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04 janvier 2007

Apprenez à reconnaître les uniformes

Chacun sait désormais que le gouvernement Saniora aime son armée et qu'il est fier qu'elle ait pris le contrôle du Sud. On sait aussi que les Occidentaux subventionnent les Forces de sécurité intérieure du gouvernement, chargées de défendre la démocratie à Beyrouth.

Ce qu'on sait moins, c'est que quand un défenseur de la démocratie libanaise (siglé FSI) passe à proximité d'un autre défenseur de la démocratie libanaise (siglé «watani»), ils s'échangent confraternellement des coups de crosse. C'était ce matin dans Al-Akhbar: même l'armée n'est pas très fana de la milice Hariri.

Accrochage entre les forces de sécurité intérieure et l'armée près du siège du gouvernement

C'est le premier incident de ce genre qui est survenu hier près du siège du Gouvernement, entre des membres de l'armée libanaise et des membres des Force de sécurité intérieure (FSI), la nuit dernière à 20h30, incident durant lequel des coups de crosse ont été échangés, causant des ecchymoses à des membres des FSI, et se concluant par une convocation immédiate des chefs de la sécurité et la prise de mesures destinées à éviter que cela se produise à nouveau.

L'incident est survenu tandis qu'environ 400 étudiants de différents partis arméniens manifestaient à l'entrée du siège du gouvernement, près de la tour Murr, du quartier des ambassades et de l'Évêché arménien de Beyrouth, pour protester contre la venue du Premier ministre turc Radjab Tayeb Erdogan au Liban, qui dînait avec M. Saniora; pendant que les FSI repoussaient les manifestants pour les empêcher de s'approcher des barbelés, certains membres des FSI du peloton chargé de la sécurité autour de la tour Murr ont empiété sur une zone du ressort de l'armée libanaise, ce qui a provoqué un accrochage entre les deux forces, accompagné d'une bousculade et d'un échange de coups de crosse de fusil, des cris ont retenti dans le secteur, parvenant aux oreilles des manifestants que les organisateurs se sont empressés d'éloigner par bus dès qu'est survenu l'incident.

20 commentaires:

Anonyme a dit…

Mon cher Nidal,

Vous n'y êtes pas du tout! Si «les Occidentaux subventionnent les Forces de sécurité [intérieure] du gouvernement», c'est tout simplement pour permettre à l'Armée «Nationale» de se déployer au Liban-Sud, et d'être en mesure de faire face aux incursions, excursions et autres invasions israéliennes du secteur.

Ce programme n'est envisageable que si les Forces de sécurité «intérieure» du gouvernement sont puissamment équipées pour s'attaquer, le moment venu, au Hezbollah ou à des manifestants libanais qui constituent, eux, la véritable menace.

Le gouvernement est si déterminé à combattre «l'ennemi sioniste» qu'il veut absolument forcer les Hezbollah à désarmer et à se retirer du Liban-Sud, ce qui, avec une armée «nationale» sous-équipée, constitue l'essentiel d'une stratégie offensive gagnante.

C'est pourtant clair! Non?

Anonyme a dit…

Bien entendu le gouvernement actuel est un traite soumis à l'ennemi sioniste au nez crochu et blablabla et blablabla.

Toujours la même rengaine simpliste.

Il est normal que dans tout pays normalement constitué, ce soit l'armée nationale et pas une milice aussi barbue et perse soit-elle qui fasse en sorte d'occuper le terrain longeant une frontière. Il est aussi tout à fait normal de faire passer la diplomatie avant les armes. Ben oui quoi c'est ca que vous défendiez dans un sens mais visiblement pas dans l'autre. En clair quand ca vous arrange.

Nietzsche a dit…

@Anonymous

Le gouvernement est soumis aux diktats des ambassades occidentales, et donc indirectement a Israel. C'est simple, mais exact.
S'il peut sembler normal que l'armee soit chargee de defendre la frontiere, il le serait aussi qu'elle defende Beyrouth plutot que d'en laisser le soin a une autre milice, moins barbue sans doute, mais tout aussi Arabe (et non Perse).
D'autre part compte tenu de la capacite du Hezbollah et de la faiblesse de l'armee, il n'est pas anormal que la Resistance fut deployee a la frontiere. Les FSI quant a elles n'ont aucune sorte de legitimite.
Vos contributions seraient plus pertinentes si vous tiriez vos conclusions de vos analyses et non l'inverse. Votre grille de lecture limite votre reflexion a ce qui peut aller dans le sens d'un avis predetermine. Non seulement ce n'est pas intelligent, mais en plus il n'y a aucun interet a discuter de la sorte. Je me demande ce qui peut bien vous motiver a participer. Je crois que vous perdez votre temps.

