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17 novembre 2008

Sarkozy, auto-portrait en César

Ce dimanche, Claude Asko et son JDD présentent Sarko comme le nouveau génie bienfaiteur de notre planète. La légende (l'immense Georges donne l'accolade au petit Nicolas) de l'illustration est trop mignonne: «Parmi les dirigeants des pays les plus puissants du monde, Nicolas Sarkozy a imposé son style.» Lire les commentaires d'Article 11 et d'André Gunthert (à noter: illustration géniale).

Une dépêche de l'AFP semble pourtant être passée inaperçue il y a quelques jours (13 novembre). Recevant à l'Élysée le «prix du courage politique» décerné par le revue Politique internationale, Sarkozy semble s'être surpassé pour s'auto-parodier. Il devient difficile, même pour Asko, d'écrire des éditoriaux atteignant le niveau de ridicule de notre président lui-même.

Le président français Nicolas Sarkozy a vanté jeudi sa politique étrangère qui a permis, selon lui, d'éviter une offensive militaire russe sur Tbilissi, en finir avec la «guerre au Liban», libérer les infirmières bulgares en Libye et Ingrid Betancourt de la jungle colombienne.

Il a écorché au passage la prudence du président américain George W. Bush dans la crise russo-géorgienne, en recevant à l'Elysée l'édition 2008 du «prix du courage politique» décerné par la revue Politique internationale.

«Lorsque le 8 août, il a fallu partir pour Moscou et pour Tbilissi, qui a défendu les droits de l'Homme?», a demandé M. Sarkozy.

«Est-ce que c'est le président des Etats-Unis qui a dit “c'est inadmissible”? Ou est-ce que c'est la France qui a maintenu le dialogue avec M. Poutine, M. Medvedev et M. Saakachvili?», a-t-il poursuivi, à la veille de son départ pour le sommet du G20 sur la crise financière à Washington.

«Je me souviens de l'appel du président américain disant la veille de notre départ à Moscou: “n'y va pas, ils (les Russes) veulent aller à Tbilissi, ils sont à 40 km. N'y va pas, dénonce”. Nous y avons été avec Bernard Kouchner, comme par hasard, alors que nous y étions, le cessez-le-feu a été annoncé», a ajouté le chef de l'Etat français.

Quelques jours après le début du conflit militaire entre la Russie et la Géorgie, le président en exercice de l'Union européenne (UE) s'est rendu le 12 août à Moscou et à Tbilissi pour y négocier un plan de paix et un cessez-le-feu accepté dans la foulée par les deux belligérants.

Certains critiques, notamment parmi les pays européens de l'Est membres de l'UE, ont estimé que ce plan faisait la part belle à la Russie et regretté qu'il ne défende pas explicitement l'intégrité territoriale de la Géorgie.

Le président géorgien Mikheïl Saakachvili a aussi égratigné jeudi Nicolas Sarkozy en lui demandant, quelques heures avant un entretien prévu dans l'après-midi à la veille d'un sommet UE-Russie à Nice, de «garder des principes» et de ne pas céder à la «realpolitik».

Nicolas Sarkozy a tout aussi fermement rejeté les critiques sur d'autres dossiers internationaux.

«Si n'avions pas pris le risque de la paix et des droits des Libanais à vivre libres en invitant Bachar al-Assad, ce serait toujours la guerre au Liban», a-t-il lancé à ceux qui lui ont reproché d'avoir invité le numéro un syrien à Paris puis de s'être rendu à Damas.

«J'avais promis pendant ma campagne électorale qu'on libérerait les infirmières (bulgares détenues par la Libye). C'est la France qui les a libérées. Est-ce que vous croyez qu'on peut faire sortir de prison quelqu'un sans parler avec les geôliers?», a poursuivi Nicolas Sarkozy pour justifier son déplacement à Tripoli chez le numéro un libyen Mouammar Kadhafi.

À la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien en juillet 2007, certains avaient reproché au président français de s'être approprié les lauriers de ce succès en minimisant les efforts d'autres pays de l'UE.

«Est-ce qu'il y avait une chance de la sortir si la France n'avait pas fait d'Ingrid Betancourt un objectif central de sa politique? Aucune», a enfin lâché Nicolas Sarkozy.

07 novembre 2008

Faute de pire

Tout le monde n'est pas baba de bonheur suite à l'élection d'Obama. Et non, je ne dis pas ça parce que certains Français bien en vue aiment soudainement les noirs. Et ça n'est pas parce que ça aurait (peut-être) été pire avec McCain qu'Obama devrait susciter un aussi formidable espoir.

