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22 octobre 2007

Mines françaises en Algérie

Avant-hier, une dépêche de l'AFP annonce:

La France remet les plans des mines posées aux frontières est et ouest

La France a officiellement remis samedi à l'Algérie les plans de pose des mines placées par l'armée française aux frontières est et ouest du pays durant la guerre d'Algérie (1954-1962).

«Le Général Jean-Louis Georgelin, Chef d'État Major des Forces Armées françaises, a officiellement remis à son homologue algérien, le Général de Corps d'Armée Ahmed Gaïd Salah, les plans de pose des mines placées le long des lignes “Challe” et “Morice” par l'Armée française entre 1956 et 1959», selon un communiqué de l'ambassade de France à Alger transmis à l'AFP.

La remise de ces plans, réclamés par Alger «marque la volonté des autorités françaises de progresser pour lever les obstacles hérités du passé et leur souhait de bâtir des relations de confiance avec l'Algérie», a ajouté ce texte.

Le général Georgelin, arrivé mardi à Alger pour une visite officielle de quatre jours, a réitéré à son homologue algérien «la disponibilité de l'armée française à approfondir la coopération militaire entre les deux pays», selon la même source.

La Ligne Morice, du nom du ministre français de la Défense André Morice, constituée de barbelés et de mines, surveillée en permanence, a été construite à partir de juillet 1957, le long des frontières de l'Algérie avec la Tunisie et le Maroc.

Longue de 460 km à la frontière tunisienne et de 700 km avec le Maroc, la Ligne Morice a été partiellement doublée par une autre ligne, dite Ligne Challe du nom du général Maurice Challe, commandant en chef en Algérie de 1958 à 1960.

Ces deux lignes étaient destinées à empêcher les infiltrations de combattants de l'Armée de libération nationale (ALN) du Maroc et de la Tunisie.

Selon Alger, 3 millions de mines antipersonnel sur les onze millions implantées par l'armée française lors de la guerre d'Algérie sont encore enfouies le long des frontières est et ouest de l'Algérie.

La presse algérienne rapporte régulièrement des accidents provoqués par ces mines et touchant des bergers ou des enfants.

L'Algérie a signé, le 3 décembre 1997, la convention d'Ottawa sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction. Elle l'a ratifiée le 9 octobre 2001.
La nouvelle est d'une telle importance qu'une dépêche Reuters est publiée sur le même sujet aujourd'hui (vous pouvez sauter cette partie, c'est la redite de la précédente):
La France révèle ses champs de mines de la guerre d'Algérie

ALGER (Reuters) - La France, soucieuse d'améliorer ses relations avec l'Algérie, a remis aux autorités algériennes les plans des mines enfouies à l'époque de la guerre d'indépendance (1954-1962).

L'armée française a disséminé des mines antipersonnel aux frontières Est et Ouest de l'Algérie pendant la guerre de libération pour empêcher les combattants du FLN d'attaquer les forces françaises à partir de leurs bases en Tunisie et au Maroc.

Ces plans des mines enfouies entre 1956 et 1959 ont été remis par le chef d'état-major interarmes français, le général Jean-Louis Georgelin, actuellement en visite en Algérie, a précisé l'ambassade de France.

«Cette décision, qui était attendue par l'Algérie, marque la volonté des autorités françaises de progresser pour lever les obstacles hérités du passé et leur souhait de bâtir des relations de confiance avec l'Algérie», a expliqué la mission diplomatique dans un communiqué.

Selon Alger, qui réclamait ce geste depuis longtemps, les militaires français ont enfoui environ trois millions de mines antipersonnel dans le sol algérien.

«Avec la remise de ces plans, la France de Nicolas Sarkozy tente (...) de lever les obstacles nombreux qui entravent les relations algéro-françaises», écrit pour sa part l'influent quotidien El Watan. Le journal assortit son commentaire d'un dessein humoristique où une victime algérienne d'une mine affirme «Ca, il aurait fallu le dire 45 ans plus tôt».

Le chef de l'Etat français est attendu en décembre en visite officielle en Algérie. Son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika, a invité à plusieurs reprises la France à faire acte de repentance pour «les crimes commis pendant la période coloniale.»
Les deux dépêches circulent largement dans les médias français et algériens. Je les ai trouvées sur une quarantaine de médias en ligne.

