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06 octobre 2009

Abbas aide Israël à enterrer ses crimes de Gaza

L'information n'a, à nouveau, pas fait la Une de nos médias: l'autorité palestinienne a accepté de reporter de plusieurs mois une demande officielle de faire transmettre au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU les conclusions du rapport Goldstone.

Yves Gonzalez-Quijano a évoqué cette affaire dans un billet récent:
On en parle (encore ?) peu dans la presse non-arabe, mais le report, pour mars prochain au plus tôt, du vote par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur le rapport rédigé par le juge Richard Goldstone à propos de la guerre de Gaza, faute d’un soutien de la part des officiels palestiniens, n’a pas fini de susciter des réactions. Certes, l’Autorité palestinienne affirme qu’il s’agit d’un repli tactique pour arriver à un plus grand consensus; elle explique aussi qu’elle a subi d’énormes pressions américaines et que la menace d’un vote pèse désormais, telle l’épée de Damoclès, au-dessus de la tête du gouvernement israélien qu’on imagine terrifié par cette éventualité…

Abou Mazen et consorts auront néanmoins beaucoup de mal à faire accepter leur décision par les organisations internationales qui, à l’image de Human Right Watch, se sont battues pour tenter de faire condamner par la «communauté internationale» les crimes de guerre commis à Gaza.

Et c’est peu dire qu’une telle position donne des arguments à tous ceux qui, en Palestine, considèrent qu’ils sont représentés par des marionnettes dignes des Guignols de l’info.
Alain Gresh revient lui aussi sur cette affaire dans son blog du Diplo et cite une dépêche de l'AFP qui indique:
Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas est la cible de vives critiques, y compris dans son propre camp, à la suite du report controversé du vote sur le rapport de l’ONU fustigeant l’attitude d’Israël pendant la guerre de Gaza. Cette crise risque d’affaiblir M. Abbas au moment où les Etats-Unis tentent de relancer les négociations de paix avec Israël, relèvent les observateurs. A Ramallah, siège de l’Autorité, des centaines de Palestiniens ont dénoncé lundi le soutien de leur direction à ce report, tandis que d’autres à Jérusalem parlaient de «coup de poignard dans le dos et le cœur de tous les martyrs». «Nous voulons que le président Abbas présente des excuses et si le gouvernement a quoi que ce soit à voir avec cette décision, nous voulons qu’il démissionne», a déclaré Mohammed Jadallah, le leader d’une coalition d’ONG palestiniennes.
Pour intéressants qu'ils soient, ces deux billets ne donnent malheureusement pas réellement de pistes pour comprendre la décision de Mahmoud Abbas, et la colère des Palestiniens et de ceux qui les soutiennent. Il faut consulter ce très intéressant article d'Ali Abunimah («Electronic Ali») pour comprendre la gravité de la situation. Pour As'ad Aboukhalil («Angry Arab»), c'est un nouveau record de bassesse que vient de battre le régime de Ramallah.

Je vous livre donc une traduction personnelle de l'article d'Electronic Intifada. Que ses conclusions soient justes (je pense qu'elles le sont) ou erronées, c'est un article important de toute façon: quand Abbas et Dahlan passeront la frontière israélienne en slip au milieu de la nuit (sort réservé par Israël à ses propres collaborateurs), quand ils seront mitraillés, émiettés ou pendus (sorts auxquels n'échappe quasiment aucune marionnette des occidentaux), quand les palestiniens persisteront à voter de manière prétendument «irrationnelle», c'est ce genre d'accusations, largement connues là-bas, ignorées ici, qui permettront de comprendre.

Abbas aide Israël à enterrer ses crimes de Gaza
Ali Abunimah, The Electronic Intifada, 2 octobre 2009

Alors qu'il semblait que l'Autorité palestinienne (AP) de Ramallah et son chef Mahmoud Abbas ne pourraient pas descendre plus bas dans leur complicité avec l'occupation israélienne de la Cisjordanie et le blocus meurtrier de Gaza, Ramallah vient d'infliger un nouveau coup de massue au peuple palestinien.

La délégation Abbas aux Nations unies à Genève (qui représente officiellement une Organisation de Libération de la Palestine moribonde) a renoncé à une résolution demandant au Conseil des droits de l'Homme de transmettre le rapport du juge Richard Goldstone sur les crimes de guerre à Gaza au Conseil de sécurité de l'ONU pour obtenir des sanctions. Bien que l'AP a agi sous la pression américaine, il existe de fortes présomptions que les intérêts commerciaux de palestiniens et d'hommes d'affaires du Golfe étroitement liés à M. Abbas ont également joué un rôle.

Le rapport Goldstone présente en 575 pages les preuves de crimes de guerre israéliens choquants et de crimes contre l'humanité commis pendant l'agression de l'hiver dernier contre la bande de Gaza, qui a tué 1400 palestiniens, en grande majorité des non-combattants, et des centaines d'enfants. Le rapport accuse également le mouvement de résistance palestinien Hamas de crimes de guerre pour avoir tiré de roquettes sur Israël qui ont tué trois civils.

Le rapport Goldstone a été salué comme un tournant par les Palestiniens et les partisans, dans le monde entier, de la primauté du droit; il a demandé que des suspects soient tenus responsables devant les tribunaux internationaux si Israël échoue à les poursuivre. Or Israël n'a jamais, dans son histoire, tenu ses dirigeants politiques et militaires juridiquement responsables de crimes de guerre contre les Palestiniens.

À juste titre, Israël a été terrifié par le rapport, mobilisant toutes ses ressources diplomatiques et politiques pour le discréditer. Ces derniers jours, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a affirmé que si le rapport était suivi d'effets, il serait «un coup sérieux porté à la guerre contre le terrorisme», et «porterait un coup fatal au processus de paix, car Israël ne serait plus en mesure de prendre des mesures supplémentaires et de prendre des risques pour la paix si son droit à l'autodéfense lui était refusé.»