En juin dernier, le discours d'Obama devant l'AIPC m'avait sidéré («L'AIPAC crie, Obama aboie»). Quelques jours avant l'élection, Bakchich a publié deux articles particulièrement inquiétants concernant le cercle le plus proche d'Obama, Rahm Emanuel et Denis Ross: «“Rahm-bo” futur dir'cab de Barack Obama» et «Le principal conseiller d'Obama est un faucon anti-Iran». Revenant sur le choix de Rahm Emanuel, Alain Gresh, inquiet, préfère attendre avant de se faire une opinion.

Un participant au forum du blog de Gresh signale par ailleurs un article décrivant les liens de cette équipe avec les grandes boîtes de la finance: «Rahm Emanuel: Wall Street's man in the White house»:

Goldman Sachs and JP Morgan are also in Emanuel’s top-five career sources of campaign cash. As reported by the Center for Responsive Politics, Emanuel received more money from the securities and investment industry—$600,500 as of September 30—than did any other member of the U.S. House, and more than two presidential candidates (including Joe Biden) and the chairman of the Senate Finance Committee.
Angry Arab, dès le 5 novembre, annonce qu'il va désormais se consacrer à l'«Obama bashing»:
À ceux qui ont soutenu Obama: vous allez être déçus et vous vous souviendrez de mon avertissement. Souvenez-vous en quand Obama approuvera une guerre israélienne contre un camp de réfugiés et contre un village du Liban, et qu'il qualifiera cela d'auto-défense. Souvenez-vous de moi lorsqu'Obama pleurera la mort d'Israéliens et célébrera la mort d'arabes et de musulmans. Souvenez-vous en quand il ordonnera la première campagne de bombardement contre un zone isolée du Pakistan. Souvenez-vous en quand il trahira les pauvres au profit de Wall Street. Souvenez-vous en quand il trahira les aspirations des noirs au profit de la classe moyenne blanche qui est maintenant le principal souci du parti démocrate. Souvenez-vous en quand Obama ne se battra pas pour son plan de réforme de la santé et qu'il ne réalisera aucune de ses promesses. Souvenez-vous en quand il respectera sa promesse de campagne de s'opposer au mariage gay. Souvenez-vous en quand il continuera à mettre l'échec de l'occupation américaine en Irak sur le dos du peuple irakien lui-même.
Tiens, et je me souviens que j'ai déjà évoqué Joseph Biden ici (septembre 2007), au sujet de sa volonté de résoudre la guerre en Irak en proposant un plan de partition de l'Irak, parachevant ainsi l'œuvre des néo-conservateurs.

Un texte me semble résumer beaucoup des inquiétudes que l'on peut légitimement avoir suite à l'élection. Il s'agit d'un texte publié par Ralph Nader (qui a financé sa campagne, je le rappelle, en vendant la recette du Houmous de sa mère) le jour même de l'élection: «An Open Letter to Barrack Obama, Between Hope and Reality». Je vous livre ici une traduction maison (les liens hypertexte sont de mon fait, ils ne figurent pas dans la version originale):
Cher sénateur Obama,

Pendant les presque deux années de votre campagne présidentielle, les mots «espoir et changement», «changement et espoir» ont été votre slogan. Cependant, il y a une grande différence entre ces objectifs et votre propre personnage politique, personnage qui succombe aux groupes de pression qui ne veulent ni «changement» ni «espoir», mais seulement le maintien d'un status quo dans la répartition des pouvoirs.

Bien plus que le sénateur McCain, vous avez reçu des contributions énormes et sans précédent de la part des intérêts des entreprises, de Wall Street et, plus intéressant encore, des cabinets d'avocats du droit des affaires. Jamais auparavant un candidat démocrate n'était parvenu à une telle suprématie sur son opposant républicain. Pourquoi, en dehors de votre soutien inconditionnel au plan de sauvetage de Wall Street à hauteur de 700 milliards de dollars, est-ce que les grandes entreprises ont autant investi sur le sénateur Obama? Serait-ce parce que vos états de service en tant que sénateur de votre État, au Sénat américain et lors de votre campagne présidentielle (en faveur de l'énergie nucléaire, des usines à charbon, des forage offshore, des subventions aux entreprises - dont le «1872 Mining Act» - et évitant tout programme d'envergure pour combattre la vague de crimes économiques et limiter un budget militaire pharaonique et inutile, par exemple) ont déjà prouvé que vous étiez leur homme?

