même pas à trouver les touches de mon clavier.)
Comment diable Robert Fisk peut-il prétendre que le résultat d'une élection dans un Metn qu'il connait certainement mieux que moi sont totalement inexplicables? Je n'ai pu faire qu'un court saut au Liban en mars dernier, lui y vit à l'année; et, sans être grand reporter, j'ai quand pu «entendre des choses»... Si même moi je peux trouver des arguments objectifs à la défaite d'Amine Gemayel ainsi que des arguments objectifs – différents et complémentaires – à la victoire de l'opposition, je ne vois pas comment lui, excellent connaisseur du Liban où il vit depuis des années, peut prétendre ne pas en trouver?
Je n'espère pas qu'il adore tout d'un coup Aoun (que, personnellement, je n'admire pas des masses non plus, le passif du gars est tout de même assez effrayant), mais à tout le moins, qu'il ne reproduise pas mot pour mot la propagande gouvernementale. Ça faisait des semaines qu'on savait que l'élection serait serrée et que rien ne permettait d'affirmer que Gemayel allait gagner à coup sûr; comment Fisk peut-il prétendre ne pas avoir été au courant?
Sur les phrases «mal interprétées», je vous en prie: détrompez-moi.
"Plus loin, Fisk rappelle que le candidat aouniste à l’élection du Metn est soutenu par Ali Qanso du PSNS" juste une clarification: Aoun et son parti ont dedaigne le soutien de Kanso et ont mis a jour le jeu des salauds syriens qui une semaine auparavant, avaient publie une fausse nouvelle au sujet de Aoun sur Champress.com. Aoun a clame que le soutien de Kanso etait une facon de lui faire perdre des voix ni plus ni moins. Dommage que pour une fois qu'un homme pur existe dans ce pays de cons, il soit combattu de toutes parts, de la part du patriarche entre autres!
@Anonyme,
J'aimerais bien que vous me trouviez une citation d'Aoun à ce sujet, parce que j'ai un peu l'impression que vous me livrez une «réalité» qui vous arrange.
Le site du RPL reproduit un article de L'Orient-Le Jour (31 juillet 2007):
Michel Aoun a également rappelé, que «le PSNS possède une assise électorale au Metn, avant même ma naissance et mon entrée en politique. Ils ont été les alliés du président Camille Chamoun, puis de Raymond Eddé, et parfois d'Albert Moukheiber. Il y a une seule constante: ils n'ont jamais été avec les Kataëb. Pourquoi dérogeraient-ils cette fois à la règle? Aux élections précédentes de 2000, Nassib Lahoud a été élu par leurs voix... Il s'agit donc d'une situation naturelle au Metn.»
ou encore une interview d'Aoun en décembre 2006 très explicite:
Il n’y a pas d’entente avec le P.S.N.S. et avec Frangié, il existe un accord.
Par ailleurs, on trouve de nombreuses photographies de militants célébrant les résultats, drapeaux oranges et drapeaux côte à côté. Dans les grandes manifestations dans le centre de Beyrouth, on voyait aussi les deux drapeaux côte à côte (et d'autres, évidemment).
@Anonyme (suite).
Je pense que je viens de trouver le passage auquel vous faites allusion:
La Syrie joue contre moi. Des mouvements pro-syriens ont appelé dimanche à voter pour notre candidat, et ça lui a coûté des voix, par répulsion.
Bien joué: on peut lire exactement ce qu'on veut. L'électeur aouniste, s'il est gêné par une alliance précise, peut toujours se dire que cette déclaration dénonce cette alliance. Comme tous les alliés du CPL sont classés «pro-syriens», ça laisse un vaste choix...
Je n'avais pas vu votre reponse puisque je ne surfe pas souvent.