Anonyme a dit…

@Nietzche

On ne nourrit pas les trolls. On les laisse mourir de désinterêt.

En d'autres mots, on ne leur répond pas, on les ignore. Ils finiront par partir d'eux-mêmes quand ils verront que leurs propos ne leur apportent que le mépris. A contrario, chaque réponse, chaque argument est une nourriture pour leur ego.

Amicalement,
John V. Doe

Anonyme a dit…

Ne pourrait-on pas faire taire une fois pour toutes le zozo qui signe "anonyme", ou du moins l'envoyer geindre ailleurs ?
Nidal n'a jamais dit que l'ennemi sioniste avait le "nez crochu", en revanche, lui ne se gêne pas pour caricaturer les patriotes du Hezbollah en "milice barbue et perse".
Qui est le blablateur incohérent et incontinent ? Qui vient ici uniquement pour pousser sa "rengaine simpliste" ?
Je comprends et je loue la volonté de Nidal d'accorder la parole à tout le monde, mais bon. Un petit coup de balai de temps en temps...

Anonyme a dit…

Nayla,

Je doute que le clown qui signe "anonyme" soit libanais, ou alors son cas est bien plus grave que je ne pensais. Quoi qu'il en soit, comme document sur la sottise humaine (restons poli), je t'accorde qu'il vaut son pesant de cacahuètes, mais de là à vouloir se coltiner jusqu'à la nausée ses messages débiles qui disent tous la même chose (Nidal fait de la propagande, Nidal est un antisémite masqué, etc.), il y a plus qu'un pas.

Mais pour ce qui est de Byblos, il me semble que tu as mal saisi l'intention de son message, ou alors c'est moi. Il m'avait plutôt paru ironique, et comme tel me plaisait assez.

Le dernier paragraphe:

"Le gouvernement est si déterminé à combattre «l'ennemi sioniste» qu'il veut absolument forcer les Hezbollah à désarmer et à se retirer du Liban-Sud, ce qui, avec une armée «nationale» sous-équipée, constitue l'essentiel d'une stratégie offensive gagnante.

C'est pourtant clair! Non?"

doit manifestement être pris au second degré, et si c'est le cas, c'est une bonne réplique à ceux qui tiennent sérieusement ce genre de discours.

Il faudrait qu'on apprenne à se lire attentivement les uns les autres...

Z.

Anonyme a dit…

Bonjour Nayla,

Peut-être vous faut-il cultiver dans votre jardin un tout petit brin d'esprit d'ironie.

Pourtant «l'ennemi sioniste» est bel et bien enfermé dans d'inoffensifs mais significatifs guillemets.

Bien à vous et bonne année.

Anonyme a dit…

En clair ici, tout ceux qui ne sont pas d'accord avec vos idées sont des collabos d'Israel qui déjeunent au Georges V avec leur ambassadeur dans la plus grand discrétion.

Lamentable.

Ceci étant, ces affabulations ne doivent pas masquer l'idéologie première qui tente de percer ici :

La reprise de la main-mise de la Syrie et de ses alliés sur le Liban.

La digestion de l'ogre de Damas n'a pas pu être complétée et il devient urgent de la reprendre.

3asseh a dit…

Cher Nidal,
Je sais que ce n'est pas le lieu, mais si vous lisez l'arabe, jetez un oeil sur ce texte qui donne un certain éclairage sur la réalité doctrinale du Hezbollah. En somme, c'est une belle construction intellectuelle. Person j'ai tendance à y croire en leur faisant confiance. D'autres vont certainement considérer que c'est de la pure rhétorique.
http://www.tayyar.org/tayyar/articles.php?type=news&article_id=22672

Anonyme a dit…

Je me prépare à faire ici une intervention un peu longue. Vous en disposerez comme vous voudrez.

Je pense que, pour bien saisir ce qui se passe au Liban, il faut distinguer trois niveaux d'analyse, international, régional et local. Je passerai brièvement sur les niveaux international et régional pour m'attarder un peu plus sur le niveau local que j'analyserai par communauté. Non que je sois communautariste, bien au contraire, je suis un farouche partisan d'une sage et lucide déconfessionalisation.