Pour faire avancer le changement et l'espoir, il faut une personnalité présidentielle qui ait du caractère, du courage, de l'intégrité - pas de la connivence, de l'accommodement et de l'opportunisme à courte-vue. Prenez, par exemple, votre transformation d'un défenseur éloquent des droits des Palestiniens, à Chicago avant que vous ne vous présentiez au Sénat, en un acolyte, un pantin du lobby extrémiste de l'AIPAC, qui soutient l'oppression militaire, l'occupation, le blocus, la colonisation et la confiscation de l'eau, depuis des années, contre le peuple palestinien et leurs territoires réduits de Cisjordanie et Gaza. Eric Alterman a résumé plusieurs sondages en décembre 2007 dans un numéro de The Nation, montrant que les positions de l'AIPAC sont rejetées par la majorité des juifs américains.

Vous savez très bien que c'est seulement quand le gouvernement des États-Unis soutient les mouvements de la paix israéliens et palestiniens, ce qui a conduit il y a quelques années à une solution détaillée à deux États (qui est soutenue par une majorité d'israéliens et de Palestiniens), qu'il y aura une possibilité de résolution pacifique de ce conflit de plus de 60 ans. Malgré cela vous vous alignez avec les tenants de la ligne la plus dure, au point que dans votre discours infâme et humiliant à la convention de l'AIPAC, juste après votre nomination par le parti démocrate, vous soutenez une «Jérusalem indivisible» et vous vous opposez aux négociations avec le Hamas - le gouvernement élu à Gaza. Une fois encore, vous avez ignoré la volonté du peuple israélien qui, dans un sondage du 1er mars 2008 publié par le quotidien respecté Haaretz, montre qu'à 64% des israéliens étaient favorables à «des négociations directes avec la Hamas». S'aligner sur les plus durs de l'AIPAC, c'est ce qu'un des nombreux intellectuels palestiniens qui réclament le dialogue et la paix avec le peuple israélien a décrit ainsi: «L'antisémitisme aujourd'hui, c'est la persécution de la société palestinienne par l'État israélien.»

Durant votre voyage en Israël cet été, vous avez consacré à peine 45 minutes de votre temps aux Palestiniens, sans conférence de presse, et aucune visite dans un camp de réfugiés palestiniens qui aurait pu attirer l'attention des médias sur la brutalisation des Palestiniens. Votre séjour a soutenu le blocus cruel de la bande de Gaza, au mépris du droit international et de la Charte des Nations Unies. Vous vous êtes préoccupé des pertes dans le sud d'Israël, où les pertes de l'année dernière se sont élevées à une victime civile pour 400 victimes palestiniennes dans la bande de Gaza. Au lieu d'une prise de position politique qui aurait rejeté toutes les violences et leur remplacement par l'acceptation de la proposition de la Ligue arabe de 2002 qui permettrait un État palestinien viable dans les frontières de 1967 en échange du rétablissement de relations économiques et diplomatiques complètes entre les pays arabes et Israël, vous avez tenu le rôle d'un piètre politicien, laissant l'endroit et les Palestiniens avec un sentiment de choc et un peu de crainte («much shock and little awe»).

David Levy, un ancien négociateur de paix israélien, a décrit votre voyage succinctement: «Il y presque une démonstration volontaire de dédain pour le fait qu'il y a deux versions de l'histoire, ici. Cela peut le servir comme candidat, mais pas comme Président.»

Le commentateur américano-palestinien Ali Abunimah a noté qu'Obama n'a pas émis une seule critique d'Israël, «de sa poursuite de la construction de colonies et du mur, de ses barrages qui rendent la vie impossible à des millions de Palestiniens... Même l'administration Bush a récemment critiqué l'utilisation par Israël de bombes à fragmentation contre les civils libanais [lire www.atfl.org pour plus d'informations]. Mais Obama a défendu l'agression israélienne contre le Liban comme l'exercice de “son droit légitime à se défendre”».

Dans de nombreux éditoriaux, Gideon Levy, écrivant dans Haaretz, a fermement critiqué les agressions du gouvernement israélien contre les civils à Gaza, notamment les attaques «au cœur de camps de réfugiés surpeuplés... avec d'horribles bain de sang», au début de 2008.