Toutefois, je me vois dans l'obligation de vous repondre. Je n'invente point quand je vous dis que Aoun a declare que la Syrie ou kanso lui jouait un tour en le soutenant et il a carrement ajoute que ce dernier rendait service a son ami Gemayel! Il est vrai aussi que le magazine virtuel (puissent toutes ces saletes rester virtuelles!) que j'ai cite, avait une semaine auparavant invente une rencontre en Allemagne entre Aoun et un grad officier syrien. Ce que Aoun a dementi (Les Syriens ont toujours fait ca et avant l'assassinat de Moawad par exemple, ils avaient a deux fois mis des propos dans la bouche de sa femme vite dementies par elle). Et d'ailleurs que Aoun dise ce que vous citez sur le PSNS ne le compromet point. C'est un fait que ces salauds d'un cote comme de l'autre se sont toujours fait face a Metn. ET ce n'est pas une realite qui m'arrange ce que j'ai avance. Ce qu'une partie des medias libanais et tous les medias europeens appellent des pro-syriens sont les seuls a ne pas chercher a vendre le pays en essayant de trouver un equilibre. L'ami de mes amis est mon ami me diriez-vous et le hezbollah est directement soutenu par la Syrie soit. Mais c'est une resistance qui a eu besoin d'un soutien exterieur et sur qui d'ailleurs compter et a qui faire confiance? Au valet Sanioura? Ce meme Hezbollah, apres son Tafahom avec le CPL a commence pour la premiere fois a brandir le drapeau libanais. Aoun a aide Hezbollah a rentrer au bercail. Et toutes les lectures que j'ai faites au sujet de Aoun m'ont convaincu d'une chose au moins: cet homme est sincere. Maladroit parfois mais amoureux du Liban. Je ne reve point de lui president parce que je le respecte trop pour l'imaginer parmi ces bandes de voleurs mais je lui suis infiniment reconnaissante pour la jolie attitude qu'il a su creer au sein de communautes chretiennes historiquement anti-musulmanes et qui ont ouvert leurs foyers aux Chiites en tant de guerre sous son influence. Cet homme est anti-confessionnalisme quoique chretien et ces deux qualites! sont necessaires face a la maree montante de fanatismes de tous bords.
layla
Xénophobie au Liban
Au soir de la journée électorale du dimanche 5 août 2007, les téléspectateurs n’en croyaient pas leurs oreilles lorsque le différent séparant deux partis politiques adverses se trouvait soudain muté en étalage de xénophobie et de propos racistes à l’égard des libanais de confession arménienne.
Certains allèrent même jusqu’à leur demander de ne plus se mêler des élections du Metn.
D’autres, pensant arranger le mal, précisaient que les arméniens se trouvaient au Liban depuis bientôt une centaine d’années et qu’ils avaient fini par devenir de bon libanais.
L’atmosphère tendue était devenue si insoutenable que les uns et les autres se retrouvaient dans l’incapacité de remédier à ce qui venait d’être dit.
Le respect qui leur semblait alors utile de déclarer pour les arméniens apparaissait du coup comme entaché par une certaine forme de discrimination. La phrase « je respecte les arméniens » ne fit que révéler la distinction profonde entre le « Je » et « l’Autre » auquel il fallait déclarer son amitié.
Les arméniens n’ont nullement besoin ni envie de nous voir leur faire part de notre haine ni même de notre amour.
Ils ne cherchent pas à être détestés ni appréciés lorsque ce type de sentiment s’adresse à eux en tant qu’arméniens.
Car bien avant d’être cela, ils sont de simples électeurs comme tous les autres. Et monsieur Pakradounian l’a si bien souligné lorsqu’il précisa que sa famille avait été ottomane comme toutes les familles maronites et roums du Liban, et qu’elles devinrent libanaises toutes en même temps, par l’application du même décret.
D’autre part, pour ceux qui pensaient faire des compliments aux arméniens en leur octroyant une bonne centaine d’années de présence dans ce pays, ils étaient encore loin du compte.
Tant de choses ont été dites durant cette triste soirée du dimanche. Certains ont exprimé leur xénophobie tandis que d’autres, de bonne foi, s’engloutissaient encore plus dans l’erreur. Ce soir là, l’ignorance fut mère de tous les maux.
Une longue histoire
Les arméniens du Liban ont une longue histoire qui s’étale bien plus loin que la première guerre mondiale et son affreux Génocide. Leur première présence remonte au roi arménien Tigrane II le Grand qui soumit le pays de Phénicie en l’an 95 avant Jésus Christ, c'est-à-dire plus de sept siècles avant l’arrivée des arabes. A nouveau, au XIV° siècle avec la chute du royaume de Cilicie, des arméniens trouvèrent refuge dans les montagnes du Liban notamment autour de la seigneurie de Buissera, l’actuelle Gebbet Bsharré.
Enfin, lorsque le Liban eut droit à son autonomie sous le régime de la Moutassarrifia, le premier et le dernier des gouverneurs du Liban furent des arméniens. Garapet Artine Daoud Pacha (1861-1868) et Ovhannes Kouyoumdjian Pacha (1912-1915) gouvernèrent le Liban bien avant les présidents roums orthodoxes du mandat et ceux syriaques maronites de l’indépendance.