Ce qui domine le plan international, me semble-t-il, est l'alliance israélo-étatsunienne -et la distribution des «tâches» entre eux autour de la réalisation du «Grand Moyen-Orient». Le rôle des USA se joue sur la grande scène allant de l'Afrique du Nord jusqu'aux confins de la Russie et de la Chine (l'Afghanistan a une frontière commune avec cette dernière. Le rôle d'Israël se limite (si l'on peut dire) à une zone couvrant l'Égypte et le Croissant Fertile. Le Liban est évidemment au coeur de cette zone.

Au plan régional, on a tendance à oublier que Sadate puis Hussein de Jordanie ont lâché la Syrie pour signer une paix séparée avec Israël. En même temps, l'Iran connaissait sa révolution républicaine islamique en même temps que l'Arabie Saoudite exportait son intégrisme monarchique wahabite. Il ne s'git pas seulement de chiisme contre sunnisme. Il existe bien des tensions entre chiites iraniens. Et tous les sunnites sont très loin de s'identifier au salafisme wahabite. Le Liban est au coeur de cette tourmente entre ces formes d'islamisme.

Venons-en au plan local.

Là, est le clivage confessionnel qui vole la vedette à toutes les autres sources de tension. En dépit de ce qu’en disent les intellectuels progressistes, ce clivage, bien qu’il ne soit pas exclusif, est loin d’être artificiel. Lorsque le patriarche maronite, le mufti sunnite ou le président du conseil supérieur chiite, par exemple, s’expriment sur les problèmes politiques de l’heure, certes pour un laïcisant, ils s’arrogent un pouvoir qui ne leur appartient pas. Ce faisant, ils renforcent le clivage confessionnel, contribuant ainsi à occulter les autres sources de tension. Mais comment ignorer, par ailleurs, qu’ils sont souvent écoutés avec attention et respect, et que leurs interventions sont loin de tomber dans le vide.

Lorsque Michel Aoun est plébiscité au Metn et au Kesrouan, c’est par les Chrétiens qu’il l’est. Et quoiqu’il se réclame d’un leadership national qui transcende les communautés, il faut malheureusement constater qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. Ce n’est pas le socialisme, loin s’en faut, qui fait de Walid Joumblat un leader politique important, mais bel et bien sa mainmise quasi-totale sur la direction de sa communauté grâce à sa qualité de Bey, qu’il savoure sans vergogne et sans crainte du ridicule, concurremment avec son appartenance à l’Internationale socialiste.

Pour cerner la réalité libanaise dans toute sa complexité, il faut donc scruter les diverses communautés de l’intérieur, sans négliger les faits géographiques et historiques qui servent de cadre. Commençons par observer l’évolution -ou la stagnation- de chacune des grandes communautés constitutives du Liban. Il semble évident qu’il existe une communauté sunnite, une communauté maronite, une communauté chiite, une communauté druze, une communauté orthodoxe, pour ne citer que les plus importantes. De fait, il arrive parfois que chacune de ces communautés réagisse à l’événement de ce qui semble être une même voix. Pourtant, regardons de plus près. Il existe des différences majeures entre les chiites du sud et ceux de la Bekaa par exemple. Les premiers ont longtemps été partagés entre une féodalité terrienne et une paysannerie travaillant misérablement la terre, ou migrant vers les villes -Saïda ou Beyrouth- pour y former un lumpen prolétariat, ou parfois émigrant en Afrique pour y chercher un meilleur sort. Dans la Bekaa, à ce modèle féodal se superposaient des structures claniques (achirat) que le Liban Sud ignore. Dans le jurd de Jbeil, les Chiites ne connaissaient pas la féodalité. C’étaient, à l’instar de leurs voisins maronites de ce même jurd, des paysans pauvres, mais propriétaires de petits lopins de terre, la configuration géographique rendant impossible la grande propriété.

Pour ce qui est des maronites, les différences entre eux sont encore plus marquées. À part leur appartenance commune au maronitisme, ni la géographie, ni le voisinage, ni l’Histoire régionale, ni l’organisation économique ou sociale ne les rapproche les uns des autres. Des différences et des intérêts majeurs les distinguent qu’ils soient du Nord, du Kesrouan, du Metn, du Chouf ou du Sud. Et que dire des maronites de Beyrouth et de sa banlieue. On peut faire la même observation pour les orthodoxes du Akkar et du Koura, par opposition à ceux de la Bekaa ou de Beyrouth. En poussant plus loin, on peut même observer des différences comportementales majeures, au sein même de Beyrouth, entre les orthodoxes d’Achrafieh qui vivent relativement loin des sunnites, et ceux de Mazraa-Mosseitbé qui sont presque en symbiose avec eux.