L'auteur israélien et défenseur de la paix Uri Avnery a décrit le passage d'Obama devant l'AIPAC comme: «battant tous les records d'obséquiosité et de servilité», ajoutant qu'Obama «est prêt à sacrifier les intérêts américains les plus basiques. Après tout, c'est un intérêt vital pour les États-Unis d'arriver à une paix israélo-palestinienne, ce qui lui donnera le moyen de gagner le cœur des populations arabes, de l'Irak au Marc. Obama a nui à son image dans le monde musulman et a hypothéqué son avenir - s'il devient le président élu», expliquant encore: «Ce dont on peut être certain: les déclarations d'Obama à la conférence de l'AIPC sont très, très mauvaises pour la paix. Et ce qui est mauvais pour la paix est mauvais pour Israël, mauvais pour le monde et mauvais pour le peuple palestinien.»

Une autre illustration de votre manque de caractère est la façon dont vous avez tourné le dos aux américains musulmans dans ce pays. Vous avez refusé d'envoyer des représentants parler aux électeur lors des événements qu'ils ont organisés. Après avoir visité de nombreuses églises et synagogues, vous avez refusé de visiter une seule mosquée en Amérique. Même George W. Bush a visité la Grande mosquée de Washington DC après le 11 Septembre pour exprimer de nobles sentiments de tolérance devant un important groupe religieux d'innocents.

Bien que le New York Times a publié un grand article le 24 juin 2008 intitulé «Les électeurs musulmans détectent un camouflet de Obama» (signé Andrea Elliott), citant des exemples de votre aversion pour ces Américains qui viennent de tous les milieux, qui servent dans les forces armées et qui travaillent pour vivre le rêve américain. Trois jours plus tôt, l'International Herald Tribune a publié un article de Roger Cohen intitulé «Pourquoi Obama devrait se rendre dans une mosquée.» Aucun de ces commentaires et rapports n'a changé votre fanatisme politique contre les musulmans américains - même si votre père était un musulman du Kenya.

Rien n'a peut-être mieux illustré votre manque total de courage polique ou même une version allégée de ce trait de caractère que votre capitulation face aux demandes des tenants de la ligne dure pour interdire à l'ancien président Jimmy Carter de parler lors de la Convention nationale des démocrates. C'est une tradition pour les anciens présidents, et elle a été accordée en prime time à Bill Clinton cette année.

Voici un président qui a négocié la paix entre Israël et l'Égypte, mais son récent livre pressant la superpuissance israélienne dominante à éviter l'Apartheid des Palestiniens et à faire la paix a suffit à le mettre sur la touche. Au lieu d'un important discours à la nation par Jimmy Carter sur ce problème international, il a été relégué à une promenade à travers la scène sous un «tonnerre d'applaudissements,» à la suite de la diffusion d'un film sur le travail du Centre Carter après Katrina. Honte à vous, Barack Obama!

Mais votre comportement honteux s'est étendu à d'autres questions de la vie américaine. (Lire l'analyse factuelle par son co-listier, Matt Gonzalez, sur www.votenader.org.) Vous avez tourné votre dos aux 100 millions d'américains pauvres composés de blancs, d'afro-américains et de latinos pauvres. Vous avez toujous parlé d'aider la «classe moyenne», mais avez systématiquement oublié de mentionner les «pauvres» en Amérique.

Si vous étiez élu Président, il faut que cela soit plus qu'une ascension sociale sans précédent à la suite d'une campagne brillamment sans scrupules qui a parlé de «changement» tout en démontrant une obéissance objective à la concentration des pouvoirs dans les mains des «suprémacistes des grandes entreprises» («corporate supremacists»). Cela devrait être : rendre le pouvoir confisqué par quelques uns à tous. Cela devrait être une Maison Blanche présidée par un homme noir qui ne tourne pas le dos aux opprimés d'ici et d'ailleurs, mais affronte les forces de la cupidité, le contrôle dictatorial des travailleurs, des consommateurs et les contribuables, et la militarisation de la politique étrangère. Cela doit être une Maison Blanche qui transforme la politique américaine - en commençant par le financement public des élections (au travers d'une démarche volontariste) - et en permettant aux petits candidats d'avoir une chance d'être entendus dans les débats et dans la plénitude de leurs limités droits civiques actuellement limités. Appelez cela une démocratie compétitive.

Votre campagne présidentielle a montré encore et encore des prises de positions lâches. Certains disent qu'on ne peut tuer l'espoir («Hope springs eternal»). Sauf quand la «réalité» la consume chaque jour.

Sincèrement,
Ralph Nader,
3 novembre 2008