Lorsque les rescapés de Cilicie arrivèrent au début du XX° siècle au lendemain du Génocide, le Liban n’était pas encore né. Ils participèrent alors à la création de la république. Leurs descendants furent les pionniers du marché international du Diamant faisant de Beyrouth sa capitale mondiale. Ils furent les champions de l’industrie, des arts et même de la folklorique dabké. Durant la guerre civile, ce sont eux qui permirent à l’industrie libanaise de se maintenir et de s’exporter.
Dans les années 80, tandis qu’un certain Georges Ibrahim Abdallah incendiait les Champs Elysées, tandis que nous étions acculés à avoir honte de notre identité libanaise, voici la Diaspora arménienne qui venait au secours de notre image. Prêtres, vardapets, et enseignants de la langue arménienne parcouraient tous les pays d’Occident en affirmant leur origine libanaise. Lorsque les médias ne montraient plus du Liban que le terrorisme et les prises d’otages, avait lieu à Paris l’exposition sur les Derniers Rois d’Arménie.
Elle concernait plus précisément la Cilicie dont la population, le Catholicossat, les églises et les écoles se trouvent aujourd’hui au Pays des cèdres. Les plus beaux manuscrits enluminés au Moyen Age par de grands maîtres tels que Thoros Roseline (miniaturiste du XIII° siècle) furent exposés avec la mention : Antélias, Liban. A cette époque, ce sont les membres de la Diaspora arménienne qui furent les véritables ambassadeurs du Liban. Ils l’exposèrent, l’élevèrent et le déclarèrent comme leur plus haute autorité spirituelle et culturelle.
Ils furent sans doute bien plus libanais que d’autres. Tandis que nous autres maronites, nous nous tournions vers Rome, les arméniens eux, se tournaient constamment vers le Liban, vers Antélias et Bzommar, leur Vatican à eux.
Pour quelle raison nous faut-il assister tous les sept ans à une remise en question des droits fondamentaux des libanais de confession arménienne ?
Lorsqu’en 1999, sa Sainteté le Catholicos Aram Ier publiait mon ouvrage « La Nouvelle Cilicie – Les Arméniens du Liban », venait de se soulever une grave polémique au sujet de Anjar. Cette magnifique ville arménienne de la Béqaa libanaise avec son quadrillage urbain, un des plus intéressants du pays, était brusquement remise en question jusque dans son existence même.
Des rumeurs laissaient alors entendre que les propriétaires arméniens n’avaient jamais réglé le prix de leurs terrains. Non seulement ces calomnies étaient infondées, mais de plus ce genre de polémiques ne semblait et ne semble toujours pas se poser en ce qui concerne d’autres communautés libanaises ou même étrangères sur notre sol.
Pour ceux qui tentaient d’arracher les racines des habitants de Anjar, nous avions répondu alors par la parution de notre livre.
Manouchag Boyadjian, chargée par le catholicos de superviser l’impression de l’ouvrage était fort zélée et avait pris le Liban pour époux. Il s’agit du seul pays au monde, disait-elle, ou je peux vivre pleinement mon arménité sans que cela n’altère ma libanité. Si je restais arménienne et arménophone en France ceci réduirait mon intégration dans la société française. Au Liban au contraire, plus je pratique ma langue arménienne, mes traditions et mes coutumes, plus je me sens libanaise et indissociable de la mosaïque chrétienne orientale du Liban. La langue arménienne est comme le syriaque pour les maronites ; elle est libanaise, elle est dans l’histoire du Liban et dans son âme.
L’ignorance a commis des ravages dimanche soir. Des libanais de langue arménienne furent blessés dans leur citoyenneté.
Une leçon est à tirer cependant de cette désastreuse expérience : il serait temps de mettre un terme aux distinctions officielles entre les différentes confessions de la communauté chrétienne.
Devant les bureaux de vote, un sunnite est un sunnite, un chiite est un chiite, pour quelle raison, un chrétien doit-il être syriaque maronite, syriaque orthodoxe, roum catholique ou arménien orthodoxe ?
Pour l’élection d’un candidat chrétien par des chrétiens, de quel droit nous permettons-nous de savoir quel groupe confessionnel lui a fourni le plus ou le moins de voix ?
Est-ce là un système qui permettrait de mieux les contrôler et de mieux dominer l’électorat ? Cette méthode vient-elle ainsi au secours de la politique clientéliste ?
Les arméniens et tous les libanais ont le droit de voter pour qui ils le désirent et comme ils le désirent, en bloc ou séparément, sans être injuriés. Ils ont droit à un minimum d’anonymat. Il n’est nullement nécessaire de savoir à qui ont été les 300 voix maronites ou roums d’un quartier arménien de 10 000 voix.