Jusqu’ici, nous n’avons même pas évoqué les clivages sociaux, en particulier les classes sociales au sein de chaque communauté.
Par contre, il y a peu de différences entre les banquiers, ou entre les membres des professions libérales par exemple, quelle que soit leur confession. Ils ont souvent fréquenté les mêmes écoles, lisent les mêmes journaux et passent l’été dans les mêmes localités de la montagne à défaut d’habiter toujours les mêmes quartiers de Beyrouth. J’ajouterai que les alliances matrimoniales entre eux, pour minoritaires qu’elles soient, ne sont plus marginales. On trouve aussi des fonctionnaires de l’État, des cols blancs, des cols bleus ainsi que des artisans dans toutes les confessions. Et ceci est de plus en plus vrai avec l’urbanisation rampante jusqu’à 1975 puis galopante et forcée depuis lors.

Si le clivage confessionnel prend tout de même régulièrement le dessus, cela est dû d’abord au système des Milleh qui était en vigueur sous l’empire Ottoman aussi bien dans les Balkans que chez nous. Il est remarquable de noter que «libanisation» est devenu synonyme de «balkanisation», tant les mêmes causes ont produit les mêmes effets. Le système confessionnel issu des Melleh a été maintenu par une caste politique inter-confessionelle qui ne s’entendait sur rien, sauf à perpétuer un système qui garantissait son maintien au pouvoir avec tous les avantages inhérents, et par un clergé aussi bien chrétien que musulman qui en tirait puissance, prestige et prébendes. La méfiance réciproque et la méconnaissance de l’Autre ont fait le reste. Mais il ne faut pas s’y tromper. Rien n’est immuable et, sous nos yeux se sont déjà produits, se produisent encore des changements qui s’apparentent à des révolutions. Faut-il encore que nous en prenions conscience. Car, et ici je ne parviens pas à résister à mes poussées de fièvre polémique, je suis stupéfait de constater comme mes compatriotes ont de la difficulté à voir les faits en face, tant est grande chez nous l’effroyable habitude, devenue seconde nature, de balayer sous le tapis.

Pour cerner ces changements, je me vois contraint de procéder communauté par communauté. Car si l’on veut voir un jour la laïcité triompher du communautarisme, il faut bien partir de la triste réalité et des faits têtus qui résistent à toutes les théories si généreuses soient-elles. Je vais donc commencer, à tout seigneur tout honneur, par les chiites, puisque c’est chez eux que les changements ont débuté, et qu’ils semblent avoir été les plus profonds. Dès le début des années 60, débute l’érosion du pouvoir féodal dans cette communauté sous la double impulsion du Mouvement des déshérités devenu plus tard le mouvement Amal de feu l’imam Moussa Sadr, et celle du Mouvement d’Action communiste de Mohsen Ibrahim. Plus tard, cette érosion ayant fait disparaître pratiquement toute trace du système féodal, le Hezbollah viendra occuper l’immense vide qu’Amal récupéré par Nabih Berri et l’Action communiste balayée par un regain mondial de l’islamisme, ne pourront pas combler. Il ne faut surtout pas négliger la part qui revient à l’éducation populaire dans ces bouleversements. La communauté qui connaissait le taux le plus élevé d’analphabètes a aujourd’hui rejoint, peut-être même devancé les autres communautés. Une classe moyenne s’est développée, surtout à cause de l’émigration. Le bilinguisme, voire le trilinguisme, sont monnaie courante. J’en choquerai peut-être quelques uns si je disais que la France table beaucoup aujourd’hui sur les chiites pour la préservation de ce qui reste de la francophonie au Liban. En deux mots comme en mille, nous pourrions dire que la partie «Renversement» de la révolution chiite s’est faite, mais que l’étape «Construction» reste à faire.