Sans surprise, un des premiers alliés dans la campagne israélienne pour l'impunité a été l'administration Obama, dont l'ambassadeur à l'ONU, Susan Rice, a exprimé «de très graves inquiétudes» concernant le rapport et a dénoncé le mandat Goldstone comme «déséquilibré, unilatéral et fondamentalement inacceptable.» (Rice a respecté fidèlement sa parole: en avril, elle avait déclaré au journal Politico que l'une des principales raisons qui avait motivé l'administration Obama à adhérer au Conseil des droits de l'homme de l'ONU était de lutter contre ce qu'elle appelait «la merde anti-israélienne»).

Goldstone, que sa fille a publiquement décrit comme un sioniste aimant Israël, est un ancien juge de la Cour suprême sud-africaine, et un juriste international hautement respecté. Il était le procureur en chef des tribunaux des crimes de guerre des Nations unies pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie.

Que le rapport Goldstone soit un coup sévère à la capacité d'Israël à commettre en toute impunité de futurs crimes de guerre ne fait aucun doute; cette semaine, s'appuyant sur le rapport, des avocats du Royaume-Uni ont demandé à un tribunal de délivrer un mandat d'arrêt contre le ministre israélien de la Défense en visite, Ehud Barak. Cette action n'a pas réussi, mais le gouvernement israélien a pris des mesures extraordinaires ces derniers mois pour essayer de protéger ses fonctionnaires contre les poursuites, craignant que la survenue d'arrestations ne soit plus qu'une question de temps. Parallèlement à la campagne internationale grandissante de boycott, désinvestissement et sanctions, la crainte de se retrouver à La Haye semble être la seule chose qui puisse pousser le gouvernement israélien et sa société à reconsidérer leur aventure destructrice.

On pourrait penser, alors, que les représentants auto-proclamés du peuple palestinien ne négligeraient pas une telle arme. Et pourtant, selon l'ambassadeur Ibrahim Abbas Khraishi, l'Autorité palestinienne à Ramallah a abandonné son action à la demande des Américains, au motif que «nous ne voulons pas créer un obstacle pour eux.»

L'excuse de Khraishi selon laquelle la résolution a simplement été reportée jusqu'au printemps ne convainc pas. Si aucune mesure n'est prise aujourd'hui, le rapport Goldstone sera enterré d'ici là et les preuves des crimes d'Israël – nécessaire à des poursuites – pourraient être plus difficiles à collecter.

Cette dernière reddition intervient moins de deux semaines après que M. Abbas est apparu à un sommet à New York avec le président américain Barack Obama et Netanyahu, malgré l'abandon de son exigence qu'Israël arrête la construction de colonies exclusivement juives sur des terres palestiniennes occupées. Déjà sous la pression américaine, l'AP a abandonné sa promesse de ne pas reprendre les négociations sans l'arrêt de la colonisation, et a accepté de participer à des «discussions de paix» avec Israël sous médiation américaine à Washington cette semaine. Israël, pendant ce temps, a annoncé des plans pour la construction de la plus grande colonie en Cisjordanie depuis 1967.

Ce qui est encore plus exaspérant, c'est la réelle possibilité que la PA soit en train d'aider Israël à se laver les mains du sang qu'il a déversé dans la bande de Gaza, pour des motifs aussi bas que l'intérêt financier d'hommes d'affaires étroitement liés à M. Abbas.

The Independent (Royaume-Uni) a signalé le 1er octobre:

«Shalom Kital, un assistant du ministre de la Défense Ehud Barak, a déclaré aujourd'hui qu'Israël ne libérera pas la part du spectre radioélectrique qui a longtemps été demandée par l'Autorité palestinienne pour permettre le lancement d'une deuxième société de télécommunications mobiles, à moins que l'Autorité palestinienne n'abandonne ses efforts pour mettre en cause les soldats et officiers israéliens au sujet de l'opération israélienne». («Les Palestiniens dénoncent le “chantage” d'Israël contre le service téléphonique», The Independent, 1er octobre).

Kital a ajouté que le fait que l'AP abandonne ses efforts pour faire avancer le rapport Goldstone constituait une «condition» spécifique. La compagnie de téléphone, Wataniya, a été décrite en avril dernier par l'agence Reuters comme «une société soutenue par Abbas» qui est une joint-venture entre des investisseurs du Qatar, du Koweït et le Fonds d'investissement palestinien dans lequel l'un des fils d'Abbas est étroitement impliqué. En outre, Reuters a révélé que la compagnie naissance ne souffrait apparemment pas d'une pénurie de capitaux grâce aux investisseurs du Golfe, recevant des millions de dollars de «l'aide des Etats-Unis sous la forme de garanties de prêts destinés aux agriculteurs palestiniens et d'autres petites et moyennes entreprises» (voir «L'aide américaine va à la société téléphonique soutenue par Abbas», Reuters, 24 avril 2009).

Un jour seulement avant que la délégation Abbas retire sa résolution à Genève, Nabil Shaath, le «ministre des Affaires étrangères» de l'AP a dénoncé les menaces israéliennes au sujet de Wataniya comme un «chantage» et a promis que les Palestiniens ne céderaient pas.

La trahison du peuple palestinien par l'AP au sujet du rapport Goldstone, ainsi que la poursuite de sa «coordination de sécurité» avec Israël pour réprimer la résistance et l'activité politique en Cisjordanie, doivent nous faire comprendre sans l'ombre d'un doute qu'il s'agit d'un bras actif de l'occupation israélienne, agissant de manière tangible et de plus en plus contre le peuple palestinien et sa juste cause.

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