Les résultats détaillés selon les appartenances confessionnelles nuisent indistinctement aux deux partis en compétition. Les uns se voient ainsi retirer leur droit de représentativité sur une partie de l’électorat chrétien tandis que les autres se retrouvent lancés dans une croisade contre le groupe confessionnel lui ayant échappé.
Ce genre de polémique aurait été tout à fait superflu il y a à peine quelques jours.
Mais depuis le sursaut xénophobe et raciste de la soirée électorale du Dimanche 5 août 2007, nous sommes tout à fait en droit d’exprimer non seulement notre sentiment de désapprobation et de révolte mais aussi la nécessité de procéder à une modification radicale des lois électorales dans notre pays, ou du moins, au sein de la communauté chrétienne.
@abi lama
Merci de cet apercu historique. Je pense que cela aferait le plus grand bien a tous les Libanais de se cultiver. C'est inoui ce que nous sommes incultes et vantards. Un peu de modestie et de lecture auraient aide a sauver le pays mais helas ....
layla
Je ne crois pas qu'il faille attendre désormais grand chose de Robert Fisk, dont l'allégeance à la famille Hariri biaise toutes les analyses qu'il fait de la situation libanaise.
Ceci dit, on n'a peut-être pas assez souligné que dans cette partielle du Metn, la région chrétienne la plus politisée et la moins féodale, l'alliance des grandes familles maronites traditionnellement opposées entre elles a trébuché face au courant de ce natif d'une banlieue pauvre de Beyrouth (Haret Hreïk).
La soi-disant «réconciliation» des maronites que le patriarche appelle de ses voeux, ne serait rien d'autre qu'une façon d'essayer de remettre en selle tous ces Gemayel, Éddé, Chamoun et autres Hélou qui ont vidé les étriers.
Cette défaite d'Amine Gemayel est plus que cuisante.
Elle est exemplaire. Parce qu'elle le dépasse. Et de très loin.
Merci Nidal pour cette excellente analyse.
Il ne viendrait à L'idée de personne de demander aux libanais chrétiens de condamner le génocide arménien. Il faut vraiment être étranger à la réalité libanaise pour le faire car quand les nettoyages ethniques ont eu lieu dans l'empire ottoman lors de la période de déstabilisation politique provoquée par les jeunes turques, les chrétiens libanais en ont souffert. Plusieurs massacres de chrétiens ont eu lieu au Liban. Et on pense même que ce fut l'une des premières causes de l'exode massif des libanais en dehors de leur pays à la fin du 19ème siècle, devant la deuxième cause que fut la famine. Les arméniens s'insérent dans cette histoire de peuples mouvants de l'empire ottoman. Ils font partie intégrante de la société libanaise, ce sont nos frères dans la tourmente ethnique, ils l'ont subie plus que nous mais ça aurait pu être nous.
Ce qui m'irrite aussi c'est qu'on parle des divisions chrétiennes comme si elles étaient récentes. Il faut aller chercher dans les archives un petit bijou de film de Marwan Baghdadi 'petites guerres' qui raconte bien les guerres interethniques et même les guerres contre ses propres frères et voisins au sein d'une même communauté. C'est comme si la guerre du liban était seulement entre les sectes. C'est simpliste...
Je suis sidérée de tant d'ignorance. Encore hier sur rue89 un doctorant libanais en sciences politiques livrait son analyse superficielle et flouée. Ils se font appeler la révolution de l'information mais je dois dire qu'ils m'ont déçue. Ils sont un mélange du journal du dimanche et de hype soi-disant gauchiste, de la médiocrité déguisée en nouveauté de l'info et il paraît que ça marche...
Nidal,
je voulais te signaler
cet article sur Solidere, tu l'as peut-être lu, et qui montre bien ce qu'est le Liban pour les Hariri et les Hariri pour le Liban. Fisk devrait le lire.
ce qui est étonnant c,est qu'il vient du Daily Star et d,après Angry Arab, l'article a causé du remou parce qu'il fut publié dans la rubrique du journal financée par USAID (avant-front du CIA et du gouvernbment américain) qui ont été très mécontents. Le lendemain, pour rétablir les chose, le DS publiait une liste des bonnes actions de USAID au Liban, pour calmer le jeu.
@Sophia
Oui, je l'ai lu, ainsi que la série d'Angry Arab suite à cela, avec les «intimidations» supposées de la part de gros bras yankees contre des journalistes du Daily Star.
Le feuilleton de l'été.
Nidal,
Heureux que tu sois de retour.
Je me doutais que tu ne laisserais pas passer le traitement mediatique de ces elections.
J'ai ete quelque peu surpris par les commentaires d'Aoun sur le jeu de la Syrie. Dans le contexte actuel il me semble que le regime Syrien est nettement favorable a l'opposition.