Les orthodoxes ont connu depuis les années 30 des courants politiques parallèles : l’un, patricien, clientéliste, pragmatique et informel, a largement inspiré le Destour de Béchara el Khoury. Les deux autres, populaires, ont recruté soit à l’Extrême Droite avec le Parti Social National Syrien (PSNS), soit à l’Extrême Gauche avec le parti Communiste Libanais (PCL). Le succès au sein de cette communauté de partis idéologiques s’explique par le caractère très tôt et très fortement urbanisé de cette communauté, contrairement aux chiites, aux maronites ou aux druzes. Si le courant patricien semble manquer actuellement de leaders, force est de constater que le PCL et bien plus encore le PSNS sont actuellement en panne. S’il se prépare dans la jeunesse une relève probablement laïcisante et moderniste, elle ne s’est pas encore manifestée avec force. Il se prépare aussi peut-être une résurgence du PCL qui n’a jamais, à ma connaissance, versé dans le dogmatisme et qui me semble capable de se renouveler, à charge pour lui d’élargir son assiette de recrutement aux autres communautés.

Jusqu’aux dernières élections, on aurait pu croire que la communauté sunnite, égale à elle-même, était restée telle qu’en elle-même l’Éternité l’a figée. Les grandes familles bourgeoises de Beyrouth tiennent le haut du pavé. C’est à peine si elles daignent faire une place exiguë aux Karamé ou aux Jisr de Tripoli, comme naguère il leur avait fallu céder le pas à un Solh ou deux. Cette bourgeoisie a toujours pratiqué l’attentisme, ayant le cœur et l’esprit tournés tantôt vers Bagdad, tantôt vers Damas, longtemps vers Le Caire. Le raz de marais haririen aux dernières élections semble avoir modifié cette donne. Cependant, rien n’est moins sûr. Si Bagdad est aujourd’hui aux prises avec les souffrances qui sont les siennes, si à Damas règne un pouvoir honni par Tarik el Jedideh qui ne s’est jamais fait d’illusions sur son compte depuis 1971, si Le Caire a perdu une bonne part de son pouvoir d’attraction, Ryad a vite fait de prendre la relève, affairisme de grande échelle à l’appui. Et ce nouveau miroir aux alouettes fascine bien d’autres Libanais aussi à commencer par de nombreux ex-leaders maronites. Et Ryad a choisi son leader en dehors des leaderships traditionnels. Le personnel a donc changé, mais pas les mentalités.

Quant à la communauté druze, elle a à sa tête un leader incontesté en la personne du fils qui a succédé au père sans changer un iota à sa politique. À tort ou à raison, j’ai le sentiment que les Joumblat, se considérant les héritiers des Maan, revendiquent le pouvoir sur le Mont-Liban. Ils estiment que les maronites qui ont de toujours été leurs secrétaires, les précepteurs de leurs enfants, ou encore moins que cela, les en ont floués avec le pacte national de 1943. Ce dernier a effectivement réduit, du moins théoriquement, l’influence des druzes pour en faire l’équivalent des melkites. Le jeune Kamal Joumblat, alors âgé d’à peine 26 ou 27 ans, s’attellera dès lors au rocher de Sisyphe, mais à rebours. Il se donnera pour mission d’ébranler et de chercher à renverser les présidents maronites à tour de rôle. Mais toutes les fois qu’il parvient à en renverser un, le suivant lui succède au sommet du pouvoir. Kamal Sisyphe Joumblat doit alors reprendre sa tâche pour l’en faire descendre. À sa mort tragique, son fils poursuivra l’œuvre paternelle. Cependant, une question au sujet de cette dynastie reste sans réponse : comment fait-on pour être Kamal ou Walid Bey, demeurer dans un palais seigneurial, y recevoir chaque année l’hommage de ses féaux et, simultanément, être le plus sérieusement du monde président du Parti Socialiste Progressiste, membre de l’Internationale socialiste aux assises de laquelle on assiste sans esquisser un sourire. Ce mystère garde pour moi toute son opacité.

Les maronites n’ont connu, à une exception près sur laquelle je reviendrai plus loin, que des formations clientélistes autour de notables : le Destour de Béchara el Khoury, le Bloc National de la famille Eddé, puis le PNL de Camille Chamoun admis tardivement dans le club des notables. Mais, contrairement à ces blocs et coalitions de notables, les Kataeb se présentent d’abord comme un mouvement, puis comme un parti politique doté d’une idéologie et d’une organisation. C’est loin des familles patriciennes, auprès des petites gens qu’il recrute. Mais aussi chez certains intellectuels désireux de s’éloigner du clientélisme ambiant. Pierre Gemayel, très habile organisateur, donne au mouvement un caractère paramilitaire inspiré des mouvements fascistes en plein essor dans les années 30. Mais en même temps, il emprunte aux communistes leur modèle d’organisation en s’appropriant jusqu’à leur terminologie organisationnelle : bureau politique, comité central, cellules, camarades, etc. Le personnalisme d’Emmanuel Mounier inspirera sa philosophie politique quand Édouard Saab arrivera à convaincre le «chef suprême» de la nécessité d’une telle philosophie. Ce parti gardera son caractère idéologique, et sera combattu férocement par le club des notables jusqu’en 1958. À partir de cette année-pivot, les notables maronites seront bien obligés de faire une place à Cheikh Pierre. Et celui-ci, congédiant les intellectuels ou les acculant à la démission, peaufinera sa mainmise sur le parti. Les Kataeb, qui étaient jusqu’ici l’équivalent maronite du PSNS ou du PCL, deviendront la chose de Pierre Gemayel. À sa mort, Amine ne saura pas tout de suite recueillir l’héritage laissé longtemps en déshérence entre les mains de présidents aussi nombreux qu’éphémères.