Certains médias algériens jugent, légitimement, ce geste extrêmement tardif. Sur algerie-dz, s'inspirant d'un article du Quotidien d'Oran, on peut lire:
Déjà en 2005, à l’occasion de la cérémonie de clôture de l’opération de destruction du dernier lot de stock algérien de mines antipersonnel qui s’était déroulée à Hassi Bahbah, le président de la République avait dénoncé le passé de la France coloniale eu égard au nombre important de mines antipersonnel et de mines en général qui ont été semées à travers le territoire national, regrettant par la même occasion le fait que «la France n’ait pas daigné nous fournir la cartographie à même de faciliter le déminage de ces régions».
La nouvelle république reprend à son compte l'expression du Président:
Quarante-cinq ans après l'indépendance de notre pays, et après tant d'années de vaines sollicitations, d'attente injustifiée et injustifiable, l'armée française a enfin daigné remettre à l'état-major de l'ANP le plan des mines antipersonnel posées par l'armée coloniale française autour des deux lignes électrifiées Challe et Morice de sinistre mémoire.
El Watan, en février 2006, indique:
M. Bouteflika avait stigmatisé le refus de Paris de donner les cartes des champs de mines implantés dans les frontières (lignes Morice et Challe).
De quoi parle-t-on ici? Il me semble qu'un minimum de précision s'impose, sauf à vouloir multiplier les commentaires sans intérêt ou faciliter les manipulations politiciennes. Loin de moi l'idée de défendre le passé colonial français, et encore moins la dépose, par la France, de millions de mine en Algérie, mais il me semble intéressant d'indiquer ce qui suit.

Sur le site de la Campagne internationale contre les mines, on pouvait ainsi lire, concernant l'Algérie (la dernière mise à jour de ce document remonte à 2003, et il est classé dans une rubrique intitulée «1999»):
À la fin de la guerre d'indépendance algérienne, l'Armée a déployé un effort considérable de déminage des régions infestées de mines. La responsabilité des programmes d'enlèvement des mines incombe toujours à l'Armée. L'Armée a reçu de la part de la France des cartes indiquant les zones minées. Les zones minées représentent souvent des endroits désertiques inhabités ou des régions montagneuses d'accès difficile.
(La mention «d'accès difficile» n'excuse pas grand chose, le même document indiquant par la suite que le nombre de victimes des mines se situe entre 3000 et 40000 morts.)

Sur le même site algerie-dz, qui indique aujourd'hui que «la France n'a pas daigné...», on pouvait lire en novembre 2004:
Au lendemain des accords d’Évian, l’Algérie avait reçu de la France des tonnes d’archives concernant les champs de mines aménagés le long des lignes électrifiées plantées le long des frontières.
Sur le site de Maroc Hebdo, un article d'Abdellatif El Azizi indique:
Les estimations du nombre de mines au Sahara varient de 200 mille à 10 millions. Le Polisario qui ne produit pas de mines a importé des mines d'Algérie et d’Israël. La MINURSO a confirmé la présence sur le territoire du Sahara de trente-cinq différents types de mines antipersonnel et vingt et un différents types de mines antichars, en provenance de douze pays différents. Au niveau diplomatique, cette histoire de mines est utilisée par les deux parties en conflit. L’Algérie qui est le véritable vis-à-vis du Maroc dans cette histoire de mines s’en est tirée avec une habile pirouette.

Faisant porter le chapeau au Polisario, elle a signé le 3 décembre 1997 la Convention de Maputo sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction. Laissant aux mercenaires de Mohamed Abdelaziz le soin de clamer à tout vent que pour pouvoir signer la convention ils devaient auparavant «accéder au statut d’état souverain». À maintes reprises, des représentants du Polisario sont montés au front pour affirmer qu’ils signeraient et ratifieraient le Traité, s’ils pouvaient le faire! En avril 2000, le patron des mines antipersonnel du Polisario, Dah Bendir, se fendait d’une déclaration qui en dit long sur la volonté des généraux algériens de maintenir la pression sur le Maroc, «Étant données les incertitudes de la situation actuelle, nous ne pouvons nous engager à détruire toutes les mines que nous possédons, car nous pouvons être à nouveau en guerre demain. Mais nous souhaitons nous y engager, dès que le conflit sera définitivement résolu.»