Je ne vois que 2 explications possible. La premiere purement electoraliste, serait de contrer l'argument "anti-syrien" qui marche encore incroyablement bien.
La seconde serait que les division au sein de l'appareil Syrien auraient refait surface au moment de l'election, et que des partisans de la "vieille garde" auraient effectivement joue contre Aoun.
Je trouve la premiere explication plus vraisemblable.
Nidal
Voici quelques remarques sur un article écrit par Fisk au lendemain de l'assassinat de M. Ghanem
Les contre-sens de Fisk, dans cet article, sont encore plus flagrant et n'ont pas pas besoin d'analyses.
http://www.lfpm.org/forum/showthread.php?t=29226
A+
Bassem
@ ABI LAMAA,
je suis arrive helas un peu tard sur cet article,
merci pour ce trace historique concernant les armeniens et nous meme libanais sous l empire otoman liberes par un seul decret,c est tres cultivant et enrichissant,ceci dit,j ai une petite reflexion a vous livrer, bien entendu les armeniens libanais, le sont depuis des generations vis à vis de l administration libanaise,mais,est ce que ca l est pour les armeniens eux memes,et surtout pour le "tachnak"qui je vous le rappele a sa direction generale en dehors du liban,en Armenie je pense,EST CE NORMAL, a mediter,,,merci
Le problème de tout ça, c'est que soi l'on est gauchiste et anti-phalange, soit l'on est phalangiste et de droite. Oui, l'écart est un peu difficile à exécuter pour nous, français, aux traditions socialistes et laïques grande gueule, avec un besoin d'unification d'écrasement et des minorités liées à notre centralisme.
Je suis bien de gauche, à l'échelle mondiale franchement pro-palestinienne, à l'échelle libanaise encore plus anti-israélienne ; tout aussi anti-syrienne. Pendant la guerre milicienne, qui les phalanges et les forces libanaises combattaient-elles? Ceux qui aujourd'hui sont leurs alliés, et qu'à juste titre vous attaquez : Joumlatt, les Sunnites financés par les pétrodollars, etc... Ceux qui croyaient uniquement à leur précarré (Joumlatt) et ceux qui croyaient (et croient encore) au panarabisme (aoumié et hariresques de toute sorte). Et certainement pas au Liban. Ce que vous ommettez (bien curieusement d'ailleurs), c'est que Aoun lui-même était proche de Bachir, qu'il a présenté dans de nombreux endroits des phalangistes ou ex forces libanaises de la première heure, de ceux qui s'étaient retirés ou exilés lorsque le parti est devenu infréquentable, dans les années 90. Les Chrétiens libanais, et particulièrement les maronites, sont le socle du Liban. Dans les années 60, après la naqba, le Liban (ultra-majoritairement chrétien à l'époque), a été le seul à accueillir les Palestiniens. Les phalangistes, avec tout leur lot de massacres, ont pourtant été les seuls à vouloir défendre ce pays. Vous rappelez d'ailleurs justement les massacres perpétués à l'encontre des chrétiens dans le chouf. On oublie souvent qu'Arafat s'est excusé, à la fin de sa vie, d'avoir appelé à un tel comportement au Liban. On a demandé à l'époque aux Libanais de prendre en charge le problème palestinien, après le refus de la Syrie (qui est pourtant majoritairement sunnites et nettement plus grande), et l'épisode jordanien (peu glorieux, lui aussi). On taxe les chrétiens de l'époque de pro-sionisme, quand l'ensemble des pays musulmans "pro-palestiniens" limitrophes se sont gavés du territoire Palestinien et sont aujourd'hui en paix avec Israël. On demande aux Chrétiens d'être laïques. Pas aux musulmans. Si vous prôner un vrai nationalisme libanais (de celui qui existe, justement, dans les régions chrétiennes), vous tendrez vers une laïcisation des affaires politiques. Invoquer le caractère laïque des aoumiés, qui combattaient et combattent encore pour l'effacement total du Liban dans la Syrie (somme toute, les ottomans actuels, des collabo) ou des communistes (ce serait quand même le comble qu'ils ne revendiquent pas la laïcité), c'est se méprendre sur la richesse du pays. D'ailleurs : pour un amoureux du Liban : Loubnan ya Loubnan, ça sonne un peu arabe. Le syriaque s'est perdu il y a trois siècles, lors du commerce de la soie. Peut-être pourriez-vous au moins écrire Lebnen ya Lebnen, et respecter cette langue post-arameano-syriaque, au lieu de la niveler, comme tous les occidentaux, à un dialecte arabe.
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