Cependant, les dernières élections ont montré qu’une révolution s’est opérée chez les maronites, balayant les notables aussi bien que les Kataeb toutes factions confondues. Les seuls notables, les seuls FL, le seul Kataeb qui ont surnagé le doivent soit à un vote non maronite (Chouf, Baabda, Liban-Nord, Liban-Sud), soit à l’absence d’adversaire (Beyrouth), soit à la complaisance du CPL (Bikfaya), ou encore à un vote essentiellement local à caractère plus municipal que législatif (Bécharré). Michel Aoun a manifestement raflé toute la donne. Au-delà de la campagne de dénigrement -parfaitement prévisible- lancée contre lui, se pose la question de savoir s’il s’agit d’un général Boulanger plus velléitaire qu’homme d’État, ou s’il saura compléter sa révolution en la sortant à tout prix de son carcan maronito-chrétien.
En résumé, il s’est produit dans les deux communautés les plus importantes du pays de profonds bouleversements dont on peut difficilement évaluer les conséquences.

Dès lors, au moins deux questions se posent :
1- Ceux qui ont aujourd’hui cueilli le fruit de ces bouleversements sauront-ils s’en servir pour sortir notre malheureux pays de son ornière ? Il leur faudra pour cela s’allier sur des bases suffisamment claires pour se faire pleinement confiance mutuellement. Cette confiance mutuelle ne sera pas de trop pour leur permettre de naviguer à travers les mines, les torpilles, les écueils locaux, régionaux et internationaux qui jalonnent leur parcours.
2- Pourront-ils amener les autres communautés à emboîter le pas, et à opérer les changements internes qui sont absolument essentiels à l’entreprise de rénovation nationale ?

Attention ici aux bonnes intentions. L’enfer en est pavé, dit-on. En 1858, Tanios Chahine, un rêveur sympathique, a voulu étendre aux paysans druzes la jacquerie qu’il avait conduite contre les Khazen, et à laquelle il avait accolé le titre pompeux de révolution. Mal lui en a pris. Les seigneurs druzes ont vite fait de détourner la colère de leurs paysans sur un bouc émissaire. Ce furent les massacres de 1860.

Anonyme a dit…

La preuve me paraît faite que Byblos n'est qu'un méchant antisioniste primaire et antisémite honteux, collabo de la Syrie, de l'Iran et de l'Arabie saoudite, qui déjeune tous les matins au Georges V avec leurs ambassadeurs, en compagnie de Jean-Marie Le Pen et de Faurisson, le tout dans la plus grande discrétion, comme Nidal.
De plus, il ne fait rien qu'à déblatérer sans jamais apporter d'arguments sérieux.
Tss... Vraiment lamentable. Je me demande pourquoi je continue à fréquenter ce blog.
Mais j'aime tellement venir jour après jour y étaler mon aigreur et mon infantilisme larmoyant.

Anonyme a dit…

rtnkglyqJe voudrai juste amener mon grain de sel au remarquable exposé de Byblos. Il n' y a pas grand chose a ajouter.

Quelques résumés sous forme de citations:

Elizabeth Picard: Liban: "consensus d'"élites" communautaires et non pas populaire."

Georges Corm: "le confessionnalisme est un totalitarisme", du fait de la dépendance économique des membres de la communauté par rapport au "Zaim"

Georges Corm: le systéme politique du Liban le met sous la dépendance des influences étrangères.

Anonyme a dit…

un document confidentiel de "non lethal finding" a été signé par Bush et transmis aux commissions des services de renseignement du Congrès. Un "finding", selon la terminologie en vigueur, est le document requis par la loi US avant de pouvoir prendre une décision impliquant la mise en oeuvre d’opérations clandestine par les agences de renseignements, et tout spécialement la CIA.

En la circonstance, le "finding" autorise le déblocage de fonds secrets à destination du gouvernement Siniora. Il autorise également la CIA à mener des opérations anti-Hezbollah au Liban.

Anonyme a dit…

Commentaire du billet de Contre info :

Cette information est parfaitement vraisemblable si on veut comprendre la complaisance des amères loques pour les chiites d'Iraq, alors même qu'ils tiennent à maintenir de bons rapports avec leurs «clients» saoudiens, égyptiens, jordaniens, et autres «émirelets» dits modérés.

Ce sera donc donnant donnant. Et le Liban, à défaut d'avoir des hommes d'État, servira de monnaie d'échange.

Par la même occasion, on y implantera les Palestiniens ce qui causera, au plan démographique, un «désquilibre créateur» en faveur des sunnites. On compensera ce déséquilibre par une «large décentralisation» confinant à l'atomisation. Paris III fera semblant de consoler les pleurnichards. En fait, ce programme permettra de démanteler en faveur des entreprises américaines et un tout petit peu françaises ce qui reste encore du secteur public : téléphonie, électricité, Port de Beyrouth, Aéroport peut-être. Le Liban ainsi démembré politiquement, démantibulé économiquement, atomisé géographiquement, servira de modèle à l'Iraq post-occupation, à la Syrie post-baassiste, ainsi qu'à cette espèce de passoire dont les trous seront les bantoustans de Gaza, Ramallah, Jenine, Tulkarem.

Olmert et ses amis neo-cons ont deux ans pour réaliser ce vaste programme de destruction massive.

Anonyme a dit…

bon une petite remarque, sur le fond, cet article fait écho à un article du LA times d il y a qq semaines deja

il n y jamais de fumée sans feu ....

nayla a dit…

merci byblos, t'a raison, g planté le brin d'humour sur mon balcon et l'arroserai avant de lire ce blog...et bonne annee a toi aussi et surtout a nidal, que dieu nous le garde, comme on dit chez nous !

Anonyme a dit…

Salut Nidal
Enfin un article sensé dans la presse occidentale! youpi! dans l'Humanité un article de Fabrice Balanche: "cessons de caricaturer le liban"
http://www.humanite.presse.fr:80/journal/2007-01-12/2007-01-12-843840

Anonyme a dit…

Cher Nidal,

Comme vous n'avez pas d'adresse courriel connue, j'ai cru bon vous adresser la traduction d'un article paru aujourd'hui sur le site du RPL.

Vous en ferez certainement bon usgae, queoi que vous décidiez.

Bien à vous.

Sawt el ghad (La voix de demain)
17 janvier 2007
Par Gabriel Mrad
(Rapporté sur le site du RPL de Michel Aoun)

Le président de la Rencontre démocratique, le député Walid Joumblat évoque depuis quelques jours une démarche du hezbollah visant à la création d’un «État des mages (?)», en procédant à l’achat de terres dans le «caza» de Jezzine.

Un homme d’affaires chiite a entrepris la réalisation d’un projet domiciliaire entre les villages chrétiens de Katraïn et de Mazraat Chebeil et le village druze de Sirirat. Ceci a eu pour effet de susciter des réserves de la part de Monsieur Joumblat. Cette région constitue, en effet, un passage entre la Békaa et le Sud, d’où l’appellation d’«État des mages» par M. Joumblat..

À la suite d’une enquête plus complète sur les opérations foncières dans la région de Jezzine, il est apparu qu’il existe également un autre projet auquel un fonctionnaire relevant d’une administration publique sert de façade. Depuis un certain temps, celui-ci achète des terrains situés entre Jezzine et la côte, à des prix exorbitants alors que lui-même a des revenus modestes. Ceci soulève bien des points d’interrogation sur les tenants et les aboutissants de ces importantes opérations foncières.

Le coordonnateur du CPL à Jezzine, Mr. Ziad Assouad, a évoqué ce sujet, parlant de l’achat à grand prix d’une centaine de parcelles contiguës, d’une superficie totale d’environ un million et demi de mètres carrés. Il s’est demandé qui peut bien être derrière ce projet. Et pourquoi certaines personnalités influentes prennent la défense de ce fonctionnaire que ce soit localement, à Jezzine, ou par l’intermédiaire des media, toutes les fois que ce sujet est évoqué. Il a ajouté que dans les prochains jours, il tenterait de confronter directement tous ces gens, ainsi que l’acheteur lui-même, qu’il soit de bonne ou de mauvaise foi. «Tant que nous aurons des doutes, et que nous n’obtiendrons pas de réponses claires, nous poursuivrons notre action pour connaître la vérité, et nous assurer qu’il n’y a là rien d’inquiétant pour la région. Il est vrai que ces opérations foncières inquiètent les milieux ecclésiastiques», a-t-il conclu.
Le spectre de l’implantation plane encore sur le Liban, et la population de Jezzine craint que certains travaillent à l’implantation des Palestiniens dans leur région. À cet égard, Maître Assouad dit avoir été informé de tentatives visant à l’achat de parcelles de terrain au village de Roum. «Je demande à nouveau qui sont les instigateurs et les financiers de ces opérations», dit-il. «Personne ne fournit de réponses aux nombreuses questions qui se posent, alors même que le nom de l’acheteur officiel est connu. Tout le monde parle de nombreuses offres d’achat. De grandes questions se posent aujourd’hui. Nous constatons que la menace de l’implantation à Jezzine se précise, et prend des formes variées. Cette fois-ci, la situation est grave et exige une action rapide en vue de mettre un terme à ce projet».

Pour le président de l’Association des maires des municipalités du caza de Jezzine, Saïd Abou Akl, «Oui, il y a des opérations de vente et d’achat de biens fonciers. Mais il n’entre pas dans nos prérogatives de nous interroger sur l’origine de l’argent ou les buts de ces opérations. Qu’on nous dise quel maire de municipalité a couvert de telles opérations, ou s’en est rendu complice. On ne peut pas généraliser. Qu’on nomme les responsables ou les complices, ou qu’on cesse cette campagne calomnieuse.

Quant à nous, nous avons vainement tenté d’entrer en contact avec le fonctionnaire concerné. Nous continuerons jusqu’à ce que nous obtenions des réponses susceptibles d’apaiser les craintes de la population concernant le danger de changements démographiques préludant à l’implantation.

lilalolune a dit…

Merci Byblos meme si j'arrive toujours apres la bataille ayant a gerer mes batailles quotidiennes avec en prime les elections americaines qui me travaillent puisque je compter voter (sans conviction!). Je vous aime mes compatriotes Libanais. C'est joli d'avoir un apercu historique et demographique. Il faut dire qu'on nous a mal enseigne l'histoire dans nos ecoles et qu'il est temps qu'on cherche a s'auto-cultiver. Je garderai soigneusement une copie de ton texte. et merci Nidal (meme si ce pseudo sonne anti-sionniste mdr et meme nationaliste syrien mdr y en a plein de Nidal a koura. Bon cela aurait ete pire de se prenommer Jihad aujourd'hui ...) Donc merci Nidal d'entrainer de genre de reflexions grace a votre blog.

Anonyme a dit…

Je ne sais plus si cela va servir de refelchir. D'ecrire. De crier. Mais c'est le combat de qui au juste qui se livre au Liban? Israel n'a pas pu detruire le Hezbollah (qui meme si je suis a mille lieues d'encenser tout ce qui touche de par l'ideologie a la religion, a tout de meme empeche que Israel n'efface le Liban de la carte jusque-la). Sanioura veut le faire! C'est triste. un gouvernement qui se construit une milice tout en sacahnt que cette milice n'arrivera jamais a la cheville (en termes d'armes, d'entrainement, d'organisation .. et j'en passe) du Hezbollah. L'interet de la chose? Entrainer justement le Hezbollah dans une guerre civile qu'il n'a pas voulue. La ou Israel n'a pas eu raison du parti de Dieu!, une guerre civile aura raison de tout le pays. Et quoi? avec toutes ces theocraties qui s'investissent a fond dans la destruction de mon pays, les barbes du Hezbollah me paraissent desormais amicales! libanaises du moins!
dites-moi que je me trompe. Dites-moi que dans toute cette plethore d'ignorances, de combats primitifs et aveugles, le Liban a un espoir de survivre ... parce que d'ailleurs je ne sais plus ce que c'est le Liban. Je ne sais pas quel combat je mene quand je parle de mon pays puisqu'il m'est impossible deja de dialoguer avec la moitie de sa population, parce que le respect manque .... parce que je ne comprends pas qu'on puisse etre aveugle a ce point et soutenir tel parce qu'on est sunnite ou chretien ou merde!